Rien d'étonnant si le réputé Festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez l'a totalement plébiscité en février avec le Prix du jury, le Prix d'interprétation pour Fatsah Bouyahmed (Fatah dans le film) et le Prix du public ! Après une semaine en salles, on enregistre près de 340 000 entrées. Pourtant, au départ, le projet n'a pas eu l'adhésion des financeurs ou producteurs. Qui pouvait croire à une histoire mettant en scène une vache et un Arabe ? Un seul – et toujours le même – va faire exister le film. Comme pour La Marche, c'est encore le trublion franco-marocain Djamel Debbouze qui, outre son talent d'acteur (cousin de Fatah dans le film), va s'engager comme coproducteur de La Vache et peser de tout son poids médiatique. Au-delà de ses talents divers, Djamel Debbouze a une âme de fédérateur capable de «renifler» le potentiel d'un scénario qui plus est porté par des amis côtoyés depuis dix ans, Mohamed Hamidi et Fatsah Bouyahmed. Le premier a un parcours plutôt atypique. Franco-algérien, issu du quartier de Bondy en région parisienne, âgé de 43 ans, il est professeur agrégé en économie-gestion avant de se consacrer à l'éducation des jeunes de banlieue qu'il éveillera à la communication en créant le Bondy Blog, désormais adoubé dans le monde des médias. Entre 2005 et 2006, il est chroniqueur à Canal Plus. Par ailleurs musicien, il collabore une première fois avec le Djamel Comedy Club dont il compose la musique. De là date sa longue collaboration avec Debbouze, au point de devenir directeur artistique chez Kissman Productions, fondé par l'humoriste. Et c'est tout naturellement qu'en suivant son ami, il mettra en scène le festival Marrakech du Rire dont il est, à ce jour, le directeur artistique. Suffisant ? Non ! Cet extraordinaire polyvalent va coécrire le one-man-show Tout sur Djamel ainsi que le premier spectacle de Malik Bentalha, Malik se la raconte. Dès lors, le cinéma lui tend les bras et il signe, en 2013, son premier long métrage, Né quelque part, film personnel sur l'identité, toujours soutenu par Djamel Debbouze. Avec son coscénariste, Alain-Michel Blanc, il écrit La Vache, tandis que le comédien Fatsah Bouyahmed apporte sa verve pour les dialogues. Ce même Fatsah, jusque-là inconnu, est la révélation de La Vache qu'il porte de bout en bout. Aperçu déjà dans Né quelque part où il emprunte l'accent blédard de son père, il donne l'idée de départ du film en évoquant un parent amoureux de sa vache. Dès lors, Hamidi imagine le personnage de la vache Jacqueline, ainsi dénommée parce que française d'origine (tarentaise). Le pitch du film : un petit paysan algérien aime tellement sa vache Jacqueline qu'il rêve de la faire concourir au Salon de l'agriculture de Paris. Quand sa demande est enfin acceptée, il l'emmène en bateau, puis à pied en semant tout au long de sa route sa bonne humeur, sa naïveté et son humanité auprès des gens qu'il rencontre. En chemin, Fatah va croiser la route d'un aristocrate aussi désargenté que dépressif (très bon Lambert Wilson) dont l'humanité va le conduire à écrire sous la dictée une lettre d'amour à la femme de Fatah, lequel révèle alors son immense pudeur. Une des scènes irrésistibles du film ! Fatsah Bouyahmed a été choisi par Mohamed Hamidi pour sa capacité à «véhiculer à la fois de l'humour, de la poésie et de la sincérité». Ce bon musulman va, de plus, au cours de son périple, découvrir les affres de l'alcool qu'on lui a «vendu» comme étant de la poire… On entend d'ici les esprits chagrins s'élever contre une comédie pleine de bons sentiments et décrivant dans ce road-movie une France gentillette où ne sévissent ni les pro-FN ni les racistes. Mais l'un des points forts du film est qu'il ne se limite pas à la comédie. En arrière-plan, on peut aussi le considérer comme un film politique malgré les apparences. «Comme dans les fables, nous dit Mohamed Hamidi, il était important pour moi que cela soit induit (la politique) et pas démontré. En ces temps troubles où certains veulent opposer les religions et les modes de vie, je voulais montrer que les individus, d'où qu'ils viennent, peuvent cohabiter et partager des choses malgré les différences de culture, de statut social, de religion…». De fait, grâce à la bonhomie de son personnage qui transpire la sympathie et la sincérité, ce film fonctionne comme un «feel good movie» émouvant et jouissif.