« Ceux qui sont au sein de l'Organisation mondiale du commerce sont cruels avec ceux qui n'en sont pas membres. Entre eux, ils s'accordent des largesses mais sont fortement exigeants avec ceux qui frappent à la porte », a déclaré le ministre du Commerce, El Hachemi Djâaboub, repris par l'agence officielle APS, dans un langage jamais utilisé auparavant. Cette « cruauté » supposée ou avérée a amené l'Algérie à suspendre les négociations avec l'OMC. Une suspension sine die. « A l'heure actuelle, le gouvernement algérien n'a pas encore jugé opportun de donner une réponse définitive aux questions de l'OMC qui sont extrêmement pertinentes », a-t-il indiqué. Toutefois, il a tenu à préciser que les réponses sont prêtes mais qu'elles ne seront pas envoyées. La plupart de ces 96 questions ont été posées par les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) à partir de 2008. « Le ministère du Commerce transmettra en temps opportun les réponses, une fois qu'il recevra la directive nécessaire. Cela ne veut pas dire que nous avons oublié de répondre », a ajouté M. Djaâboub sans donner de précision sur « la directive ». Il a pris soin d'ajouter : « Accéder à l'OMC est une décision de souveraineté. » Alger subit-elle des pressions pour rejoindre l'organisation de Genève ? Selon le ministre, 19 questions posées ont une incidence directe sur l'économie nationale. « Si nous disons oui, nous accéderons à l'OMC sans problème », a-t-il précisé. Ces questions ont trait notamment aux licences d'importation, à la double tarification gazière, aux subventions à l'exportation, à la réglementation sur les prix, aux mesures sanitaires et phytosanitaires et aux obstacles techniques au commerce (normes) et à l'importation des véhicules d'occasion – « les véhicules de Marseille », a dit M. Djaâboub. « Nous ne voulons plus être le dépotoir des véhicules européens retapés par des garagistes français », a-t-il déclaré hier à Alger à la faveur d'une visite au Centre national du registre du commerce (CNRC). Le ministre a précisé qu'il a été demandé de supprimer la taxe intérieure de consommation (TIC) sur le caviar, le whisky et les véhicules 4x4. « Nous avons dit non, car ceux qui importent ces marchandises sont riches. Je maintiens la TIC pour aider les producteurs de lait », a noté le ministre du Commerce. Pour la pratique du commerce extérieur, il a dénoncé les demandes de l'OMC en disant : « Ils veulent nous appliquer la politique de donnes-moi ton fils pour mon fils pour qu'il joue avec ! » « Chaque membre de l'OMC demande à l'Algérie des concessions en fonction de ses intérêts et non de ceux de l'Organisation. Cela rend les négociations beaucoup plus complexes », a dit M. Djaâboub, laissant apparaître un manque de maîtrise du processus technique d'accession à l'OMC. Les concessions demandées par les 153 Etats membres de l'Organisation font partie des mécanismes de la négociation et sont valablews pour tous les pays. « Tout Etat ou territoire douanier jouissant d'une entière autonomie dans la conduite de sa politique commerciale peut accéder à l'OMC, à des conditions à convenir entre lui et les membres de l'OMC », est-il précisé dans l'article 12 de l'accord sur l'OMC de 1995, date du remplacement du GATT par la nouvelle organisation. « Ce n'est pas un club de bandits » Le ministre a déploré l'absence d'une feuille de route « toute prête » à appliquer pour les Etats désireux d'accéder à l'OMC. Or, il n'existe pas de « feuille de route toute prête », les négociations sont menées avec les pays candidats selon le niveau de leur économie. Pour M. Djaâboub, l'Algérie défend « une position forte ». Cette idée part d'un sentiment partagé par des responsables algériens : l'Algérie peut se passer d'une accession au système mondial du libre-échange car possédant de grandes capacités énergétiques. Dernièrement, Idriss Alaoui, consultant économique, a, lors d'une intervention au forum d'El Moudjahid, regretté l'absence d'experts et de professionnels algériens « capables de gérer les négociations avec l'OMC ». Ce qui a été rejeté par M. Djaâboub qui a déclaré, hier, que le groupe des 42 négociateurs algériens avait fait du bon travail : « Ils sont nos meilleurs spécialistes. » Il a annoncé que le groupe gouvernemental en charge du dossier de l'OMC va se réunir prochainement. Au siège de l'OMC, on reproche à l'Algérie de n'avoir pas de vision claire sur le rapport avec l'organisation multilatérale et on n'hésite pas à parler d'un certain manque de sérieux dans la prise en charge du dossier, alors que la demande d'accession de l'Algérie remonte à 1987. Depuis 1998, dix rounds de négociations ont été organisés par intermittence, le dernier en date a eu lieu le 17 janvier 2008. L'Algérie a déjà répondu à 1600 questions. « En Algérie, nous estimons avoir fait le nécessaire pour accéder à l'OMC. Mais, il y a des questions sur lesquelles, nous ne ferons pas de concessions. Quand allons-nous accéder à l'OMC ? C'est une question qui ne devrait pas être posée », a déclaré hier M. Djaâboub. « Cela dit, nous irons à l'OMC, car ce n'est pas un club de bandits », a-t-il appuyé.