Entre Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), et Mohamed Bedjaoui, ancien président du Conseil constitutionnel et ancien ministre des Affaires étrangères, rien ne va plus. Dans un communiqué rendu public hier, Djilali Hadjadj répond à l'ancien haut responsable de l'Etat algérien et l'accuse : «Mohamed Bedjaoui reconnaît avoir ‘‘introduit'' Pierre Falcone auprès des autorités algériennes, à un moment où il était… président du Conseil constitutionnel.» Rien que ça ! Mais de là à affirmer, toute honte bue, que Pierre Falcone est «un homme d'affaires mondialement connu», visiblement, le ridicule ne semble pas gêner outre mesure Mohamed Bedjaoui ! De qui se moque-t-on quand on sait le passé sulfureux de ce citoyen français ? Dans une longue réponse à l'entretien de Bedjaoui paru sur le site toutsurl'algérie (TSA), le président de l'AACC souligne que Pierre Falcone, que M. Bedjaoui avait introduit auprès des autorités algériennes, est connu pour être un «commerçant d'armes, repris de justice, condamné en France en 2007 à un an de prison ferme pour détournement de fonds (affaire dite Sofremi) et condamné, aussi, pour… évasion fiscale, relaxé dans le procès de l'Angolagate, alors que les faits reprochés étaient très lourds, et secret de polichinelle, cette relaxe fut obtenue suite à de fortes pressions du gouvernement français sur les juges, et ce, sous prétexte que cela ne concernait pas l'Etat français». Djilali Hadjadj soutient, contrairement aux dires de l'ex-ministre des AE, que les deux hommes, Mohamed Bedjaoui et Pierre Falcone, se sont connus à l'Unesco. «Pierre Falcone fut délégué permanent de l'Angola à l'Unesco en 2003, au moment où Mohamed Bedjaoui était membre de son conseil exécutif (2001-2005)… C'est certainement à cette période qu'ils ont fait connaissance et entamèrent des ‘‘discussions'' autour du marché de l'autoroute Est-Ouest, dont l'appel d'offres fut lancé en juillet 2005», indique Hadjadj. Ce dernier se demande si cela fait partie des missions d'un président du Conseil constitutionnel d'introduire auprès des autorités le représentant d'un potentiel soumissionnaire (une entreprise chinoise en l'occurrence) à l'appel d'offres de l'autoroute Est-Ouest. Une introduction, note Hadjadj, qui a rapporté gros, puisque l'entreprise de Falcone rafle les deux tiers du marché, soit 6 milliards de dollars sur les 11milliards initialement consacrés au projet. La prise en charge de Falcone Le président de l'AACC relève un «autre aveu accablant» de Mohamed Bedjaoui, en disant que Falcone «a bénéficié de mon appui initial dans le respect des lois». Hadjadj s'interroge à quel titre, pour quels buts et qui a mandaté Bedjaoui pour apporter son appui à Falcone. Ceci et d'accuser : «N'a-t-il pas outrepassé ses missions de président en exercice du CC ?» Djilali Hadjadj ajoute que Mohamed Bedjaoui aurait «pris en charge au nom du Conseil constitutionnel et aux frais de cette institution, un des séjours de Pierre Falcone à Alger, au moment où se préparait le projet de l'autoroute Est-Ouest». Le responsable de l'AACC affirme que Bedjaoui, devenant chef de la diplomatie algérienne, a continué d'apporter son appui à Falcone. «Bedjaoui organisa une réunion interministérielle informelle sur le projet de l'autoroute Est-Ouest. Amar Ghoul, ministre en charge du projet y était… Mais plus grave, Mohamed Bedjaoui fait assister à cette réunion… Pierre Falcone !!! Deux autres ministres (Finances et Energie) devant assister à cette réunion, mais ayant appris la présence de Pierre Falcone, se décommandèrent.» Hadjadj estime qu'une «justice algérienne indépendante et compétente aurait pu, si elle l'avait voulu, déjà dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, lors de l'instruction et du procès, en savoir plus sur l'implication réelle et le rôle joué par Mohamed Bedjaoui». Et de rappeler que lors de l'instruction de l'affaire et du procès, deux inculpés ont fait état des taux de répartition des commissions lors de l'exécution du marché : «9% pour Pierre Falcone» sur les 15% du montant total du marché remporté par l'entreprise chinoise. «Sans que ces déclarations consignées dans l'arrêt de renvoi n'amènent les juges à convoquer Falcone», rappelle Hadjadj. Ce dernier fait remarquer que Mohamed Bedjaoui a quitté son poste de ministre de son propre gré quand «les rumeurs de corruption dans le marché de l'autoroute Est-Ouest avaient déjà commencé à se propager». Djilali Hadjadj conclut sa réponse en jugeant «trop tardif» le mea-culpa de Bedjaoui d'avoir introduit Falcone auprès des autorités algériennes. «Mais il se garde de dire pourquoi. Son étroite proximité avec le pouvoir en place depuis 1999 lui a épargné d'être entendu au moins comme témoin — à défaut d'être inculpé — par les juges dans l'affaire autoroute Est-Ouest… Ce n'est pas glorieux pour celui qui a été aussi ministre de la Justice (1964-1970», dit-il.