Venu bénéficier de la dhifa (accueil solennel) et solliciter la baraka (bénédiction) de la zaouïa de Medjadja, dans la région de Merrane, à une trentaine de kilomètres du chef-lieu de cette wilaya, Chakib Khelil a plutôt essuyé une humiliation : il a été obligé de s'en fuir par la petite porte. C'est une première depuis le début de sa tournée dans les confréries du pays. Un homme politique lui a ravi la vedette cette fois-ci. Il s'agit de l'ex-candidat à la candidature à la présidentielle d'avril 2014, Rachid Nekkaz. Habitué des actions du terrain les plus spectaculaires, le natif de Aïn Merrane a réussi à gâcher la fête de l'ancien ministre, contraint à expédier sa visite dans la zaouïa locale. «Il est arrivé comme un voleur et il est reparti en cachette», lance Rachid Nekkaz, contacté par nos soins. Selon lui, cette visite est «une provocation». «Chakib Khelil n'est pas le bienvenu ici dans ma région et dans tout le pays. Il le sera le jour où il se présentera devant la justice pour assainir sa situation», affirme-t-il. Que s'est-il passé ? La petite localité de Merrane a connu, hier, une matinée mouvementée. Quelque 500 personnes, selon Rachid Nekkaz, se sont rassemblées devant la zaouïa de la localité pour signifier leur mécontentement de la venue de celui dont le nom est mêlé aux scandales de corruption ayant ébranlé, au moment où il était patron du secteur de l'énergie, la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach. A la tête de la foule, comme constaté sur plusieurs vidéos postées sur les réseaux sociaux, Rachid Nekkaz, qui dénonce l'exploitation honteuse des «maisons de Dieu à des fins politiques». «Non à l'utilisation de la religion à des fins politiques !» «Les confréries n'ont pas pour rôle de blanchir les voleurs» et «Chakib Khelil n'est pas le bienvenu ici», déclare Rachid Nekkaz au milieu d'une foule de jeunes. La protestation s'est déroulée durant plusieurs dizaines de minutes, où Rachid Nekkaz est devenu la star. «C'est une maison de Dieu, elle est interdite à la politique», ajoute-t-il, avant de se voir refusé l'accès à l'intérieur de l'enceinte religieuse, où a été accueilli Chakib Khelil par un cercle restreint d'imams. En effet, dans une autre vidéo, on voit bien l'ancien ministre installé dans un fauteuil, entouré de quelques imams de la zaouïa. L'un d'eux prend la parole pour dire : «L'ancien ministre est un grand moudjahid qui s'est sacrifié pour le pays et œuvre pour sa stabilité.» Rachid Nekkaz dénonce cette mise en scène. «Ils ont obligé un vieil imam de 93 ans, Cheikh Si Ahmed, qui est très respecté dans la région, à recevoir l'invité», accuse-t-il. Selon lui, l'ordre est venu «d'en haut». «Ce ne sont pas les autorités locales qui ont donné l'instruction. Au contraire, elles ne se sont pas impliquées», assure-t-il. Se félicitant du caractère pacifique de la manifestation, Rachid Nekkaz estime que Chakib Khelil se trompe dans son analyse de la société algérienne. «Ce ne sont plus les zaouïas qui gèrent la société. L'Algérie a changé et les jeunes qui sont venus aujourd'hui (hier, ndlr) l'ont confirmé», déclare-t-il, précisant que son action contre la tournée de Chakib Khelil se poursuivra. «Ce qu'il fait est anticonstitutionnel. La loi interdit l'utilisation de la religion à des fins politiques et il devra être poursuivi en justice pour cela», enchaîne-t-il.