Vladimir Poutine se positionne comme intermédiaire entre les deux puissances rivales. Mais a-t-il les moyens pour faire vraiment la différence ? La Russie a proposé de servir «d'intermédiaire» dans le conflit qui oppose l'Iran et l'Arabie Saoudite. Et Moscou n'est pas la plus mal placé pour jouer ce rôle. L'exécution du cheikh chiite Nimr al-Nimr, avec quarante-six autres personnes condamnés pour «terrorisme» par le régime wahhabite, début janvier, a ravivé les tensions entre les deux pays. Depuis la rupture des relations diplomatiques entre le champion sunnite et son rival chiite, toutes les puissances extérieures à la région ont appelé à la «modération». Les Etats-Unis ont souligné l'importance de «maintenir une implication diplomatique et des discussions directes». L'Union européenne, par la voix de la Haute représentante pour la politique extérieure et de sécurité commune, Federica Mogherini, a fait part de sa «préoccupation», tandis que la France appelait à la «désescalade». Mais Vladimir Poutine a dans sa manche un atout : il peut parler à tout le monde. La diplomatie française se prévaut du même avantage mais elle a trop misé sur l'Arabie Saoudite au cours des dernières années, pour des raisons à la fois stratégiques et commerciales. La visite à Paris du président iranien Hassan Rohani, qui aurait permis de rééquilibrer la politique française dans la péninsule arabo-persique, a été annulée à la suite des attentats du 13 novembre. Elle devrait cependant avoir lieu dans les prochaines semaines. Une Russie plus interventionniste Quant aux Américains, ils reprennent lentement leurs relations avec Téhéran, après l'accord sur le programme nucléaire iranien du 14 juillet 2015 sans être encore devenus des interlocuteurs fiables, aux yeux des mollahs. Du côté de l'Arabie Saoudite, Washington a perdu une partie de son influence traditionnelle en cherchant à se rapprocher de l'Iran et en soutenant, au moment des printemps arabes, des mouvements hostiles à Riyad. Après avoir livré des armes et envoyé sur place des «conseillers» à Bachar el-Assad, la Russie est passée, depuis l'automne dernier, à des bombardements massifs. L'engagement croissant de la Russie au Moyen-Orient est une illustration d'une des lignes directrices de sa politique étrangère énoncée dans le nouveau «document sur la stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie» que le président Poutine a signé le 31 décembre : jouer un rôle de plus en plus important sur la scène internationale. Un des moyens utilisés par le Kremlin a été une intervention de plus en plus massive dans la guerre civile en Syrie qui dure depuis 2011 et a fait plus de 250 000 morts. Après avoir soutenu par des livraisons d'armes et la présence sur place de «conseillers» Bachar el-Assad, la Russie est passée, depuis l'automne dernier, à des bombardements massifs contre les groupes d'opposants au régime de Damas, et subsidiairement contre les positions de l'Etat islamique. Sur le terrain, la Russie se retrouve l'alliée de l'Iran qui soutient lui aussi Bachar el-Assad par une présence militaire directe et indirecte par l'intermédiaire de son bras armé libanais, le Hezbollah. Moscou ménage Riyad Toutefois, Vladimir Poutine a pris grand soin, tout en s'alliant à l'Iran, de ne pas se couper du royaume saoudien. À l'automne, il a reçu à Sotchi le ministre de la Défense, le vice-prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui semble être l'homme fort de régime, à l'origine de l'intervention saoudienne au Yémen contre la rébellion houthiste soutenue par Téhéran.