Si vous êtes Français et musulman, ou plutôt Français mais musulman, vos enfants seront victimes, dès l'école, de discriminations. C'est ce que démontre le livre d'un historien, François Durpaire, et d'une sociologue, Béatrice Mabilon-Bonfils, Fatima moins bien notée que Mariane. L'école n'a rien contre Kader et Fatima, bien sûr, les enseignants se veulent et se croient objectifs, mais l'examen le plus superficiel de l'institution scolaire démontre qu'elle discrimine : ignorant systématiquement la culture d'origine des élèves, à moins qu'elle ne l'exhibe comme folklorique et ne leur demande plusieurs fois par jour, pour peu que leur apparence les distingue de leurs camarades, «d'où ils viennent» — tel ce ministre qui insiste lourdement auprès d'une étudiante noire pour savoir d'où elle vient : «Mais, Monsieur, je viens de Caen, j'y suis née !», lui répète-t-elle — , l'école tend à pourvoir les élèves d'une identité imaginaire : comment cette jeune fille à la coiffure abondante, telle Angela Davis, peut-elle être Française, comment cet étudiant, qui vient à la fac couvert d'une djellaba plutôt que d'un imper, serait-il Français ? Les discriminations qui frappent les élèves sont multiples : la carte scolaire les oriente d'office vers certains établissements — les parents qui refusent cette orientation doivent demander une dérogation, qui peut leur être refusée —, les établissements eux-mêmes décident de la section qui, estiment-ils, leur convient, et les enseignants, inconsciemment, n'ont pas les mêmes attentes, ni la même attitude selon le public qu'ils reçoivent : leur «connivence affective» varie en fonction de l'origine des élèves et des préjugés qu'ils peuvent avoir envers certaines catégories. Conséquence : Issam et Kader sont plus souvent et plus durement punis que Mathieu, «même si les faits d'indiscipline reprochés aux trois élèves sont exactement de même nature». A ces discriminations, d'autant plus efficaces et blessantes que leurs auteurs ne se rendent pas compte de leur partialité, s'ajoutent les préjugés que les manuels reproduisent. Presque tous ceux que les auteurs ont étudiés véhiculent les simplismes et les faussetés qui abondent dans l'opinion : l'islam apparaît dans ces manuels comme une religion étrangère, pire : comme une menace, les Arabes seraient tous des guerriers prompts à se battre ou «des terroristes en puissance… spécialisés dans la destruction intellectuelle, médiatique et politique (française)… Tout contribue à construire une essentialisation du musulman… Tout est là, en acte, pour qu'un imaginaire de peur et de menace soit activé par l'école autour des minorités arabo-musulmanes». Comment s'étonner que des jeunes de cette minorité se «radicalisent» et deviennent les «terroristes» que ses peurs et ses rejets ont très largement contribué à créer ?