Les importations sont devenues une préoccupation majeure du gouvernement après la chute drastique des prix de l'énergie. Beaucoup d'économistes à l'époque nous disaient de nous en préoccuper très peu. Les réserves de change garantissaient plus de trois années d'importations. Par ailleurs, on nous disait que plus du tiers des importations était lié aux programmes de relance économique. Si on décidait de geler ces programmes, les importations se réduiraient drastiquement. Or, ce n'est pas ce qui se passe actuellement. La plupart des projets sont gelés ; et malgré les efforts de contrôle qui deviennent de plus en plus drastiques au ministère du Commerce par l'introduction des licences d'importation, les résultats sont loin des objectifs fixés. Il y a donc autre chose qui expliquerait l'explosion des importations de ces dernières années. En l'an 2000, les importations du pays avoisinaient les 10 milliards de dollars. L'économie n'était pas mal approvisionnée. Les goulots d'étranglement étaient mineurs. En 2014, la facture des importations dépassait les 65 milliards de dollars. La situation devient intenable. Nous enregistrons l'un des taux de croissance des importations les plus élevés au monde : 15%. Il nous faut un baril à plus de 115 dollars pour continuer à importer ainsi. Quant aux exportations, elles peinent à se développer hors hydrocarbures. A la fin des années 1990, on avait fixé un objectif de 3 milliards de dollars ; il ne fut jamais atteint. Au vu des données, nous sommes une économie victime du syndrome «hollandais». La rente a pesé de tout son poids pour creuser davantage la dépendance des différents secteurs économique vis-à-vis de l'énergie. Mais les questions essentielles demeurent : quelles sont les causes de ces déséquilibres ? Mais, plus important encore, c'est comment y remédier et au moins équilibrer, sur le moyen terme, les importations et les exportations avec un prix du baril déprimé ? Sur le long terme, il faut viser un équilibre hors hydrocarbures. Les causes de l'envolée des importations et la stagnation des exportations On peut énumérer de nombreux facteurs responsables de cette situation. Ils ne datent pas d'aujourd'hui. Les fréquents changements de priorité et de politiques économiques en sont pour quelque chose. L'explication populaire est que les importateurs auraient un impact énorme sur les décisions économiques. Ils auraient pesé de tout leur poids sur le processus décisionnel pour asseoir une ouverture économique débridée. Peut-être ! Mais les choix visibles expliquent, en grande partie, une situation des plus uniques au monde. Nous avons choisi d'injecter massivement des ressources pour moderniser les infrastructures, et ceci constituait notre «stratégie d'émergence». J'ai toujours expliqué qu'elle n'était pas la bonne. L'Inde a les pires infrastructures au monde (plus vétustes que ceux de l'Algérie de l'an 2000) ; mais le pays avait choisi de financer la science, le développement humain, la recherche et les hautes technologies. Aujourd'hui, elle a construit les industries et l'économie qui va le propulser au rang de troisième puissance économique mondiale en 2040. La leçon est simple : ce sont la science et les cerveaux humains qui doivent être financés en premier. On évitera la construction des infrastructures clé en main par des étrangers. On aurait développé les cerveaux, les entreprises et la technologie qu'il faut pour construire nous-mêmes ces infrastructures. Avec 800 milliards de dollars, c'était plus que possible. On aurait pu construire une économie qui réduit les importations et qui exporte. La cause la plus importante du boom des importations et de la faiblesse des exportations se situe au niveau de l'atrophie du secteur productif national. Nous avons un grand pays avec une population importante (50 millions en 2025), mais nous avons un petit secteur productif. A peine 800 000 PME/PMI composent notre paysage économique, alors que nous devrions en disposer au moins 2 000 000. Il nous faut créer 1 500 000 d'entreprises, plus que doubler le nombre disponible, pour avoir un tissu productif conforme aux besoins du pays. Le manque d'entreprises productives induit des importations : ce que l'on ne produit pas est importé. Nous aurions dû financer au moins à hauteur de 50% le développement des entreprises productives (agriculture, industrie, services) au sein des fameux plans de relance qui étaient tout-infrastructure : une autre erreur stratégique de commise. Un autre élément explicatif réside dans l'environnement des affaires. A l'époque, les hommes d'affaires interrogés expliquaient qu'il est plus rentable et plus facile d'importer que de produire localement. Les différentes administrations, peu préparées, malmenaient les producteurs locaux, surtout privés. Beaucoup ont fermé des unités de production pour se convertir en importateurs. Les exportateurs étaient frustrés de voir que les décisions favorables prises par le gouvernement étaient quasiment bloquées sur terrain. Mais Il est encore possible de redresser la situation Un proverbe chinois dit : «Rien ne sert de pleurer la jarre cassée ni l'eau versée». On ne peut revenir en arrière et refaire les stratégies. Par contre, on peut prendre des décisions qui vont nous mettre sur la trajectoire de l'émergence. Nous considérons les pistes les plus importantes à considérer pour régler le problème à long terme. Il est inutile de critiquer des décisions dont les pouvoirs publics connaissent les défaillances. Les décideurs ont de tout temps indiqué que les licences d'importation ne sont pas la solution à long terme. Ce sont des dispositions provisoires qui nous permettent de gagner du temps pour formuler des solutions plus réalistes et plus efficaces. Toute solution doit tenir compte des facteurs-clés de succès incontournables : définir une stratégie globale, qualifier aux standards internationaux les ressources humaines, moderniser le «management national», décentraliser plus et financer davantage le secteur productif, surtout les industries du savoir qui nous manquent. Ce n'est qu'en travaillant dans ce sens qu'on développera également la compétitivité, de sorte à avoir un rapport qualité/prix favorable à l'exportation. Nous avons besoin de booster le climat des affaires de sorte qu'il soit plus facile et plus rentable de produire localement que d'importer. Un suivi des réalisations et un audit périodique (mensuel) permettraient de corriger rapidement les défaillances. Ceci corrigerait une grande partie des déséquilibres ; mais pas tout. Au fur et à mesure que l'on finance et développe l'économie productive (ériger les entreprises qui nous manquent), on booste une économie diversifiée et efficace ; on doit laisser le dinar glisser vers sa véritable valeur, tout en subventionnant les produits de base pour les plus nécessiteux (ciblage). Le renchérissement des produits importés donnera une seconde chance aux producteurs nationaux de s'accaparer des parts de marché importants. Ce traitement technique ne donne des résultats que si l'on finançait les facteurs-clés de succès. En attendant, le gouvernement n'a pas le choix que de manipuler des instruments difficilement gérables et peu efficaces : les autorisations d'importation.