«Les vérités qu'on aime le moins apprendre sont celles que l'on a le plus intérêt à savoir.» (Confucius) Le tourisme algérien, plongé dans un marasme sans fin depuis 1981, dégage une triste image d'abandon d'une destination orpheline des pouvoirs publics. Ceux qui dirigent ce secteur pensent qu'il se développe parce que des hôtels naissent (dans la torpeur épaisse d'un environnement peu propice aux activités touristiques et hostile). Les assises nationales de février 2008, qui avaient ramené l'espoir avec l'élaboration du Schéma directeur d'aménagement touristique (SDAT)à l'horizon 2030, sont oubliées dans les limbes de l'indifférence, et l'enthousiasme qui s'en dégageait s'est éteint. Une rétrospective s'impose pour expliquer le pourquoi de cette déplorable situation tant décriée depuis trois décennies. Chaque été, les nationaux, estimés au nombre de deux millions qui aspirent à passer des vacances en bord de mer, du fait de la faiblesse des capacités litières et des mauvaises prestations, sont résignés à voir du côté de l'Est, en Tunisie, à l'Ouest au Maroc, en Turquie, Thaïlande, Egypte, Espagne, et ailleurs. Ceux qui n'ont pas les moyens financiers subissent quotidiennement les affres de la route et de ses encombrements. Faute de mise en tourisme du secteur ! Les années 1970 sont-elles la période de référence du tourisme algérien ? Une décennie flamboyante, 1970-1980, où le secteur touristique avait connu un passé glorieux. On n'y saurait l'occulter. On a souvent usé de propos verbeux, creux et triomphalistes, ces dernières années et on n'a finalement fait que desservir la destination touristique. «Il est important de savoir ce qu'il y a eu dans le passé. On doit comprendre qui on est, d'où l'on vient, et pourquoi le présent est tel qu'il est» (Ken Loach, cinéaste irlandais). Cette souffrante Algérie touristique a, aujourd'hui, comme demain, surtout besoin, de visibilité et de lisibilité et surtout de volonté politique réelle, de ses gouvernants. En effet l'Algérie touristique a connu 3 phases, la première, celle que je désignerai en tant que décade prodigieuse 1970- 1980, c'est la résultante de la charte du tourisme de 1966 élaborée sous la direction du ministre Abdelaziz Maoui, grand par la taille et par le talent (1965-1977). Il avait fait appel à un architecte de génie, Fernand Pouillon, qui avait opté pour la religion musulmane avant l'indépendance puis juste après il s'était naturalisé algérien, pour construire les fameux grands complexes balnéaires de Moretti, Sidi Fredj, Zéralda, Tipasa, Club Med et Matares, Les Andalouses à Oran, Les Hammadites à Tichy, El Mordjane à El Kala ainsi que Le Rocher à Seraidi rebaptisé El Mountazah, Le Plaza International à Annaba, dénommé Seybouse par la suite ; Les Zianides à Tlemcen et enfin les hôtels sahariens, étapes jouissives de la boucle des oasis (Biskra, Bou Saâda, El Oued, Touggourt, Ouargla, Ghardaïa, Laghouat) et celle de la Saoura (Ghardaïa, El Goléa, Timimoun, Beni Abbès, Taghit, Béchar, Aïn Sefra-Laghouat). Deux circuits touristiques très prisés par la clientèle internationale, à l'époque. Au cours des années 1971-1980, nos complexes balnéaires étaient complets chaque été, avec l'arrivée de nombreux charters de touristes, allemands, suédois, hollandais, britanniques, belges, français, suisses, italiens. L'Espagne franquiste ne nous envoyait pas de touristes ! les hôtels du Sud ne désemplissaient pas durant toute l'année, même en été, avec de grosses pointes pendant les vacances d'hiver, de printemps, les longs week-ends de Pâques, Pentecôte, en avril et mai. A Alger, les restaurants-bars Novelty, Milk Bar, la Brasserie des facs, Bristol, Coq Hardi, Kenko, Bora Bora, République, les Ailes… voyaient leurs terrasses bondées de touristes. On refusait du monde à cette époque, car nous étions complets au Sud comme au Nord six mois à l'avance ! L'Algérie était au diapason de la Tunisie de Bourguiba, du Portugal du dictateur Salazar, de la Grèce des colonels, du Maroc de Hassen II, et mieux lotie que la Turquie des généraux et la Croatie de Tito ! Nous étions très fiers, à Sonatour, ATA et Altour et il y avait de quoi l'être ! Suite aux compliments, encouragements et félicitations, que nous recevions à l'époque de la part de nos partenaires étrangers. Qui, quelque années après, durant les années 1880, nous envoyaient des réclamations, puis bien après, retiraient la destination Algérie de leurs brochures de vente. Les hôtels publics non rénovés étaient devenus vétustes. Naguère, on savait bien accueillir dans nos aéroports d'abord, ensuite dans nos hôtels et restaurants. Le service était bon, le tout était adossé à une culture touristique ambiante qui a disparu de nos jours, depuis belle lurette, malheureusement ! L'Algérie avait appris à faire du tourisme. L'Algérie était à la mode en 1975 au même titre que la Thaïlande qui s'ouvrait au tourisme. Notre pays avait bénéficié des retombées promotionnelles à la venue de Valery Giscard d'Estaing, cette année-là, et qui était le premier président français à venir en Algérie indépendante. La palme d'or obtenue au Festival de Cannes par Mohamed Lakhdar-Hamina, en mai 1975, pour son film Chroniques des années de braises, améliora l'image de marque de la destination. Trois instituts de formation hôtelière et touristique furent ouverts à Tizi Ouzou (techniciens supérieurs) et Bou Saâda (techniciens) en 1970, et à Alger, El Aurassi pour le management, en 1976. POURQUOI LA DéCONSTRUCTION DU TOURISME ALGÉRIEN PAR LES POUVOIRS PUBLICS a-T-ELLE été DÉCIDÉE à PARTIR DE 1981 ? Maintenant nous abordons la deuxième phase la plus longue et surtout celle de la décrépitude, voire de la déliquescence annoncée. 1981-1986, par les résolutions du comité central du FLN en 1980, qui accordait la priorité au tourisme domestique en faveur des nationaux, (tourisme populaire, tourisme social…) et qui renvoyait aux calendes grecques le tourisme international (réceptif). Le tourisme interne ou domestique est, depuis 35 ans, toujours au stade de la chrysalide, prisonnier d'une sémantique plate et glauque des décideurs (en 2016, 50 000 lits balnéaires, moins de 10 000 lits sahariens, et moins de 10 000 lits pour le tourisme de montagne) et les véritables touristes étrangers, arrivés via les tours operators, ont vu leur nombre ne pas dépasser le total cumulé, durant les trois dernières décennies, de 100 000, soit 3300 par an en moyenne ! Une embellie furtive 1986-1991, incitée par la chute des prix du baril de pétrole (de 40 à 10 dollars), boostée par Mohamed-Salah Mentouri, vice-ministre du Tourisme. Puis les années tragiques, 1992-2004, annihilèrent le peu d'activités touristiques. L'Etat, les pouvoirs publics se mettaient aux abonnés absents. Plus de rénovation d'hôtels sénescents vétustes (malheureux gestionnaires, impuissants face à l'inertie étatique). Plus de constructions, depuis 1982, de nouveaux hôtels pour les touristes, plus de formations de qualité, plus de promotion attractive à l'étranger, (fermeture en 1979 des représentations de l'Onat à l'étranger, ouvertes sous la direction de Abdelkader Khalef, dix années auparavant. Ironie du sort, c'était le terrorisme qui en faisait la promotion, mais d'une manière macabre durant la décennie sanglante ! De 2004 à 2008, période de tâtonnements, d'atermoiements. Donc, de 1981 à 2008, lancinante traversée de non- tourisme, L'Algérie avait désappris à faire du tourisme ! Maintenant passons à la troisième phase, celle de la reconstruction 2008-2030. L'Algérie est en train de réapprendre à faire du tourisme. Ce sera long, sur la durée, le temps d'une génération, avec de la volonté, de la conviction et des compétences réelles. La rénovation des mentalités s'impose aussi, car nous payons jusqu'à ce jour ce type de réactions qui prévalaient et qui prévalent encore : «Gardez vos touristes et vos devises, nous n'avons pas besoin de recevoir des leçons sur le tourisme, nous avons nos hydrocarbures !» répondait avec véhémence une haute personnalité algérienne en 1980 à Philippe Polderman, PDG de FRAM (fer, route, air, mer), premier voyagiste de France, à qui on déroulait le tapis rouge en Grèce, en Espagne, en Tunisie, au Maroc… EXISTE-T-IL UNE VOLONTÉ POLITIQUE ? «La vie se compose de volontés qui ne se réalisent pas et de réalisations qui n'ont pas été voulues.» (Goethe) C'est une question de volonté politique réelle, car il faudrait que les grands responsables qui travaillent au sein de l'Etat et du gouvernement soient convaincus. Il y a une dizaine de secteurs qui sont concernés : les Transports (quelle honte que ces stations routières de Constantine, Annaba, Sétif, Alger, Tipasa, Cherchell, Oran, Aïn Taya, Réghaia, etc., où la vétusté se conjugue avec la saleté), l'Intérieur et les Collectivités locales, la Culture… Les responsables des communes et des wilayas doivent être convaincus aussi de l'utilité du tourisme et de son impact sur les plans économique et social. C'est ce qu'on appelle l'intersectorialité et la transversalité. Il ne faudrait pas que cette volonté politique demeure textuelle, il faudrait quelle soit factuelle, c'est-à-dire matérialisée dans les faits. Sur les 48 wilayas, très peu croient au tourisme. On peut les compter sur les des doigts d'une seule main, c'est navrant et désespérant ! Ne parlons pas des communes désœuvrées et endettées ! La volonté politique existe actuellement au niveau du SDAT, élaboré en 2008, sous la direction éclairée de Cherif Rahmani. C'était le couronnement de quatre assises régionales où tous les concernés, hôteliers, voyagistes, les offices de tourisme, les universitaires, les formateurs, les investisseurs potentiels ont fait des propositions qui ont servi à l'élaboration d'une feuille de route pour le développement du tourisme. Cette volonté politique ne doit pas être embastillée et cloisonnée au sein du SDAT qui est une source d'inspiration, d'orientation, d'exploitation, riche et intarissable. Car il faut le souligner, un éminent bureau national et un autre de l'étranger contribuèrent à son élaboration. Auparavant, pendant 30 ans, on avait navigué à vue. Il n'y avait pas de politiques touristiques bien pensées et bien structurées, c'était surtout des velléités sporadiques sans lendemain. Aujourd'hui, le SDAT est pour nous une sorte de boussole magique. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de politique touristique. Elle existe mais on ne la voit pas sur le terrain parce que beaucoup de hauts fonctionnaires ne sont pas convaincus. Et sans la conviction, adossée à des compétences avérées, on ne pourra pas concrétiser le SDAT, horizon2030. La destination Algérie, comme toutes les destinations ailleurs, se construira ou se reconstruira, sur une durée minimum de 20 ans. Le temps de construire les hôtels qu'il faut, de former ou de recycler le personnel et de réinculquer une culture touristique qui s'est effilochée, étiolée avec le temps pour disparaître. Le tourisme est une pyramide de détails, sans maillon faible, où chacun a un rôle à jouer. Les ministres du Tourisme ont fait des visites d'inspection à travers plusieurs wilayas, ces dix dernières années. Ils ont vu, constaté les réalités du terrain, écouté, orienté et beaucoup appris. Mais après les visites de travail et d'inspection au niveau local, où à chaque fois, une mobilisation était observée à l'arrivée de la délégation ministérielle, à son départ les lampions s'éteignent, les flonflons de l'accordéon se taisent et la mouche tsétsé reprend ses droits de cité et l'endormissement local s'installe de nouveau par manque de conviction et de compétences. Combien de wilayas, de daïras ont-elles lu le SDAT et combien le maîtrisent- elles ? Deux ou trois peut-être ! Le reste est indifférent à ce cadre de références ! Devant cette récurrente démobilisation locale, le ministère du Tourisme risque, de guerre lasse, à la longue, de déclamer, comme dans La Légende des siècles de Victor Hugo, «le combat cessa faute de combattants». Car cette situation, déplorable, perdure depuis des années ! La politique touristique et les stratégies qui en découlent sont pensées, conçues, structurées et arrêtées par le ministère du Tourisme, mais c'est territorialement qu'elles doivent être prises en charge par les collectivités locales, wilayas, daïras, communes. Ce qui n'est pas le cas pour la majorité. LES ZONES D'EXPANSION TOURISTIQUES SONT-ELLES PROTÉGÉES ? «Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.» (Jean Jaurès) Ce sont des terrains situés en zones touristiques inventoriés et réservés strictement à des investissements touristiques, puis protégés par des textes de loi. La réalité est tout autre, car plusieurs zones d'expansion touristique (ZET) ont été accaparées par des particuliers haut placés, certaines ont été amputées, atrophiées par des walis qui ne croient pas au tourisme, sous couvert d'utilité publique. Surtout que le Premier ministre, par une note en 2009, retira les prérogatives d'octroi de terrains à investir au ministère du Tourisme, pour les attribuer aux walis. En 1976, au niveau de la wilaya de Jijel, on avait inventorié 19 ZET, de nos jours il n'en reste que 10. Un véritable massacre, la plus belle côte d'Algérie deviendrait indéniablement, à ce rythme prédateur, la dernière destination touristique faute de capacités litières suffisantes. En 2008, la directrice du tourisme de la wilaya de Tipasa, pendant une visite d'inspection du wali et des autorités locales sur le terrain, qui envisageait d'amputer des ZET, lui signala que c'étaient des terrains destinés à l'investissement touristique. Elle ne fut pas écoutée. Dans les années 1970, un programme ambitieux, études et plans arrêtés, de 50 000 lits était prévu, soit la capacité de Djerba, Sousse et Hammamet réunis, dans cette wilaya, avec un petit aéroport. Des têtes pensantes frileuses à la vision étriquée, au comité central du FLN (matrice de la pensée unique gouvernementale) l'ont fait capoter. Et aujourd'hui, on se demande pourquoi les Algériens partent ailleurs, Tipasa possède en 2014 moins 4000 lits, quarante ans après et le dépeçage des ZET continue partout, à Boumerdès, Alger-Est (Aïn Taya, Cap Matifou, Alger-Plage…), la Corniche oranaise, Mers El Kebir, Aïn Turck, Bousfer, atrophiée, à l'image de la Corniche annabie, celle de Bougie, etc. Un massacre des ZET sur toute la côte de 1250 km, avec l'apparition de maisons de particuliers à l'architecture hideuse, d'immeubles sociaux horribles, à la place d'hôtels, de restaurants touristiques, de centres de vacances, de terrains de camping, d'aires de loisirs… Notre population sera de plus de 50 millions en 2030 et, par corollaire, la demande touristique nationale ira en augmentant. L'Etat sera toujours impuissant à satisfaire les besoins en vacances des Algériens parce que atteint de cécité, hier comme aujourd'hui ! La Tunisie, encore et toujours servira de destination de substitution, en attendant l'ouverture tôt ou tard des frontières avec le Maroc (et forcement ce serait le tourisme qui servirait de sésame-ouvre-toi).Là-bas, à Saïdia, ville séparée par une rivière, oued Kiss, de la station balnéaire de Marset Ben M'hidi (Port-Say), le luxe, le calme, la volupté, règnent sur une capacité de 18000 lits construits en 2010 (soit 20 complexes touristiques similaires au centre de Tipasa), aux normes internationales. En face, du côté algérien, règnent le désordre, la vétusté et la saleté (moins de 1000 lits et tous rebutants).En 2006, le directeur du tourisme de la wilaya de Annaba dénonça à la presse le détournement de terrains appartenant à des ZET. Et lors d'une réunion des directeurs de l'exécutif, il demanda la parole au wali, qui lui répondit : «Ce n'est pas la peine, il n'y a pas de tourisme en Algérie !» Alors que le ministre de l'époque, Noureddine Moussa, venait de soumettre au gouvernement un plan de développement décénal du secteur 2005-2015. Tant que cette mentalité imprégnée de l'inculture touristique prévaudra à un haut niveau, on continuera, non pas de stagner, mais de reculer ! Issad Rebrab, président du premier groupe industriel algérien, pour des contraintes bureaucratiques et par la loi opaque sur le foncier, dissuasive, a renoncé en 2008 à deux mégaprojets hôteliers, l'un à Souk El Tenine (Béjaïa), sur une superficie de 26 ha, il avait reçu l'accord de principe, en 2007, pour la cession de l'assiette foncière devant permettre de construire un immense complexe touristique digne de ceux du Bassin méditerranéen, et un autre à Cherchell (W. Tipasa), au lieudit Rocher Blanc (Oued El Belaa), de la dimension, une fois et demie, le centre touristique de Tipasa-Village. Les études avaient été confiées à un bureau basé à Dubaï. Ce grand capitaine d'industrie allait nous apporter de la qualité et de la modernité hôtelières. Ces deux projets auraient été acceptés et achevés en Tunisie, au Maroc, en Turquie, en Egypte. Ceci nous renvoie au développement pharaonique hôtelier projeté par Cherif Rahmani, en 2008-2010 qui est repris dans le livre cinq du fameux SDAT. Des âmes chagrines et à la vision dotée de muselières firent capoter ce programme qui aurait permis à l'Algérie de se doter, enfin, d'infrastructures touristiques au diapason de ce qui a été fait en termes d'excellence, à Antalya, la nouvelle Riviera turque, à Hammamet-Yasmine (Tunisie), Charm El Cheikh et Hurghada (Egypte), Saïdia (Maroc). Une quarantaine de complexes touristiques prévus à El Kala, Chétaibi, Béjaïa, Réghaïa –Alger, Boudouaou El Bahri-Boumerdès. Madagh 1 et 2 (Aïn Témouchent), Mostaganem, Moscarda 1 et 2 (Port-Say, Marset-Ben M'hidi). Mais l'indifférence prévaut toujours et bien que la chienlit flirte encore avec le chiendent dans ce secteur touristique, sous perfusion depuis plus de trente ans, et parce qu'on jalouse ou on n'aime pas l'homme, certains dans les arcanes du pouvoir ont fait obstacle au projet porté avec doigté par Cherif Rahmani. Les Emiratis et Saoudiens sont partis investir ailleurs, où ils ont été acceptés, bien entendu, au Maroc, en Egypte, en Turquie. La mise en tourisme de l'Algérie requiert ce type d'investissement qui nous passe sous le nez, par insouciance ! Ainsi, se profile la mise en bière de ce tourisme aux immenses potentialités, riches, variées, uniques, offrandes divines tant enviées par nos voisins méditerranéens, qui nous classent parmi les vingt plus belles destinations au monde (nous n'y avons aucun mérite), mais nous sommes classés parmi les vingt derniers en termes d'organisation et nous sommes derniers ex aequo avec le Liban, sur les 21 pays méditerranéens. Pauvre tourisme algérien, la finitude de son «voyage au bout de la nuit», pour paraphraser, Louis Ferdinand Céline, n'est pas pour demain et son chemin de croix perdure toujours, pour rejoindre le jardin des Hespérides. LA BUREAUCRATIE TENTACULAIRE SERA-T-ELLE ÉLAGUÉE ? «Le gouvernement est avant tout une organisation coûteuse qui sert à surveiller les indisciplinés et taxer les bons citoyens. Le gouvernement ne fait pas grand-chose pour les gens honnêtes, à part les ennuyer.» Edgar Watson Howe. Le ministère du Tourisme, après une période d'observation et d'analyse, doit être pragmatique et posséder une vision moderniste, il doit débroussailler son maquis bureaucratique et ses pesanteurs océanes observées au niveau de son propre ministère (depuis 2005). Il doit être contre la méthode Jacobine, qui consiste à tout centraliser, car il existe les services extérieurs déconcentrés, qui sont les directions de tourisme de wilaya. Elles sont proches de la réalité du terrain et c'est à elles de suivre et de mettre en application les textes réglementaires émis par la centrale. La tutelle jouant son rôle de régulateur, et de concepteur de textes de lois, de normes. Tout une batterie de textes réglementaires a été reprise en 2012, sous le ministre Benmeradi, afin d'élaguer les articles qui dérangeaient et mécontentaient les investisseurs potentiels. Une véritable bouffée d'oxygène pour la profession mais qui tarde à arriver (mentalités figées). Car ces dernières années, les services centraux du ministère se confinaient à des tâches d'exploitation et d'exécution (délivrance d'agréments) qui revenaient incontestablement à ces directions du tourisme de wilaya, qu'il est temps de revaloriser. Cette situation ankylosante est due, il faut l'avouer, au tarissement de l'ingénierie touristique au niveau de l'administration centrale, qui a besoin d'un souffle nouveau, sous l'impulsion d'un panel de compétences avérées à promouvoir à recruter. L'ancien ministre Mohamed Benmeradi était, à juste titre, contre le principe des commissions nationales marécageuses au sein de son ministère. Assouplissement, allégement, encouragement, accompagnement, seront les mots-clés afin de relancer les investissements. Dans un passé récent, les structures centrales concernées, sciemment ou inconsciemment, ont causé des préjudices financiers et moraux à certains investisseurs (agences de voyages), à cause de leur lymphatisme et de leur indifférence pénalisante (entre 2005 et 2015). N'est-ce-pas une injustice que de faire déranger une agence de voyages d'Adrar, Djanet, Tamanrasset, Béchar, Tébessa, et d'autres régions de l'Algérie profonde, alors que les directions de tourisme sont en mesure de faire ce travail administratif, des plus élémentaires. Enfin, pour terminer, cette litanie, il faudrait que le concept des «4 C» reprenne le dessus sur celui des «4 I» qui prédomine depuis quelques années, au ministère et dans ses services déconcentrés. Les «4 C» 1- Conviction : sommes-nous, tous, convaincus de la reconstruction du tourisme algérien, notamment ceux qui incarnent l'Etat, les décideurs, les hauts fonctionnaires ? 2- Compétence : la conviction de faire développer le tourisme fait appel à la compétence. 3- Convergence : la conviction et la compétence aboutissent à des convergences de vue et à des cohérences de stratégie porteuses. 4- Concrétisation : les trois précédents «C» mèneront vers la concrétisation des objectifs tracés, politique et stratégies d'investissement, de formation, de promotion et de communication. Les «4 I» 1- L'indifférence : par opposition à la conviction et à la motivation. 2- L'incompétence : l'indifférence permet l'émergence de l'incompétence. 3- L'irresponsabilité : celle-ci découle de l'incompétence. 4- L'impunité : les précédents «I» sont entretenus par l'impunité. «Il faut savoir ce que l'on veut et, quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire et quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire !» (Georges Clemenceau) Le chemin sera difficile et long pour inverser la tendance ! Nous avons accumulé beaucoup de retard depuis 1992. Il est temps de se ressaisir — «Le temps, cet irrécupérable ennemi !», disait Axel Kahn —tous ensemble, avec l'adhésion convaincue de tous. «Quand cela devient urgent, il est déjà trop tard», disait Talleyrand. Toujours est-il que «qui ne croit pas à la destination Algérie, ne croit pas à l'Algérie tout court»… C'est le véritable mot de la fin.