Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al Thani reçu par Abdelmalek Sellal Depuis leur rapprochement avec Téhéran, les Etats-Unis inquiètent le CCG qui voit se concrétiser une realpolitik qu'on retrouve dans la thèse défendue par l'ancien secrétaire adjoint à la Défense de...l'administration Bush, James Clad... Emboîtant le pas à plusieurs émissaires saoudiens, le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al Thani, a effectué samedi une visite à Alger où il a été reçu par le Premier ministre Abdelmalek Sellal et s'est entretenu avec son homologue, Ramtane Lamamra. Par-delà le discours qualifiant les relations bilatérales de «très satisfaisantes», les entretiens ont «également été l'occasion d'échanges de vue sur la situation régionale, notamment dans le domaine sécuritaire», avec ce constat partagé de «la nécessité d'appuyer toute solution politique qui consolide la paix et la sécurité» dans les conflits qui déchirent plusieurs pays arabes. Et derrière le volet économique qui voit le Qatar anxieux de profiter de l'expérience algérienne sur le continent africain, il a donc été question de diplomatie. Les observateurs auront relevé le ballet soutenu que plusieurs pays membres du Conseil consultatif du Golfe ont entrepris, depuis quelques semaines, en Algérie, certaines sources y voyant l'amorce d'une médiation de notre pays au Yémen, entre l'Arabie saoudite et ses alliés, d'une part, et l'Iran, d'autre part. Soulignant les liens particuliers qui ont toujours existé entre l'Algérie et ces pays, les analystes concèdent que les relations avec les pays du CCG ont été quelque peu distendues, ces dernières années, compte tenu de la position sur la Syrie exclue abusivement de la Ligue arabe où Mourad Medelci était même tancé par le représentant du Qatar qui promettait que «le tour de l'Algérie est pour bientôt», en référence au printemps arabe. De l'eau a coulé sous les ponts depuis lors, et l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a achevé de sonner le glas de ces certitudes. Empêtrés dans une guerre des sables au Yémen, au moment où la chute des prix du pétrole affecte gravement et durablement leur économie, l'Arabie saoudite et le Qatar ont été sonnés par le changement de cap de la Maison-Blanche, pourtant amorcé en 2015 par Barack Obama.Dans un long article au magazine américain The Atlantic, le président Obama avait détaillé sa doctrine et livré des critiques acides du Royaume saoudien, lié à Washington par une «relation spéciale» depuis 1933, en échange de 35.000 dollars. Il lui reprochait de vouloir influencer d'autres pays musulmans, telle l'Indonésie, en exportant «le wahhabisme», sa version rigoriste de l'islam. Pour Obama, le royaume sunnite doit «partager» le Moyen-Orient avec l'Iran chiite, «leur rivalité ayant conduit à des guerres par procuration et provoqué le chaos en Syrie, en Irak et au Yémen». Mieux, Obama s'est dit «fier» de sa décision de ne pas intervenir militairement en Syrie. Aujourd'hui, son prochain successeur, Donald Trump, va plus loin, reprochant aux pays du CCG de «bénéficier de la protection américaine sans aucune contrepartie» et ne faisant pas mystère de sa volonté de discuter avec Damas. Depuis le rapprochement avec Téhéran, les Etats-Unis inquiètent le CCG qui voit se concrétiser une realpolitik qu'on retrouve dans la thèse défendue par l'ancien secrétaire adjoint à la Défense de...l'administration Bush, James Clad, qui écrivait que l'invasion américaine de l'Irak en 2003 était «une erreur stratégique», et ses «conséquences catastrophiques». Une autre erreur, selon M.Clad, est le fait que les Américains sont «restés trop longtemps en Afghanistan» après la chute des taliban. Privilégiant la diplomatie à la politique de la canonnière, il vient défendre le choix d'Obama de «ne pas bombarder le régime syrien», en renvoyant au «précédent libyen qui a plongé le pays dans le chaos». Ce glissement de la politique américaine au Moyen-Orient a provoqué la colère de la famille royale saoudienne et de ses alliés qataris et émiratis, notamment. «La concurrence entre les Saoudiens et les Iraniens -qui a contribué à alimenter des guerres par procuration en Syrie, en Irak et au Yémen- nous commande de demander à nos amis (saoudiens), aussi bien qu'aux Iraniens, de trouver un moyen efficace pour cohabiter et d'instaurer une sorte de paix froide», écrivait le président Obama dans The Atlantic. Réaction violente du prince Turki al-Fayçal, qui a dirigé les services de renseignement saoudiens pendant plus de 20 ans, dans la presse saoudienne. «Vous ajoutez l'insulte à l'injure, en nous demandant de nous entendre avec l'Iran, pays que vous décriviez comme partisan du terrorisme», rétorque l'ancien ambassadeur du royaume aux Etats-Unis. Et d'ajouter: «Vous assimilez une amitié de 80 ans à la direction iranienne qui continue de décrire l'Amérique comme le plus grand ennemi, qui continue d'armer, de financer et de soutenir les milices confessionnelles dans le Monde arabe et musulman et qui continue d'abriter des dirigeants d'al-Qaëda...» L'Arabie saoudite et les pays du CCG sunnites accusent ainsi l'Iran chiite d'ingérence dans les affaires de la Syrie, du Yémen, du Liban, de l' Irak et de Bahreïn. L'accélération des évènements avec Donald Trump ne laisse aucun autre choix que celui d'un accord comme le recommande Obama. Et, corrélée à la démarche du ministre qatari des Affaires étrangères qui prône une coopération sur le marché africain, il s'agit vraisemblablement de trouver un missi dominici capable de réconcilier les protagonistes...