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Handicapés et environnement : Pourquoi tant de mépris ?
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2016

De bon matin en date de 24 février 2014, alors que j'étais au milieu de ces innombrables embouteillages d'Alger, radio El Bahdja diffusait l'interview du receveur de la Grande-Poste d'Alger relative à une exposition, où il lui a été demandé s'il y avait des dispositions particulières pour les «achkhass doo ahtiyadjate khassa» (expression à bannir de notre vocabulaire), celui-ci, et très fièrement, a répliqué qu'en cas de besoin, il y avait un agent qui se déplaçait spécialement à l'extérieur pour que la personne ait une assistance. Cela m'a conforté dans l'idée que nous sommes dans l'ignorance totale de ce qui se passe outre-mer et m'a encouragé à porter une modeste contribution au sujet de l'accessibilité de notre environnement.
Ces dernières années, dans le monde, la qualité d'usage à l'échelle urbaine ou du bâti ne cesse de s'améliorer et les objectifs à atteindre sont constamment revus à la hausse.
Le 10 décembre 1948 à Paris (palais de Chaillot) les 58 Etats qui constituaient alors l'Assemblée générale des Nations unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui marquait ainsi le point de départ de plusieurs aspects de la dignité humaine et des droits. Le premier article de celle-ci mentionne que «Tous les êtres naissent libres et égaux en dignité et en droits…». Durant notre vie, nous avons tous droit à la liberté, à la sûreté, à l'éducation et à prendre part à la vie culturelle, etc. Ces éléments qui peuvent paraître anodins de nos jours font partie des idéaux à atteindre par cette Déclaration.
L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a adopté la déclaration des droits du déficient mental en date du 20 décembre 1971, qui s'inscrit dans le cadre du respect des droits de l'homme afin d'assurer le bien-être et la réadaptation des handicapés physiques et mentaux. Elle confirme que le déficient mental a tous les droits universels, tels que la santé, l'instruction, la formation, une sécurité économique et un niveau de vie décent.
En date du 9 décembre 1975, l'Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration des droits des personnes handicapées. Remarquons que l'on ne parle plus d'un seul handicap (mental ou physique), mais des personnes qui sont dans l'incapacité d'assurer par elles-mêmes tout ou partie des nécessités d'une vie individuelle ou sociale normale, de ses capacités physiques ou mentales du fait d'une déficience congénitale ou pas. Il y a égalité des droits civils ou politiques pour toute l'humanité, ce qui exige la plus large autonomie possible qui ne peut se concrétiser dans le quotidien qu'avec la maîtrise de la chaîne de déplacement. 1981, année internationale des personnes handicapées, a été proclamée en 1976 par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, qui a aussi réclamé un plan d'action qui serait consacré à l'égalisation des chances, à la réadaptation et à la protection de l'infirmité.
Le programme d'action mondial concernant les personnes handicapées a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 1982. Il y est mis en exergue la pleine participation à la vie sociale et au développement de l'égalité. Les différents types de handicaps recensés sont : mental, physique, sensoriel et visuel. La participation à une vie active et l'égalité des chances ne peuvent être effectives qu'en portant une attention particulière à notre cadre de vie. Les barrières physiques empêchent la participation à une vie active. L'environnement physique demande une approche particulière pour l'égalité des chances. Les différents Etats doivent assurer une accessibilité spécifique à chaque type de handicap aux bâtiments, qu'ils soient nouveaux ou rénovés et aux différents modes de transport publics.
Afin de sensibiliser la population mondiale aux différences, le 3 décembre de chaque année a été proclamé Journée internationale des personnes handicapées par l'Assemblée générale des Nations unies en 1992
En décembre 1993, différentes cibles ont été répertoriées par les règles universelles pour l'égalisation des chances des handicapés. L'accessibilité en est une, parmi tant d'autres. Les différents Etats devraient reconnaître son importance et établir dans ce sens des actions à rendre le milieu physique accessible et promulguer des lois en ce sens. Les différents acteurs du cadre bâti impliqués y sont répertoriés, tels que l'architecte, l'ingénieur, etc. Il est mentionné que l'accessibilité doit être prise en charge en début de conception et en cours d'étude et qu'il faut y associer les différentes organisations de handicapés qui seront impliquées également lors de l'élaboration des normes. Au niveau des autres cibles énoncées, l'accessibilité est mise en relief afin d'assurer une pleine intégration à la vie active.
Faisons une petite halte pour constater à ce stade le chemin parcouru entre 1948 et 1993, et qu'une bonne accessibilité s'impose pour une pleine intégration des personnes handicapées à la vie active.
L'Assemblée générale des Nations unies a adopté en 1994 une résolution pour la pleine intégration des handicapés dans la société et qu'il incombe aux gouvernements de lever toutes les contraintes pour une pleine participation des personnes handicapées à la vie active.
En 1997, l'Assemblé générale de l'ONU a adopté une résolution concernant la mise en œuvre du programme d'action mondial concernant les personnes handicapées : vers une société pour tous au XXIe siècle. Les organisations gouvernementales ou pas sont encouragées à se pencher sur les aspects de l'accessibilité. Afin d'en donner l'exemple, il a été demandé au secrétariat général de l'ONU de faciliter les déplacements des handicapés au niveau de leurs bureaux.
En 1999, une résolution a été adoptée ayant les mêmes intitulés et objectifs que celle qui a été citée précédemment.
En décembre 2001, il a été créé un comité spécial ouvert à tous les membres de l'ONU en leur demandant d'examiner des propositions en vue de l'élaboration d'une convention internationale globale et intégrée pour la promotion et la protection des droits et de la dignité des personnes handicapées.
La convention relative aux droits des personnes handicapées a été ratifiée par l'Algérie par décret présidentiel n° 09.188 du 17 joumada el oula 1430 correspondant au 12 mai 2009 a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en date du 13 décembre 2006. La première remarque est que le concept de droit a été mis en place.
Après le préambule énonçant les acquis des personnes handicapées, cinquante articles ont suivi et ils ont chacun une relation très étroite avec l'accessibilité sans la citer. Les handicapé(e)s sont défini(e)s comme des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à une vie communautaire. L'idée de la conception universelle fait son apparition pour la première fois, elle affirme que tout le monde, sans distinction, peut utiliser un espace sans y apporter une quelconque modification. Les principes généraux de cette convention ont été répertoriés en huit points et l'accessibilité en est un à part entière. L'article 9 cite les objectifs à atteindre sur le terrain. Les Etats doivent prendre toutes les mesures appropriées pour assurer l'accès à l'environnement physique. L'élimination des obstacles et barrières à l'accessibilité s'applique entre autres aux bâtiments, à la voirie, aux transports et autres équipements intérieurs ou extérieurs, y compris les écoles, les logements, les installations médicales et lieux de travail.
Parmi les obstacles à lever, à savoir l'orientation, il y a lieu de doter les bâtiments d'une signalisation adéquate, à savoir le braille pour les non-voyants et des panneaux lisibles pour les malvoyants. L'accès à l'information et au monde de la communication fait également partie aussi des objectifs. Les Etats s'engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour l'élaboration de normes nationales et leur application sur le terrain. Cela s'applique même aux installations recevant du public appartenant au secteur privé. Afin d'y parvenir, l'aspect formation des parties concernées a été relevé.
Il a été mentionné que les Etats parties à cette convention se réunissent régulièrement pour examiner toutes les questions concernant son application. Les premières sessions se sont tenues le 31 octobre et le 3 novembre 2008 et la huitième session a eu lieu les 9 et 11 juin 2015. Nous remarquerons que cette conférence se tient annuellement, ce qui démontre l'intérêt que porte l'Organisation des Nations unies au suivi de la convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006.
Ladite convention est entrée en vigueur le 3 mai 2008, trentième jour suivant la vingtième ratification. La centième l'a été en mai 2011 par la Colombie.
Cette convention a été complétée par un protocole d'accord facultatif (signé par l'Algérie en mars 2007 et non ratifié à ce jour) dans lequel il est énoncé la procédure de recours international et son traitement concernant la violation des droits pour handicapés au niveau du comité des droits des personnes handicapées. Vu la ratification de cette convention par l'Algérie à travers le décret présidentiel cité ci-dessus, nous constatons que nous sommes loin de porter une attention particulière au monde du handicap et apporter par la même occasion une amélioration de notre cadre de vie.
Une résolution a été adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU en date du 21 décembre 2010 concernant la «réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement relatif aux personnes handicapées d'ici 2015 et au-delà» dans laquelle elle engage les Etats membres à faire en sorte que dans le cadre de la coopération internationale (sous toutes ses formes), les personnes handicapées doivent être prises en compte, notamment du point de vue accessibilité et prie le secrétaire général de continuer à favoriser la pleine intégration des personnes handicapées par un accès aux bâtiments et particulièrement aux locaux de l'ONU.
En 2011, l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale ont élaboré un rapport mondial sur le handicap où, sur la base des estimations démographiques de 2010, 15% de la population mondiale vivaient avec un handicap. Le rapport établit l'existence de nombreuses barrières qui contribuent au handicap qui sont essentiellement les politiques menées par les Etats, des normes insuffisantes et le manque d'accessibilité à l'environnement bâti et au système de transport.
En juillet 2011, un rapport du secrétaire général de l'ONU a été remis concernant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et autres objectifs du développement au niveau international pour les personnes handicapées, dans lequel il a été demandé une plus large adhésion et ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées et de son protocole facultatif.
En septembre de l'année 2013, une réunion de haut niveau sur le handicap et développement a été organisée ayant comme thème «La voie à suivre : un programme de développent qui tienne compte du handicap pour 2015 et au-delà». Celle-ci a insisté sur l'urgence à appliquer sur le terrain une conception universelle pour l'épanouissement des personnes handicapées en éliminant les obstacles qu'elles rencontrent.
Le 3 décembre 2013, par l'intermédiaire de son secrétaire général, l'ONU a appelé à redoubler d'efforts pour veiller à ce que les personnes handicapées qui sont plus d'un milliard dans le monde puissent bénéficier du développement et jouer leur rôle à part entière au sein de la société.
Le 4 décembre, Ban Ki-moon a inauguré un centre d'accessibilité pour les personnes handicapées au siège des Nations unies, à New York, qui permettra de consulter des documents et participer aux réunions. Par ailleurs, le président de l'Assemblée générale a déclaré que les efforts pour rendre le monde plus accessible devraient commencer par le siège des Nations unies. L'année 2013 a été riche en événements, le plus important est qu'en décembre, le secrétaire de l'ONU a nommé en la personne de Lenin Voltaire Moreno Garces, de nationalité équatorienne, en tant qu'envoyé spécial sur le handicap et l'accessibilité.
En mai 2014, à l'occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, le secrétaire général de l'ONU a de nouveau mis en évidence l'accès et l'égalité pour tous.
A l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, à savoir le 3 décembre 2014, l'ONU a appelé à se servir des nouvelles technologies pour assurer l'inclusion.
Là est une petite contribution concernant le chemin de l'accessibilité.
Le résultat que nous voyons dans d'autres pays est le fruit d'un long parcours. Qu'en est-il en Algérie ? Je vous laisse le soin d'observer notre milieu urbain et la réponse ne fait aucun doute. N'oublions surtout pas que chacun d'entre nous peut être demandeur un jour d'une bonne accessibilité.
A quand la conception d'EAS dans nos équipements ? (Je vous laisse le loin de satisfaire votre curiosité pour avoir le sens d'EAS). J'espère que la délocalisation de certaines cérémonies protocolaires du Sanctuaire des martyrs de Riad El Feth, due peut-être à un manque d'accessibilité, donnera à nos hommes politiques une volonté de lutter contre l'exclusion et entamer un véritable combat sur le terrain.

Par : Issam Damerdji
Architecte agréé


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