Les nouvelles technologies ont envahi aussi bien les domaines privés que le monde économique. Les industries du savoir dominent les modes de production, de distribution et de communication de toutes les institutions. Le monde ne fonctionnera plus de la même manière qu'il y a à peine vingt ans. Tous les analystes s'évertuent à prôner l'adaptation et l'intégration des nouvelles technologies au tissu économique afin d'en tirer profit. Les paramètres d'intégration et d'acquisition de ces nouvelles technologies sont vite devenus les indicateurs essentiels du degré de développement d'un pays. Par le passé, les données quantitatives de l'économie réelle étaient prépondérantes. On avait coutume de quantifier, pour chaque pays, le tonnage d'acier, le nombre de kilowatts, etc. consommés par habitant pour classer un pays. Ceci tend à être supplanté par des indicateurs comme le nombre de téléphones portables par habitant, le taux d'accès à internet…. La nouvelle économie s'installe et bouleverse le mode de fonctionnement des économies. Mais il faut vite replacer les choses dans leur contexte. Autant ces nouveaux produits peuvent être considérés comme des gadgets pour l'utilisation domestique autant ce sont de précieux outils pour l'amélioration de la productivité. Leur maîtrise n'est ni une mode ni un simple effet de mimétisme ; mais nous avons là de précieux instruments pour booster la productivité économique d'un pays ou d'une entreprise. Le fait que la productivité (production par citoyen/par an) baisse chez nous devrait nous interpeller, même si la chute est minime : -0,5% par an. Elle s'améliore de plus de 1,3% par an dans le reste du monde. Le retard acculé dans l'utilisation des nouvelles technologies serait une des variables explicatives essentielles, mais pas la seule. Quant à la question du chômage, qui ne fait pas consensus, elle demeure très problématique. Quelques analystes accusent les nouvelles technologies de produire plus de chômage qu'il n'en faut. Mais l'analyse statistique par pays remettrait en cause un pareil dogme. Les pays qui utilisent plus qu'ailleurs les technologies les plus avancées (Corée du Sud, Singapour, USA) ont des taux de chômage moindres que ceux des pays développés, émergents ou sous-développés qui sont à la traîne dans ces domaines. Très peu de managers de projets formés Quand on analyse les constances du mode de fonctionnement de l'économie nationale, on ne peut que relever certaines similitudes entre les différentes facettes des programmes sectoriels divers. En premier lieu, notre pays a toujours consacré un volume de ressources remarquable pour booster les différents secteurs. Que l'on parle de l'agriculture, de l'éducation, de l'industrie ou autres, les ressources mobilisées furent énormes, par le passé ou le présent (PNDRA, restructuration industrielle etc.). Cependant, les résultats sur le terrain ont toujours été en deçà des anticipations. On dépense beaucoup pour peu de résultats. Les politiques économiques ont toujours fonctionné sur une fausse hypothèse ; cette dernière stipule que pour obtenir des résultats probants, il faut de la bonne volonté des acteurs et mobiliser les ressources qu'il faut. C'est devenu une culture. Beaucoup de nos décideurs croient que tout est question de ressources et de bonne foi. Nous avons oublié les outils et les méthodes d'efficacité. Il en est de même pour les technologies nouvelles. D'un point de vue investissement par habitant, nous pouvons nous créditer de bons scores. Mais dans les différents classements internationaux, nous n'avons pas la position compatible avec le volume des investissements consentis. En moyenne, nous nous classons dans le derniers tiers des pays en termes d'utilisation des diverses nouvelles technologies. Nous avons un problème de capacité d'utilisation des ressources. Nous retombons toujours sur le même problème. Nos entreprises et nos institutions économiques ne sont pas préparées à utiliser efficacement les ressources à leur disposition. C'est devenu une culture généralisée que d'essayer de faire avancer les choses avec très peu de professionnalisation des métiers. Je prends un simple exemple : différents secteurs des technologies nouvelles, télécommunication, électronique, robotique, énergies nouvelles, etc. avaient entrepris de grands projets avec des ingénieurs plus ou moins qualifiés mais avec très peu de managers de projets formés, expérimentés et ayant produit des résultats tangibles. Pistes d'analyses On croit qu'il suffit de donner un projet à un bon ingénieur pour pouvoir l'exécuter. Tout ingénieur qui gère un projet doit absolument être qualifié comme gestionnaire de projets — formation de MBA en gestion de projets de deux ans plus une expérience de terrain qui commence par des petits programmes pour aller vers des projets plus compliqués. Un ingénieur manager de projets gère les aspects humain et financier, l'organisation scientifique du travail, les relations publiques et toute une panoplie de fonctions pour lesquelles un ingénieur purement technologue n'est pas préparé. Il a les outils, les méthodes et les expériences d'ailleurs pour commettre le moins d'erreurs possible. Il peut aiguiller les responsables sur les meilleures décisions à prendre. Par la suite, dans notre pays, lorsque le projet, géré par un non-professionnel, est terminé, il aurait un retard qui équivaut à trois durées normales et un coût trois fois et demi supérieur à la prévision initiale. Enfin, on va encore souvent confier la gestion quotidienne (accueil, production, maintenance, marketing…) à un ingénieur ou un administratif peu préparé. Nous avons encore des modes de fonctionnement peu compatibles avec une utilisation efficiente des ressources allouées aux technologies sophistiquées. Nous ne pouvons améliorer la compétitivité des entreprises algériennes et, par là, de notre pays qu'en maîtrisant, au niveau de nos concurrents, les nouvelles technologies. Ces dernières permettent de réduire les coûts, d'améliorer la qualité et de s'adapter rapidement. Dès lors que l'on accuse un retard, la compétitivité ne peut que nous être défavorable. Alors, il nous reste à mettre en place les conditions de leur maîtrise. Accueillir et utiliser efficacement les nouvelles technologies nécessite de préparer deux éléments capitaux. Le premier concerne les ressources humaines. Nous avons fait des efforts en ce sens, mais ils demeurent comparativement insuffisants. Il faut donc qualifier aux standards internationaux toutes les ressources humaines disponibles. En second lieu, il nous faut un management de classe mondiale au sein de nos institutions et nos entreprises productrices et utilisatrices. Et là, nous avons des décennies de retard. Il nous faut adapter nos processus organisationnels et nos exigences de postes de travail aux standards et spécifications internationales. Nous avons toute une chaîne d'exigences à respecter pour être hautement efficaces. Pour cela, nous aurons besoin de sociétés spécialisées en management des nouvelles technologies. Et là, c'est le désert. Nous butons toujours sur le même problème : l'insuffisance en qualité et en quantité des industries du savoir qui peuvent faire fonctionner efficacement nos entreprises et nos institutions à but non lucratif.