Photo : S. Zoheir Par Samir Azzoug Un handicapé est une personne à part entière et un citoyen aux besoins spécifiques auxquels l'Etat et la société entière doivent assistance. Comme pour les chômeurs, les sans-abri, les mineurs ou autres personnes âgées, élaborer une politique d'adaptation de cette catégorie de citoyens au modèle social ne relève pas de la faveur, mais demeure une obligation inhérente au rôle des institutions de l'Etat. Pour mieux apprécier la condition ainsi que les exigences de cette frange sociale, le meilleur qualificatif est le suivant : personnes aux besoins spécifiques (PBS). En langue anglaise, un handicap se dit «desability», ce qui pourrait être traduit par inadapté. Une personne présentant un handicap, c'est donc quelqu'un qui, à cause d'une altération (physique, sensorielle, mentale ou psychique) durable ou définitive, présente une limitation dans sa participation à la vie en société. Il est inadapté à un environnement créé par l'homme. Selon les chiffres du ministère de la Solidarité nationale, ils seraient environ 2 millions en Algérie. Une enquête pour déterminer le nombre et les conditions de vie des PBS a été lancée fin 2009 par l'institution. Les associations qui activent dans le secteur parlent de 4 millions, ce qui représente déjà, plus de 10% de la population algérienne. Ce taux est identique à celui du nombre de PBS dans le monde (600 millions) dont 80% se trouvent dans les pays en développement (selon les statistiques des Nations unies). En mai 2009, l'Algérie ratifie la convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l'ONU le 13 décembre 2006. Ce premier traité du XXIe siècle en matière de droits de l'Homme trace le cadre général requis pour garantir la dignité et l'intégration des PBS. Or, que demande une personne handicapée si ce n'est d'avoir les mêmes droits que les autres ? L'accès à l'éducation, au travail, au logement, aux services, aux pensions de solidarité… avec ceci de particulier qu'une adaptation spéciale soit apportée aux offres pour éviter la discrimination. La première difficulté que rencontrent les PBS en Algérie a trait à la liberté de circulation. Il ne s'agit pas ici d'avoir accès à des autorisations ou autres visas, mais simplement d'aménagements urbains d'accessibilité. Un décret exécutif (n° 06-455) existe depuis le 11 décembre 2006 fixant les modalités d'accessibilité à l'environnement physique, social, économique et culturel, mais sur le terrain le constat reste frustrant. Il est rare,en effet, que des aménagements soient prévus pour faciliter le déplacement des personnes handicapées. En dehors de quelques nouveaux sièges d'institutions, un PBS à la motricité limitée éprouve toutes les peines du monde à accéder à son bureau de poste ou à la mairie sans l'aide d'une main bienveillante. L'accès aux transports publics est encore plus compliqué. Une autre source de mécontentement, souvent mise à l'index par les associations de handicapés et les personnes concernées, est celle relative aux pensions. Selon les barèmes établis par l'Etat, les personnes invalides à 100% ont droit à 4 000 DA par mois et 3 000 DA pour les moins atteintes. Des allocations jugées insuffisantes au regard des besoins de cette catégorie de citoyens et face à la cherté de la vie. Des associations luttent pour établir le tarif de ces aides à la hauteur du SNMG (salaire national minimum garanti). L'autre droit, pratiquement dénié à cette catégorie de citoyens, celui du travail. Les lois de la République obligent les entreprises et administrations à réserver 1% des postes de travail aux personnes handicapées. En octobre 2009, la population active en Algérie (au sens BIT) était estimée à plus de 10 millions de personnes, ce qui, théoriquement, implique la présence de 100 000 PBS dans le lot. Mais en l'absence de statistiques fiables, l'on peut aisément dire que le quota est loin d'être atteint. En matière de prise en charge des personnes handicapées, le réseau des centres spécialisés en compte 258, gérés par les autorités publiques, et environ une centaine par des associations. Moins de 500 centres répartis à travers le territoire national ne peuvent certainement pas répondre aux besoins d'une population estimée par les officiels à 2 millions d'âmes. Restent la sensibilisation et l'information sur le handicap. Il est évident que, pour expliquer aux citoyens le comportement à adopter face à une personne aux besoins spécifiques, il faut mettre en place toute une stratégie basée sur l'éducation (au sens large). La démarche entreprise par la télévision nationale d'émettre des spots publicitaires dans ce sens est, certes, louable, mais la sensibilisation doit commencer au plus bas niveau. Dans les écoles. Et il ne faut pas attendre les quatre dates inscrites sur le calendrier des éphémérides nationales (3 décembre, Journée internationale des personnes handicapées, 14 mars, Journée nationale des handicapés, 13 décembre, journée arabe des handicapés, 9 octobre, journée mondiale du handicap) pour organiser des séminaires, autres colloques et discours pour débattre des difficultés dans lesquelles se démènent les PBS. Il faut se rappeler qu'un handicapé lutte chaque jour contre son mal et sa condition. Personne n'est parfait. Donc, chaque humain présente une imperfection. Qu'elle soit physique, psychique ou comportementale -visible ou difficilement décelable- personne n'est à l'abri du handicap. Alors pensons à ceux que nous pourrions être… un jour.