Annoncé déjà depuis plusieurs années, revu et corrigé, il n'en demeure pas moins au stade du «balbutiement», de l'avis même d'un haut dirigeant de Sonelgaz. L'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, indiquait déjà en 2011 qu'une soixantaine de projets avaient été identifiés et permettraient de produire jusqu'à 3000 MW d'énergie solaire et éolienne à l'horizon 2020. La même année, le PDG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, annonçait que l'Algérie allait investir près de 60 milliards de dollars à l'horizon 2030 pour développer la production des énergies renouvelables (EnR). Sonelgaz prévoyait notamment la production de 650 MW en 2015. Le nouveau programme national des EnR tel que rappelé par le ministre de l'Energie, Salah Khebri, a pour objectif une production de 4500 Mégawatts (MW) d'ici 2020 et de 22 000 MW d'ici 2030. Pourtant, on est bien loin de ces objectifs. Selon le PDG de SKTM, filiale de Sonelgaz, Chahar Boulakhras, la puissance installée en énergies renouvelables à fin février 2016 est de 84,3 MW (74,1 MW en photovoltaïque et 10,2 MW éolien), ce qui représente 11,6% de la puissance installée SKTM. Cette puissance passera à plus de 354 MW à l'achèvement des projets en cours de réalisation avant l'été, précise-t-il. Au mieux donc, la part du renouvelable atteindrait les 400 mégawatt à la fin de 2016, soit moins de 10% de l'objectif devant être atteint d'ici les cinq prochaines années (4500 MW). Doute Mais le gouvernement se veut rassurant. «L'Etat ne lésinera pas sur les moyens pour encourager l'investissement, notamment privé, dans ce domaine», rassure pourtant Salah Khebri, pour qui ce programme demeure toujours une priorité du gouvernement. Il faut dire que le gouvernement n'a pas beaucoup le choix. «98% de l'électricité est produite à partir du gaz et la production de ce dernier a chuté de 15% depuis 2008», explique Kamel Aït Cherif, expert en économie d'énergie. L'Algérie doit préparer «sa transition énergétique, d'abord par un modèle de consommation basé sur les économies d'énergies et l'efficacité énergétique, ensuite par un modèle de transition énergétique basé sur la diversification des sources d'énergie», dit-il. Selon lui, d'ici 2020-2030, l'Algérie n'a pas d'autres modèles énergétiques de transition que de basculer vers des énergies alternatives où les énergies renouvelables, notamment le solaire. Sa réalisation fait pourtant des sceptiques, à commencer par le PDG de Sonelgaz qui a soutenu au début de cette année qu'il «serait techniquement utopique d'espérer atteindre à l'horizon 2030 le mix énergétique visé», notamment en raison de la composante de ce programme qui fait la part belle au photovoltaïque avec une part de plus de 60% (plus de 80% avec l'éolien) . La prédominance du photovoltaïque et de l'éolien s'explique selon le PDG de SKTM : «Cela est conditionné par le potentiel existant, dominé par le solaire (2700 KWH/m2/an) comme moyenne nationale d'irradiation, et l'éolien (21 zones identifiées par l'ASAL dans son rapport de 2015) offrant une vitesse de vent variant entre 5 et 9m/s.» Les arguments pour la réussite d'au moins une partie du programme national militerait en faveur de l'introduction d'au moins 6500 MW de solaire thermique avec stockage et une limitation du solaire photovoltaïque et de l'éolien à moins de 8000 MW, selon M. Bouterfa. Ce dernier avait déjà déclaré il y a un an que «les énergies renouvelables ne sont pas une priorité», celle-ci étant d'abord de «satisfaire le consommateur, car, l'Algérien a besoin d'avoir son électricité, qu'importe l'origine». Avec un déficit de trésorerie de 80 milliards de DA, Sonelgaz s'apprête déjà à emprunter pour poursuivre ses investissements. «Si nous devons réaliser le programme des énergies renouvelables, nous aurons besoin de 100 milliards de DA par an», a estimé M. Bouterfa pour qui le développement de cette énergie alternative dépend de la disponibilité financière. Sonelgaz en difficulté, qui pour la suppléer ? A l'heure actuelle, «SKTM est désignée comme l'outil de réalisation par excellence de ce programme de par sa position d'opérateur public, ou de précurseur, ce qui ne veut pas dire que SKTM réalisera toute seule ce programme. La loi permet, et ce, depuis 2002, aux investisseurs tiers de réaliser des projets et produire de l'électricité renouvelable», précise Chahar Boulakhras. L'adhésion du secteur privé est d'ailleurs jugée «indispensable» par le ministre de l'Energie, qui assure que «l'Etat met à leur disposition des contrats d'investissement d'une durée de 20 ans, avec toutes les facilitations nécessaires, y compris en matière d'obtention de foncier». Salah Khebri a annoncé récemment qu'un appel à investisseurs pour la mise en œuvre du programme national des EnR pourrait être lancé avant la fin de l'été. Le secteur privé national mais aussi étranger sera fortement sollicité. L'enjeu est de taille. Selon Kamel Aït Cherif, la transition énergétique par le développement des EnR et le modèle économique de consommation d'énergie permettraient de faire des économies de pétrole et de gaz d'environ 50 à 60% à l'horizon 2030.