Qu'il s'exprime dans un article, dans un simple entrefilet, dans un compte-rendu ou dans le genre du portrait littéraire, on sent que l'activité de critique est pour Abdennour El Maâla (1) un besoin intérieur, un désir de prendre conscience de l'unité du processus littéraire et d'y trouver la place exacte de telle ou telle œuvre. Les sujets qui l'intéressent forment un éventail extrêmement large : une partie du livre — celle qui nous montre le mieux, peut-être, les préférences littéraires de l'auteur — est consacrée aux écrivains anglais et russes tels que Graham Green, T. H. Lawrence et Selmane Rushdi pour les premiers et Léon Tolstoï, Anton Chekhov et Pouchkine pour les deuxièmes. La première partie de l'ouvrage bâtit, si l'on peut dire, les fondations du livre tout entier : on y trouve les travaux consacrés au processus littéraire dans son ensemble et aux divers genres. Les pensées que l'auteur y exprime sont reprises et développées dans les autres chapitres ; là elles sont exposées sur le plan théorique bien que l'écrivain les applique toujours au processus littéraire concret. Abdennour El Maâla envisage dans ses Esquisses littéraires (2) le développement de la littérature comme un processus de contradictions, de difficultés et d'obstacles, un processus complexe aussi bien pour l'écrivain que pour le lecteur. L'auteur ne doute pas que l'expérience personnelle de chaque auteur de talent ait une grande importance, non seulement pour la littérature de son pays natal, mais pour celle aussi du monde entier. Il manie librement les faits et les découvertes des littératures de divers pays, illustrant ses idées par l'expérience de William Faulkner, de Thomas Mann et de William Golding, d'Elias Canetti ou Günter Grass. La littérature a ses lois que l'écrivain ne peut ignorer. L'expérience littéraire de Abdennour El Maâla lui permet de les exprimer à sa manière : « La littérature, c'est à la fois la sauvegarde des sources et la démolition de ce qui a fait son temps et une voie vers l'avenir. Ces lois sont valables aussi bien pour la littérature d'une ‘'grande'' nation que pour la littérature des ‘'petites'' », écrit El Maâla qui considère que « la meilleure forme de communion entre les écrivains de divers peuples est la lecture attentive des œuvres des uns par les autres ». Au problème des rapports entre la tradition et l'innovation se trouve étroitement lié un autre problème, celui de l'historicité de la prose contemporaine. Dans ses réflexions à ce sujet, Abdennour El Maâla s'appuie sur des faits littéraires vivants, reprend des discussions récentes soulevées autour de ces problèmes, analyse leur signification, les leçons qu'on peut en tirer, par exemple les longues discussions et les nombreux écrits autour du « nouveau roman » en France ou les écrits des critiques arabes modernes qui ont versé dans ce qu'on a appelé « la nécessité du renouveau dans le roman arabe ». Le livre tout entier est imprégné de ces liens, de ces analyses, souvent, pertinentes et nous fait pénétrer dans le laboratoire d'Abdennour El Maâla. 1) Auteur irakien né en 1958 à Baghdad 2) Editions El Farabi - Beyrouth 2009 (en arabe).