L'association Attac a organisé un temps de pause lors d'une journée altermondialiste sur le thème «Les réfugiés, miroir de notre humanité», avec deux documentaires : Les messagers, un film très émouvant d'Hélène Crouzillat et Laetitia Tura qui a obtenu le prix du meilleur documentaire au Festival du cinéma africain, et Voyageurs et migrants, en novembre 2014 à Vérone, en Italie, et le prix du jury au Festival Regards sur le cinéma du monde, en février 2015 à Rouen. Tourné autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, le film donne à entendre les témoignages bouleversants des Africains survivants des frêles embarcations, face à l'intransigeance, pour ne pas dire la brutalité, des services des forces de sécurité marocaines et espagnoles pour qui la vie humaine des migrants n'a parfois aucune valeur. Pris au piège de leur exil face à la forteresse Europe inatteignable, ils dénoncent «la chosification» de leur existence, témoins qu'ils sont d'une époque douloureuse. Le deuxième court documentaire grec, Blue sky from pain, a été réalisé par Stephanos Mangriotis. Quinze minutes d'une intensité incroyable. Un migrant est enfermé sans savoir pourquoi. Où est-il ? Pour combien de temps ? A travers la reconstruction d'un récit et avec des images de centres de rétention désaffectés en Grèce, le film met en image un univers clos et en ruine, avec comme évasion les mots d'une dame qui vient en aide aux migrants et le texte du poème. Le Passeport, du regretté Mahmoud Darviche. «Pour caser les réfugiés, la Grèce a d'abord utilisé des anciens silos à blé, des anciennes prisons, dont un camp militaire, qui a été une prison contre les prisonniers politiques communistes dans les années 1950», nous a expliqué l'auteur du documentaire : «Je voulais faire l'histoire de l'enfermement et créer mon récit à partir de lieux vides, où on ne voit personne. Cela laisse un espace à l'imaginaire de chacun, alors qu'aujourd'hui on est confrontés à de nombreuses images de foule migrante. Le vide des images est un contrepoint qui fait réagir.» Des interventions ont fustigé «une faille dans l'humanité». Le désordre prélude à une destruction de ce qui nous fonde : «Quand on considère les êtres humains comme des choses, on constate notre échec moral et notre désarroi». D'ailleurs, outre la défaillance des gouvernants occidentaux, les réfugiés font face «à une autre frontière entre ceux qui disent qu'humainement il faut accueillir, et les autres, qui frisent le racisme, la xénophobie, le protectionnisme, les murs qu'on dresse. C'est cette frontière là qu'il faut faire tomber». Bateau de SOS méditerranée : 4000 personnes sauvées en mer Le drame absolu aujourd'hui est le blocage des routes de migration. Celles par les Balkans, après les difficultés insurmontables de 2015, sont désormais hérissées de barbelés. Et depuis l'accord européen pour que la Grèce reflue les migrants vers la Turquie, les migrants choisissent une voie plus périlleuse encore, celle de la Libye. «Un autre piège où les migrants ont un maigre choix», raconte une militante, «ou bien ils restent à attendre la mort, soit ils tentent la traversée dans des conditions terribles: rançonnage, kidnapping, exécutions ou poussées sur les canaux de force. Pourtant on estime qu'il y un million de personnes prêtes à traverser». Pour Jean-Yves Abecassis, de l'association SOS Méditerranée, «on n'est pas condamné à regarder les images de la tragédie ou lire la statistique des disparus et noyés en mer». C'est pourquoi l'association SOS Méditerranée est née il y a un an à l'initiative d'une poignée de citoyens français et allemands faisant le constat des naufrages à répétition dans la mer, avec une période charnière qui est le naufrage de Lampedusa en octobre 2013, un navire de 500 personnes dont 350 sont mortes noyées. Après l'arrêt sur injonction européenne de l'opération italienne Mare Nostrum pour sauver en mer les désespérés, le vide a été vite ressenti. Mare Nostrum avait permis de sauver en douze mois 150 000 personnes. Les dispositifs européens sous l'égide de l'agence Frontex ont plutôt vocation à protéger l'Europe des arrivées par une prétendue chasse aux passeurs: «L'Europe dit avoir peur de l'effet d'appel d'air en aidant les refugiés en mer. En pratique cette idée s'est révélée totalement fausse, puisque si en 2014, 200 000 personnes s'étaient élancées, en 2015 un million ont pris la mer», indique J. Y. Abecessis. Aujourd'hui soutient-il, la plus funeste des voies de passage est celle entre la Libye et l'Italie : «80% des naufrages ont lieu sur ce trajet. C'est là à la limite des eaux territoriales libyennes que SOS Méditerranée a placé son bateau l'Aquarius, qui, en quatre mois, a sauvé 4000 personnes. Une opération efficace, mais fragile, qui repose sur les dons privés, aucun Etat ne finance.»