Alors que François Fillon recadrait lundi dernier un débat controversé sur l'identité nationale, le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, installait l'Assemblée des citoyens parisiens extra-communautaires et inaugurait une exposition en extérieur autour de l'Hôtel de ville retraçant l'histoire de 150 ans d'immigration à Paris. Coïncidence ou pas, nous assistons à deux approches de la question de l'identité nationale. Bertrand Delanoë rappelle que la ville de Paris avait créé, dès novembre 2001, le Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires (CCPNC) pour permettre « aux citoyens qui n'ont pas le droit de vote de se mêler de leurs affaires, c'est-à-dire de la vie de la cité ». Et pour rénover et amplifier cette démarche de démocratie locale participative, la ville de Paris vient de créer en Conseil de Paris, une Assemblée des citoyens parisiens extra-communautaires (ACPE). Cette Assemblée réunira 106 membres issus de tous les arrondissements. Quatorze arrondissements sur vingt sont prêts à mettre en place des conseils locaux (dont 6 sont déjà créés). Paris compte parmi sa population 215 000 étrangers non communautaires qui, contrairement aux ressortissants européens, n'ont toujours pas le droit de vote aux élections locales. « Vous n'invitez pas Besson ? », est-il demandé au maire de Paris. « Je ne risque pas d'inviter quelqu'un qui mène une politique aussi discriminante et condamnable du point de vue des principes de base d'une démocratie civilisée ». Et d'ajouter : « Il faut prendre les choses à l'inverse du gouvernement et se demander ce que l'immigration nous a apporté, en quoi on s'est enrichi par l'immigration et, après, on parle de nos droits et devoirs. » Et le journaliste d'insister, faisant référence à l'exposition que le maire de Paris était en train d'inaugurer : « C'est votre réponse à Eric Besson ? » Le maire de Paris : « Il y a un bon moment que Pascale Boistard (adjointe en charge de l'intégration et des étrangers non communautaires, ndlr) me parle de cette exposition et nous avons voulu la présenter au moment où nous étions prêts à débattre au Conseil de Paris de l'association des étrangers aux sujets d'intérêt commun… Si c'est perçu comme un élément du débat (sur l'identité nationale, ndlr) et comme une autre option possible du rassemblement de toutes nos richesses, et bien, tant mieux. » Et de souligner encore, interrogé par les nombreux journalistes présents dont El Watan et Le Soir d'Algérie : « Je pense que le fait d'avoir lancé ce débat sur l'identité nationale est un coup politicien qui se retourne contre eux, ils sont obligés de rétropédaler. C'est le président de la République, le gouvernement et surtout Eric Besson qui ont voulu faire un coup. Et quand on cherche à faire des coups, surtout avec l'âme de la France, c'est dangereux. » « L'Emir Abdelkader, un symbole formidable de l'indépendance de son peuple » A quand la discussion sur la colonisation au Conseil de Paris ? lui demande notre consœur du Soir d'Algérie. « J'ai plusieurs fois écrit sur ces sujets-là parce que j'ai eu le privilège de naître dans un pays colonisé, mais aussi de passer plus de temps dans ce pays pendant qu'il était indépendant. Je les ai dites, notamment en Algérie, ce n'est pas par hasard que j'ai fait à Paris une place Mohamed V qui n'est pas seulement le libérateur du Maroc, mais un compagnon de la Libération, une esplanade Bourguiba dont je crois qu'il est le promoteur de l'indépendance de son pays et une place de l'Emir Abdelkader qui est aussi un symbole formidable de l'indépendance de son peuple. C'est ma réponse à moi. » L'historien Pascal Blanchard (membre actif du groupe de recherche ACHAC, un collectif d'historiens qui travaille sur la colonisation, l'immigration et le post-colonialisme depuis 1989 et maître d'œuvre de l'exposition, ndlr) intervient : « Cette exposition est « un peu l'histoire de ceux qui sont nés un peu partout et qui ont fait de Paris leur ville depuis 150 ans d'histoire ». « Montrer qu'il n'y a pas une histoire de l'immigration mais des histoires de l'immigration, c'est l'apport de destins individuels et chaque destin se raconte comme la grande histoire parce que c'est une grande histoire et qui appartient autant à la nation qu'aux villes, aux régions et qui, aujourd'hui, commence à être visible. » Ce qui s'inscrit dans la démarche de Bertrand Delanoë qui est de « rassembler toutes les origines, toutes les cultures, toutes les couleurs, toutes les spiritualités, toutes les philosophies, mais dans un ensemble qui s'appelle Paris, qui est dédié à la liberté, à l'intelligence, à la fraternité », parce que « c'est très bien de dire aux Parisiens : vous ne venez pas de rien. A travers les âges, vous avez été enrichis par d'autres apports, d'autres cultures, plein de gens sont venus faire Paris, ont travaillé, ont souffert, mais cette communauté est d'abord une communauté humaine avant d'être une communauté de particularismes ».