Sur la RN 12 qui relie Alger à Tizi Ouzou, douze stèles à la mémoire des héros de la guerre de Libération nationale sont visibles sur l'autoroute. Elles ont été inaugurées en 2015. Signe particulier : toutes ces statues ont le visage tourné vers l'ouest, de sorte qu'elles ne soient aperçues que par les usagers de la voie express venant d'Alger. Elles sont toutes situées à droite et à proximité des ponts et des bretelles qui mènent vers des localités de la wilaya de Tizi Ouzou. Outre les questions que cela soulève sur cette disposition, l'on s'interroge aussi sur les choix de ces endroits démunis d'aires de stationnement. Pour qui sont-elles alors destinées ? Faire un arrêt pour un recueillement est une prouesse et un danger. Ces statues des leaders de Révolution, parmi lesquels des colonels (Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Slimane Dehiles, Ali Mellah, Amirouche Aït Hamouda, Saïd Mohamedi, Saïd Yazourène, Mohand Oulhadj et Mohamed Zamoum) et des politiques comme Abane Ramdane et Aïssat Idir ont été réalisées «sur décision de l'ancien wali», dit-on. Nos tentatives d'obtenir des indications sur les auteurs, les coûts, la matière utilisée et les conditions de passation de marché de ces œuvres auprès de l'APC et de l'APW de Tizi Ouzou sont restées vaines. Certaines de ces statues sont faites en bronze doré comme celles de Krim Belkacem et de Lalla Fatma N'Soumer, d'autres en granit noirâtre, comme celles d'Ali Mellah ou Mohand Oulhadj. Selon une source, la pose et la réalisation d'une seule statue a coûté à l'APW trois millions de dinars en moyenne. Des espaces verts sont créés autour de ces stèles, certains sont entretenus, d'autres abandonnés aux ovins. Le seul endroit qui se distingue par son entretien est celui où se trouve la statue de Amar Ouamrane, à l'entrée ouest de la ville de Drâa Ben Khedda, signée «Kamatchou 2015». «L'auteur de cette stèle en granit est de Béjaïa m'a-t-on dit», affirme Ammi Mouh, pépiniériste et gardien des lieux. Il témoigne : «La wilaya m'a attribué ces lieux en compensation d'une expropriation. Je les entretiens et j'y ai ouvert une pépinière. On me l'a affectée et on m'a abandonné à mon sort. J'ai moi-même fait la clôture et installé le portail. On a drainé les eaux pluviales et qui stagnent au pied de la statue, un travail bâclé.» Ammi Mouh en a gros sur le cœur. Des buses apparaissent en contrebas de la stèle et on n'a pas prévu l'évacuation des eaux. «J'ai planté 3000 rosiers aux couleurs nationales : blanc, vert et rouge. J'ai dépensé beaucoup d'argent, mais je vais transformer cet endroit en paradis dans quelques mois. J'ai demandé l'autorisation de réaliser un puits, car il n'est pas indiqué d'arroser des plantes avec de l'eau potable qui contient du clore et d'autres produits. J'attends.» Ammi Moh déclare que les visiteurs des lieux sont rares. Cette journée «fête de la Victoire» est un jour sans gerbes de fleurs en hommage à ces combattants. Au contraire, des détritus de toutes sortes jonchent le sol de ces monuments, des herbes folles poussent autour d'elles. Les stèles de Dehilès, Zamoum, Amirouche, Mohand Oulhadj et Abane sont sans plaques commémoratives. Statues de géants anonymes ! L'autre figure historique, Mourad Didouche, fils d'Ibskriène, dans la région d'Azzefoun, n'y figure pas. Est-ce un simple oubli, ou cela répond-il à la démarche qui consiste à l'arracher à Tizi Ouzou, sa région d'origine ?