Un temple-pyramide Maya ou les étages d'un gratte-ciel à l'architecture très fine, sous un incertain regard. Le tout sous le voile jaune délavé du soleil, ce projecteur de toutes les lumières. Une surimpression ! L'homme est résolu et pressé d'atteindre la marche palière, pour une consécration. L'affichiste, un cinéphile averti, s'est inspiré d'un photogramme du Mépris, un film de Jean-Luc Godard. Un bel arrêt sur image pour dire, en attendant la reprise du défilement, le flot d'images nouvelles, porteuses d'histoires inédites. Une belle affiche qui a suscité beaucoup d'interprétations, symbolisant déjà la montée des marches du Festival du film de Cannes, mais aussi toute la forte et belle mythologie des escaliers au cinéma. Fuir par l'escalier de secours des immeubles, dans les films policiers américains, tuer puis pousser la victime du haut de l'escalier, à l'affût dans un escalier mal éclairé pour commettre un crime ou arrêter un bandit, gravir un escalier pour l'échafaud les mains entravées. Des marches qui grincent, ajoutant au suspens ambiant. Celles qui cèdent sous le poids du méchant, entraînant sa mort à la fin du film… L'escalier est un décor itératif, fonctionnel et dramatique de beaucoup de films, ceux dans lesquels le suspense est primordial, certains westerns, les thrillers plus connus comme «films de gangsters», les films d'horreur. Psychose, d'Hitchcock, Shining, de Stanley Kubrick, Escalier C, de Jean-Charles Tacchella et surtout deux films admirables que les cinéphiles du monde entier ont vu, revu et reverront, avec délectation. Il s'agit bien sûr du Cuirassé Potemkine de S.M. Eisenstein dont la séquence magistrale de l'escalier monumental d'Odessa, un décor unique, magnifié avec brio, les scènes au montage nerveux et rapide, qui subjuguent, celle de la descente de la voiture d'enfant entre les cadavres qui jonchent les marches… Un chef-d'œuvre immortel du cinéma. Il s'agit aussi du remake de cette même scène d'escaliers que Brian de Palma reprend avec talent dans son film Les incorruptibles, en hommage à Eisenstein. Un son d'une haute perfection, avec en plus, une musique frénétique accompagnant par intermittence le bruit amplifié par l'écho du landau dévalant l'escalier intérieur de l'immense gare. Une dramatisation qui va crescendo jusqu'au sauvetage du bébé, point d'orgue et fin de la séquence. Un innocent qui n'a rien à voir avec la guerre des gangs et surtout avec toutes les guerres du monde : un cinéphile et cinéaste potentiel peut-être, pour qui le cinéma est et sera toujours une magie.