La loi décrétant l'état d'urgence répond-elle à des dispositions bien déterminées ? Le décret présidentiel portant instauration de l'état d'urgence a été signé par le président du HCE le 9 février 1992. Ce décret était dicté par la situation de l'époque, notamment « les menaces visant la stabilité des institutions et les atteintes graves et répétées portées à l'encontre de la sécurité des citoyens et de la paix civile ». L'article 1er de ce décret prévoit un état d'urgence pour une durée de 12 mois qui « peut être levé avant terme ». Mais il a été prorogé et, 18 ans après, sa levée n'est toujours « pas à l'ordre du jour ». On peut dire que les dispositions de ce décret sont claires et de nature, bien entendu, à restreindre les libertés publiques pour faire face à une situation qui se distinguait par la dissolution de l'Assemblée nationale, la démission du président de la République, l'arrêt du processus électoral et la création du HCE. L'état d'urgence devait être levé après l'élection de l'Assemblée nationale et l'installation du Conseil de la nation. Cette loi est-elle en contradiction avec les dispositions de la loi fondamentale ? La Constitution prévoit l'état d'urgence « en cas de nécessité impérieuse ». L'article 92 (amendements de 1996) renvoie à une loi organique pour fixer l'organisation de l'état d'urgence. Et cette loi n'a pas encore été promulguée. D'après vous, pourquoi l'état d'urgence n'a-t-il toujours pas été levé ? Est-ce dû à un échec de la réconciliation nationale ? Le maintien de l'état d'urgence après la mise en place des institutions est une atteinte grave aux libertés fondamentales et une violation de la Constitution. Certes, il y a encore des groupes terroristes, mais leur existence n'est plus de nature à menacer l'ordre constitutionnel républicain. Le maintien de l'état d'urgence permet donc au Pouvoir et à l'Alliance présidentielle d'éviter le retour à une vie politique normale, ce qui impliquerait un débat public sur les grands problèmes (chômage, logement, transport, école, santé…) et permet par la même occasion aux partis politiques dits d'opposition de justifier leur incapacité de présenter une alternative crédible.