Censée solidifier le socle de l'Etat et de la nation sur des fondements démocratiques, manifestement, la Constitution remodelée divise gravement. Le système militaro-policier ne peut être réformé ni de l'intérieur ni par un ravalement de façade. Le salut réside dans un changement institutionnel profond, audacieux et inédit», tranchent vingt-trois signataires de la tribune d'aujourd'hui intitulée : «L'Algérie de demain ou l'indispensable changement institutionnel». Ce groupe, dans lequel figurent des militants du mouvement démocratique comme l'historique Ali-Yahia Abdennour, l'ancien chef du RCD, Saïd Sadi, des anciens du Mouvement culturel berbère, Mouloud Lounaouci, Saïd Domane, Saïd Chemakh, Arab Aknine, Ramdane Achab et d'anciens militants de la guerre de Libération comme Mouhoub Naït-Maouche et Djilali Leghima. Ces signataires, issus d'horizons politiques divers, élargissent ainsi le «front du refus» de la Constitution qui prend un nouvel habillage. Boycottée par l'opposition parlementaire – le FFS, la coalition des partis islamistes –, sévèrement rejetée par le bloc d'opposition réuni sous la bannière de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), la loi fondamentale apparaît incontestablement comme un texte d'une «minorité» politique. De nombreuses personnalités politiques nationales influentes, des intellectuels connus et des spécialistes expliquent et démontrent l'inefficience de la Constitution revue et «corrigée». A l'unanimité ils estiment qu'elle ne prend pas en charge les aspirations de la société ; pis encore, elle est loin d'apporter des réponses justes à la crise du système politique qui depuis son instauration en 1962 bloque le pays. «C'est un acte de violence constitutionnelle», brocarde le FFS. «Elle trahit l'échec du pouvoir», tance la CLTD. «C'est une Constitution d'un régime et non pas celle d'un Etat», blâment encore quatre intellectuelles, Fatma Oussedik, Khaoula Taleb Ibrahimi, Fatiha Benabbou et Louisa Aït-Hamadouche dans une tribune publiée cette semaine. La communauté algérienne établie à l'étranger se sent heurtée par une des dispositions de la Loi fondamentale. Elle fait d'eux des citoyens de «seconde zone» dès lors qu'elle consacre leur exclusion. Dans son esprit comme dans ses objectifs, la Constitution de Bouteflika dans son acte III ne semble pas avoir réussi à rassembler les tendances lourdes de la société dans sa diversité. Les cinq années consacrées aux «consultations» politiques n'ont pas abouti finalement à forger un large compromis politique alors que le pays fait face à des crises multiformes. Le pouvoir rejette la responsabilité sur l'opposition qui «refuse la main tendue», et cette dernière doute de la volonté politique réelle des décideurs à opérer des réformes nécessaires à l'émergence de la deuxième République. Les camarades de Saïd Sadi, qui rappellent dans leur texte le socle des valeurs devant structurer une Constitution moderne et démocratique, estiment que la Loi fondamentale «doit être l'aboutissement d'un compromis élaboré autour de valeurs intangibles qui s'imposent à tous : les principes de la liberté de conscience et d'opinion, l'indépendance de la justice, l'égalité des sexes, le respect de la parole de la minorité et des règles d'alternance sont des préalables qui doivent être acceptés, partagés et garantis». Le texte replace au centre du débat la question identitaire, affirmant que la problématique amazighe «est au centre de tout contrat politique qui doit régir et structurer l'Etat et la société démocratiques de demain et déterminer la configuration de la région nord-africaine dans une mondialisation qui a condamné les systèmes autocratiques post-coloniaux».