La visite de Bertrand Delanoë, même si elle s'inscrit dans le cadre du partenariat entre la grande métropole française et les villes du Maghreb, préfigure une préparation du terrain par les socialistes français à une éventuelle visite de leur candidat, Lionel Jospin. Comment alors expliquer que moins de vingt jours après la visite éclair de Jacques Chirac au Maghreb, Bertrand Delanoë, maire de Paris, mais également un des proches du Premier ministre socialiste, effectue une tournée analogue de par les étapes et le timing. Si la visite de Nicolas Sarkozy, maire de Neuilly et un des ténors du RPR, en octobre dernier à Alger, avait préparé la visite de Chirac ; celle de Delanoë apparaît également comme le déplacement de «l'éclaireur» de Jospin. Les observateurs politiques s'accordent à dire que la prochaine élection présidentielle française se jouera dans un mouchoir de poche au regard des écarts minimes qui existent dans les sondages entre Chirac et Jospin. Le potentiel électoral, que représente la communauté maghrébine en France à laquelle Delanoë a rendu un hommage lors de son déplacement algérois, en indiquant que «ce voyage est dédié aux Parisiens d'origine maghrébine, qu'ils soient ou non porteurs de la nationalité française», est toujours en gestation. Même si traditionnellement, cette communauté vote à gauche, elle ne demeure pas moins très attentive aux prises de position des politiques français sur tout ce qui concerne l'Algérie et le Maghreb, et scrute le moindre faux pas des candidats aux élections françaises. Mais pour Delanoë, même s'il a été reçu avec des fastes dignes d'un ministre de la République, la tâche n'est pas aisée. Dans le Maghreb, celui des gouvernements, les socialistes accusent un déficit relationnel considérable par rapport au RPR qui, à travers des réseaux solides et opérationnels, peuvent se targuer d'avoir des amitiés efficaces, lorsque les échéances électorales approchent. C'est moins le cas avec le Maroc de Mohamed VI et de Abderahmane Youssoufi (USFP), avec lesquels les socialistes français sont, plus ou moins, en accord. Ce déficit socialiste est dû, en ce qui concerne l'Algérie, en grande partie aux prises de position ambiguës du pouvoir socialiste du temps de François Mitterrand et à l'alignement du PS sur les positions d'une opposition algérienne incarnée par le FFS de Hocine Aït Ahmed. Les déclarations de l'autre socialo-mitterrandien, Hubert Védrine, surtout durant la crise en Kabylie, n'ont fait, à Alger, que renforcer le fait qu'il fallait plus soutenir la droite dans sa course politique. Mais, officiellement à Alger, on évite d'être catégorique. Bertrand Delanoë n'est pas venu les mains vides, mettant en avant plusieurs projets de coopération sociaux, économiques et culturels entre les deux capitales. Point de départ, s'il en est, d'une coopération plus large que devrait décliner le favori des socialistes, Lionel Jospin. Ce dernier devrait également faire sa tournée maghrébine qu'il semble retarder à une heure plus décisive. Mais en attendant, ce sera autour du probable trouble-fête des élections françaises, Jean-Pierre Chevènement, dont la personnalité et les prises de position sont fortement appréciées à Alger, de venir s'enquérir du soutien potentiel à Alger.