Le président Barack Obama a entamé hier une visite en Arabie Saoudite. La visite intervient alors que les relations entre Washington et Riyad sont marquées par des dissensions. En effet, les décisions de l'Administration Obama — qui quittera la Maison-Blanche en janvier prochain — notamment en ce qui concerne la Syrie et l'Iran, ont provoqué l'ire du royaume wahhabite. Le refus du président Obama de bombarder la Syrie et l'accord sur la liquidation des armes chimiques détenues par Damas malgré la «ligne rouge» fixée sur l'usage de ces armes et l'accord sur le nucléaire iranien en juillet 2014 ont contrarié l'allié régional de Washington. Dans ses déclarations publiées en mars par le magazine The Atlantic, le président américain a reproché à Riyad d'avoir cherché à influencer d'autres pays musulmans, dont l'Indonésie, en exportant l'idéologie wahhabite, et il l'a appelé à «partager» sa présence au Moyen-Orient avec son rival iranien. La «concurrence» entre les Saoudiens et les Iraniens qui a contribué à alimenter des guerres par procuration en Syrie, en Irak et au Yémen « nous commande de demander à nos amis (saoudiens) aussi bien qu'aux Iraniens de trouver un moyen efficace pour cohabiter et d'instaurer une sorte de paix froide». En réaction, dans une tribune publiée dans la presse saoudienne, l'ancien dirigeant des services de renseignement, le prince Turki Al Fayçal, a déclaré : «Vous nous accusez de fomenter des conflits confessionnels en Syrie, au Yémen et en Irak» et «vous ajoutez l'insulte à l'injure en nous demandant de nous entendre avec l'Iran, pays que vous décriviez comme partisan du terrorisme et alors que vous aviez promis à notre roi de contrer ses activités déstabilisatrices» au Moyen-Orient. Et d'ajouter : «Vous assimilez une amitié constante pendant 80 ans» entre Riyad et Washington à «une direction iranienne qui continue de décrire l'Amérique comme le plus grand ennemi, qui continue d'armer, de financer et de soutenir les milices confessionnelles dans le monde arabe et musulman, qui continue d'abriter des dirigeants d'Al Qaîda et qui continue d'empêcher, par le biais du Hezbollah, l'élection d'un président au Liban». À chacun ses priorités Pour l'Arabie Saoudite, la priorité consiste à neutraliser l'Iran. Au Yémen, la révolte des houthis est considérée par Ryadh comme des manœuvres destabilisatrices de l'Iran dans la région. Sur les fronts syrien et libanais, Téhéran soutient Damas et le Hezbollah libanais, et Riyad avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn, parraine le Mouvement du 14 Mars de l'ancien Premier ministre libanais Saad Hariri. Par ailleurs, le président Obama a lancé la politique du «pivot» américain vers l'Asie, qui pourrait vouloir dire, pour les monarchies du Golfe, que le Moyen-Orient n'est plus important pour Washington, alors que ces pays ont besoin des Etats-Unis pour leur sécurité militaire, comme l'a montré la guerre du Koweït de 1990-1991. En parallèle, un sujet sensible a refait surface : le possible rôle de l'Arabie Saoudite, ou de certains de ses responsables, dans les attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis (15 des 19 pirates de l'air étaient Saoudiens). Des élus, républicains comme démocrates, du Sénat ont rédigé un projet de loi qui permettra de traduire ces derniers devant des tribunaux américains. De son côté, Barack Obama espère que les discussions se concentreront d'abord sur la lutte contre l'Etat islamique.