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Permis de créer…
Publié dans El Watan le 30 - 01 - 2016

A la clé, un vif plaidoyer pour la réhabilitation du premier art et sa «requalification» comme construction culturelle et sociétale «génétiquement» liée à notre moi collectif. Le débat s'est déroulé le 23 janvier dernier à Dar El Djazaïr (Safex, Pins Maritimes), en amont de la tenue de son assemblée générale élective pour le renouvellement de ses instances nationales.
Le Synaa, qui bataille sur le terrain depuis près de quatre ans, a convié à cette occasion un beau panel d'experts pluridisciplinaires pour «déconstruire» les pratiques à l'œuvre dans notre paysage urbain en proposant des procédures alternatives pour mieux appréhender notre «habitus commun». Cela a eu l'effet d'une bonne piqure de rappel à même de réveiller le corps social et de bousculer les maîtres d'ouvrage de notre destin national avec l'espoir que, peut-être, dans un futur plus ou moins proche, et même sans fric et sans pétrole, on puisse aspirer à une «ville meilleure».
L'un des axes-clés autour desquels s'est articulé ce forum, c'est le cadre juridique qui codifie la profession, avec, en filigrane, cette épineuse question : l'arsenal réglementaire édictant les règles d'urbanisme permet-il aux acteurs du bâtiment de mieux s'exprimer, ou, au contraire, est-il un instrument coercitif, un frein à la création ? Le juriste Mohamed Louber précise d'emblée que «le législateur reconnaît à l'architecture son caractère d'intérêt public». Il cite à ce propos l'article 2 du décret 94-07 régissant la profession d'architecte. Extrait : «La qualité des constructions et leur insertion dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels et urbains, la préservation du patrimoine et de l'environnement bâti sont d'intérêt public».
Le juriste pointe néanmoins un décalage assez flagrant entre le droit et le réel : «Le droit peine à répondre aux exigences de la profession. Le dispositif juridique balisé par le décret législatif 94-07 est insuffisant, il n'a pas connu d'évolution significative alors que l'activité subit de profondes mutations», dit-il. Mohamed Louber en veut pour preuve la «régularisation par l'Etat de situations de fait attentatoires pourtant à l'intérêt public» type «constructions illicites». «Il y a une défaillance des pouvoirs publics dans le respect de leurs propres lois», appuie-t-il.
«La rémunération des études est insuffisante»
Décortiquant les différents textes réglementaires promulgués en matière d'architecture, l'urbaniste Tewfik Guerroudj estime que «leur contenu n'est pas favorable au développement de la créativité architecturale» et qu'un «sentiment d'embarras vis-à-vis de l'architecture ressort des textes». M. Guerroudj insiste sur «l'importance sociale de l'architecture. Cette importance justifie qu'elle soit considérée d'utilité publique et, par voie de conséquence, que la profession soit réglementée, c'est-à-dire essentiellement que la rémunération des études soit suffisante pour que les investissements procurent leurs meilleurs effets».
Or, l'urbaniste constate à regret, en étudiant le rapport qualité-coût, que l'ingénierie est mal rétribuée, ce qui influe négativement sur la qualité du cadre bâti : «La déréglementation de la rémunération des études, alors que le prix est le critère de choix essentiel sinon exclusif, a contribué à laminer la rémunération qui est à un niveau insuffisant», révèle M. Guerroudj.
L'auteur du Petit Vocabulaire de l'Urbanisme (Ed. Confluences, 2010) plaide pour une «politique de l'architecture qui mette en valeur l'innovation ; organise ou permet d'organiser la formation professionnelle continue ; rende les concours attractifs ; réglemente les honoraires si possible pour tous les secteurs, et au moins pour le secteur public et parapublic, tout en protégeant les architectes des pratiques qui diminuent encore leur rémunération (bas prix d'objectif irréaliste, engagement des travaux et des prestations avant la signature de l'ordre de service pour l'architecte et non-paiement de la période transitoire) et en procédant régulièrement à la révision des prix à l'homme-mois».
«Dans cinq ans il y aura autant de bidonvilles !»
Autre volet abordé : les pratiques dominantes en matière de constructions et leur impact sur la profession. Titillant amicalement l'orgueil de nos amis «archis», Rachid Sidi Boumedine lance dès l'entame de sa communication intitulée «Pratiques habitantes et projet architectural» :
« Ce qui est en train de se passer, en définitive, et qui peut-être vous fait peur, c'est cette espèce de prolétarisation de l'architecte qui devient un rouage, un auxiliaire dans la machine de l'Etat, et en même temps sa marginalisation. L'architecte se dit : ‘‘Je suis important, je suis créateur d'espace, créateur culturel'', et on est en train de lui dire : ‘‘Dez maâhoum'' !», assène-t-il.
Le sociologue urbaniste parle de «rouleau compresseur de l'Etat avec des programmes de 5000, 10 000 logements». La taille de ces programmes et leur caractère stéréotypé font que «ce n'est plus la peine de faire des études d'architecture». «Le rouleau compresseur de la politique quantitative du logement, sous l'argument de faire pas cher, finit par faire du répétitif. Tout cela fait de l'architecte un auxiliaire», explique le conférencier. «Il y a un verrouillage dimensionnel de la norme», argue-t-il. «La manière de faire ces objets normés a conduit à la réduction de l'action de l'architecte. En plus, comme c'est l'Etat qui est le demandeur central, on a vassalisé totalement l'architecte. Il doit se plier au moule», souligne le chercheur.
Malgré ce «rouleau compresseur» en matière d'habitat pour absorber la sempiternelle crise du logement et résorber l'habitat précaire, la débidonvillisation à long terme est loin d'être gagnée, gage l'ancien directeur de l'Inerba. «Je vous fais une prophétie : dans cinq ans il y aura autant de bidonvilles qu'il y en a maintenant», prédit Si Rachid.
Analysant les «stratégies familiales de construction», le sociologue estime que l'architecte ne sert plus qu'à opérer des «ajustements» en fonction des situations dans le rapport à l'espace et à l'autorité. Le statut de l'architecte est précisément lié à ces ajustements conjoncturels. Son utilité se résume à assurer «deux médiations», note le sociologue : formaliser le plan, et obtenir le permis de construire.
Parmi les tendances observées, Rachid Sidi Boumedine relève cette pratique consistant à toujours laisser des fers d'attente en prévision des étages à venir ou encore la multiplication des «garages» transformés aussitôt en commerces : «Le garage est devenu tellement important, car le paradigme c'est de concevoir la construction comme un projet économique et non pas comme un projet résidentiel», dissèque-t-il. Là où pour les classes populaires la formule est au garage aménagé en local commercial, chez les classes supérieures l'enjeu, nous dit le spécialiste en sociologie urbaine, est de «transformer sa villa en projet attractif pour BNP-Paribas». C'est la mode des locations à milliards au profit des grosses boîtes ayant pignon sur rue et autres ambassades étrangères réglant le bail en milliers d'euros. «Le projet pour les couches aisées est de faire en sorte que la villa devienne une entreprise économique via son architecture», décrypte le chercheur.
Maîtrise d'ouvrage : un métier à réinventer
Rachid Sidi Boumedine mentionne une autre anomalie qui est en train de défigurer Alger : les anciennes villas rasées sans état d'âme pour céder la place à d'affreux buildings, comme on peut le constater à Kouba, Hydra ou encore dans le quartier du Télemly. «Dans ces quartiers, qu'est-ce qui est en train de se passer ? Des villas sont en train de disparaître pour donner naissance à des immeubles de 8 étages. De deux choses l'une : ou bien ceux qui ont fait le PDAU d'Alger sont des idiots congénitaux, ou bien c'est une violation caractérisée de la loi. Les POS sont approuvés, mais un POS approuvé n'autorise pas à violer les cahiers des charges de lotissements existants !» s'indigne le sociologue.
Tout cela est symptomatique, d'après lui, d'une nouvelle fonction assignée à l'architecte : servir de caution à la boulimie foncière (et foncièrement prédatrice) d'un «capitalisme sauvage doublé de formes de clientélisme». Pour sa part, Fayçal Ouaret, architecte, écrivain et directeur général de l'Agence nationale de réalisation des grands projets culturels (ARPC), a fait un focus sur un segment sensible de la chaîne de production du bâtiment : la maîtrise d'ouvrage. Il s'agit, selon lui, de l'un de ces nouveaux métiers «imposés» par la modernité, et qui appellent une nouvelle gamme de compétences.
«Ces nouveaux métiers, on ne les a jamais enseignés. Jamais appris. On continue à croire que la fonction du maître d'ouvrage est une simple formalité à remplir. Lorsqu'on veut récompenser un responsable, on lui donne la maîtrise d'ouvrage d'un projet», martèle Fayçal Ouaret avant d'ajouter : «La profession d'architecte a tout à gagner si le maître d'ouvrage est capable de maîtriser son propre cadre de compétence.» «Le cahier des charges que définit un concours, on ne le maîtrise pas. L'aspect architectural que nous voulons donner à telle œuvre n'existe pas. Nous n'avons pas la capacité à augurer ce que doit être un nouveau monument.
On n'a pas les méthodes. Sur la programmation architecturale, on n'a aucune formation», déplore-t-il. Et de poursuivre : «A peine commence-t-on à construire que l'enveloppe allouée est doublée. Nous n'avons aucune formation en économie du bâtiment.» Le directeur de l'ARPC recommande avec énergie : «Il faut impérativement construire tous ces corps de métier et favoriser leur émergence, et c'est seulement à ce moment-là qu'on pourra parler d'architecture.»
«On peut faire d'Alger une deuxième Sonatrach»
Amine Benaïssa, l'ex-architecte en chef de la wilaya d'Alger, s'est chargé, quant à lui, d'apporter des éléments de réponse à une autre question-clé : «Qui dessine la ville ?» Dans sa philosophie, un projet urbain, à quelque échelle soit-il, fait toujours appel à une multitude d'acteurs (l'Etat, les collectivités locales, les élus, les corps techniques, la société civile) entre lesquels il faut savoir tisser une synergie.
«La complexité du processus est faiblement compatible avec une tradition prescriptive, hiérarchisée et linéaire de l'aménagement», proclame-t-il. Référence à la tradition «latine», à laquelle il préfère clairement, confie-t-il, la tradition anglo-saxonne, réputée plus flexible.
Amine Benaïssa penche ainsi pour un «dispositif d'ingénierie agile, c'est-à-dire que l'on définisse le projet de manière progressive et itérative». «Il faut éviter la tentation de la méga-structure où vous allez définir d'un seul tenant ce que sera la ville dans 20 ans», conseille-t-il. «C'est un processus qui relève davantage du marathon que du Big Bang».
Revenant sur son expérience dans la conception du Plan Stratégique d'Alger, Amine Benaïssa met en exergue un autre principe cardinal : «Il ne peut y avoir de planification en aménagement s'il n'y a pas de direction, s'il n'y a pas un ‘‘dessein''», c'est-à-dire s'il n'y a pas une vision», dit-il. L'un des fondamentaux de cette vision était de projeter Alger dans une nouvelle dimension sur le plan économique, d'en faire une vraie métropole, une «ville-hub», une grande cité influente et agissante plutôt qu'une ville passive.
Une proie facile offerte en pâture à la mondialisation : «L'idée, c'était d'inscrire l'Algérie dans la nouvelle géographie du monde qui se dessine. En parlant de mondialisation, on pense forcément ‘‘métropole''.
En Algérie, la métropole c'est Alger, et c'est sur ça qu'il faut jouer. Il faut penser le développement de l'Algérie en dehors du pétrole et du gaz, et c'est dans cet esprit-là qu'a été défini le projet, l'idée étant de créer des recettes récurrentes qui ne nous emprisonnent pas dans une logique de subventions.
Au contraire, on voulait utiliser Alger comme cœur et moteur du développement», explique l'urbaniste. Amine Benaïssa en est persuadé : «On peut faire d'Alger une deuxième Sonatrach !» s'enthousiasme-t-il. Pourvu que Chakib Khelil ne s'avise pas à faire son come-back dans la peau du «nouveau régent d'Alger»…


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