Des exécutions extrajudiciaires punies par les lois universelles se perpétuent dans ce pays. Des policiers et des militaires tirent sur des personnes étalées par terre. Des hommes et des femmes qui baignent dans leur sang. Des cadavres mutilés. Les images, diffusées en exclusivité mardi soir par la chaîne qatarie Al Jazeera, sont choquantes. Elles révèlent l'ampleur du drame au nord du Nigeria. A première vue, la plupart des victimes sont des civils. Cela porte un nom : des exécutions extrajudiciaires punies par les lois universelles. Selon Al Jazeera, les images remontent à l'été 2009. A cette date, des affrontements ont eu lieu entre les forces gouvernementales et les activistes islamistes du mouvement Boko Haram à Maiduguri dans l'Etat de Borno (le nord du Nigeria est à majorité musulman). Officiellement, ces accrochages avaient provoqué la mort de 700 personnes. Mais personne à l'époque ne s'était interrogé pourquoi le nombre des victimes était aussi élevé après quatre jours d'affrontements seulement. Il n'y a donc pas un début d'explication. Les exécutions sommaires se seraient poursuivies après l'irruption violente de Boko Haram dans les Etats de Bauchi, de Kano et de Yobe et auraient fait presque 1 000 morts. « Les forces de police et de l'armée sont allées chercher les personnes dans leurs maisons pour les tuer après en pleine rue », a précisé Al Jazeera. Les images vidéo montraient clairement un officier crier : « Visez la tête. » D'autres voix lançaient : « Pas de pitié, pas de pitié. » La famille de Baba Fugu Mohammed, un chef de tribu connu dans la région, a confirmé son exécution par la police. Il était le beau-père de Mohammed Yusuf, chef de Boko Haram, lui et son lieutenant Abubakar Shekau, ont été tués dans des conditions troubles. Le président Umaru Yar'Adua a promis que les opérations menées par les forces armées, l'été 2009, devaient entraîner « la chute définitive » du mouvement extrémiste. Aster Van Kregten, qui s'occupe du Nigeria à Amnesty International, ONG de défense de droits humains, a déclaré que les exécutions extrajudiciaires se sont généralisées dans ce pays. Elles n'ont été suivies d'aucune enquête. Situation qui ressemble à celle de beaucoup d'autres pays africains. Boko Haram, qui signifie en haoussa « l'éducation occidentale est illicite » et qui porte également le surnom « médiatique » de « talibans » du Nigeria, revendique un islam radical. Il a été particulièrement agressif à l'égard des musulmans qui ne partagent pas ses thèses et à l'égard des chrétiens. Cependant, Boko Haram, qui est dirigé par un certain Sanni Umaru, ne s'attaque pas aux intérêts occidentaux. Le Nigeria, qui est le pays le plus peuplé d'Afrique avec 150 millions d'habitants et qui est le huitième exportateur mondial de pétrole, n'a jamais connu de véritable stabilité depuis la terrible guerre du Biafra en 1967 qui a fait au moins deux millions de morts. Cette vulnérabilité est liée, entre autres, à la rivalité entre les trois principales ethnies : les Haoussas, les Yorubas et les Ibos. La grande corruption (l'ex-président Sani Abacha a détourné vers les banques suisses plus de 700 millions de dollars) qui sévit dans le pays a compliqué davantage la situation. Autant que les coups d'Etat à répétition depuis 1966. Mais il n'y pas que cela. Deuxième en Afrique en termes de PIB après l'Afrique du Sud, le Nigeria a une façade maritime sur le Golfe de Guinée, là où dorment les principales réserves du brut au monde. La déstabilisation du pays peut donc servir des intérêts qui ne sont pas forcément en Afrique. Ces derniers temps, le Nigeria connaît une grave vacance de pouvoir après l'hospitalisation en novembre 2009 du président Umar Yar'Adua en Arabie Saoudite pour une pathologie cardiaque. Le vice-président, Goodluck Jonathan, 52 ans, assure l'intérim. La transition risque d'être dangereuse avec la détérioration du climat sécuritaire dans le delta du Niger. Malgré sa maladie, Umar Yar'Adua n'a pas lâché le pouvoir, laissant le pays fonctionner au ralenti. C'est également cela le drame du Nigeria, l'Afrique avec.