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Hicham El Moussaoui. Professeur assistant à l'université Sultan Moulay Slimane (Maroc) : Le président Bouteflika semble ignorer les leçons de l'histoire
Les Algériens devraient-ils se réjouir d'avoir bientôt une mégamosquée ? Pour répondre à cette question, le parallèle avec le roi Hassan II, qui avait pris la même décision en 1986, est incontournable. A l'époque, le Maroc était trop endetté pour réaliser un tel projet puisqu'il suivait, sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale, un plan d'ajustement structurel dont le but était d'assainir ses finances publiques. Ainsi, on a invité dans un premier temps les Marocains à contribuer selon leurs moyens au financement de la mosquée. Mais rapidement, les responsables se sont aperçus qu'ils étaient très loin du compte, ce qui les a poussés à passer du mode don au mode souscription obligatoire. Désormais, on n'est plus dans le financement d'un édifice religieux, mais dans le financement d'un projet public. Du point de vue économique, la mosquée Hassan II était, et est toujours, un boulet pour les Marocains. Elle coûte cher au contribuable : plus de 45 millions de dirhams en 2007 prélevés sur le budget de l'Agence urbaine de Casablanca. Elle est aussi déficitaire depuis son inauguration. En principe, l'histoire sert à apprendre des erreurs des autres. Mais le président Bouteflika semble ignorer les leçons de l'histoire. En effet, le moment est vraiment mal choisi, car les finances algériennes ne sont pas au beau fixe. La construction de la mosquée intervient dans un contexte de crise financière et économique où, au premier semestre 2009, les revenus ont baissé de 21% et les quantités exportées ont reculé de 52,6%. Une catastrophe lorsque l'on connaît la dépendance de l'économie algérienne aux recettes pétrolières surtout que dans le même temps, les dépenses budgétaires globales ont connu une hausse estimée à 9,5% durant le premier semestre, ce qui creusera davantage le déficit budgétaire de l'Etat. Rappelons que lorsque l'Algérie avait subi le contre-choc pétrolier de 1986, elle a été obligée de s'endetter afin de terminer la réalisation des projets choisis à un moment où les cours étaient élevés. L'histoire se reproduirait-elle ? Deux scénarios sont possibles suite à une baisse prolongée des cours pétroliers : soit le gouvernement algérien s'endettera ou puisera dans ses réserves de change pour achever les projets déjà commencés, soit il renoncera à certains projets pour financer les plus prioritaires. Dans les deux cas, le projet de mosquée mérite-t-il d'être retenu ? Certains répondront qu'il permettra de créer des emplois. Certes, mais ces emplois que l'on voit sont éphémères puisqu'ils disparaîtront à la fin du chantier. En revanche, ce que l'on ne voit pas, ce sont toutes les autres opportunités sacrifiées : les lits d'hôpitaux, les écoles, les usines… prioritaires pour les Algériens. D'autres diront que ça permettra de stimuler le tourisme. Pas autant qu'on le croit, car il faudrait savoir que la tendance actuelle est au tourisme culturel où les touristes ne se contentent pas de visiter les monuments, mais exigent une animation culturelle (festivals, manifestations culturelles et sportives). Si la mosquée ne se justifie ni sur le plan économique ni sur le plan social et encore moins sur le plan religieux (l'Islam ne tolérant pas le faste), reste une seule hypothèse : Bouteflika voudrait-il sa mégamosquée pour être cité dans les manuels d'histoire et puis au passage avoir un leadership symbolique au Maghreb en ayant la plus grande mosquée ? Triste leadership alors que nos citoyens attendent de leurs dirigeants de rivaliser d'ingéniosité, au lieu de gigantisme, afin de les sortir de l'immobilisme intellectuel, politique, économique et social dans lequel ils se sentent englués.