En moins d'une semaine, des forces de l'Armée nationale libyenne (ANL) commandées par le général Haftar se sont saisies des quatre principaux terminaux du croissant pétrolier libyen, privant ainsi le gouvernement d'union nationale de ses principales rentrées d'argent. A la situation sécuritaire très volatile en Libye s'ajoute donc maintenant un risque d'effondrement économique et de guerre civile entre les forces du gouvernement d'union basé à Tripoli et soutenu par l'ONU et celles du gouvernement parallèle siégeant à Baïda, dans l'Est. Un tel affrontement risquerait d'accélérer la partition de la Libye. Pour éviter un tel scénario catastrophe, le chef du gouvernement d'union nationale, Fayez El Sarraj, a appelé hier au dialogue. Dans cet appel qui tranche avec ses menaces de la veille, dans lesquelles il appelait ses partisans à la mobilisation, M. El Sarraj a invité «toutes les parties à se réunir d'urgence autour d'une même table pour discuter d'un mécanisme permettant de sortir de la crise et de mettre fin au conflit». Il a ajouté qu'il n'accepterait pas de «diriger une partie libyenne ou une guerre contre une autre partie libyenne». L'envoyé spécial de l'ONU en Libye, Martin Kobler, a quant à lui appelé, dès mardi depuis New York, à la cessation immédiate des affrontements et demandé aux différents acteurs politiques à sortir de l'impasse politique et sécuritaire. «La paix fragile dans le croissant pétrolier de la Libye a subi un coup sévère quand des unités de l'Armée nationale libyenne sous le commandement du général Khalifa Haftar ont attaqué des terminaux et des ports pétroliers», a-t-il déclaré devant le Conseil de sécurité. Pour Martin Kobler, le rôle du dialogue politique libyen conserve son importance. «Bien qu'il y ait des divergences, a-t-il dit, c'est la seule façon d'avancer dans la transition. Il n'y a pas d'alternative.» Constatant que les divisions politiques s'approfondissaient plus que jamais, M. Kobler a jugé en outre qu'une action forte était nécessaire pour convaincre les parties prenantes libyennes d'instaurer des institutions ouvertes et participatives. A quelle action forte fait-il allusion ? Il ne s'est pas étalé sur la question. Il dit juste attendre avec intérêt la réunion ministérielle sur la Libye prévue le 22 septembre, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Fayez El Sarraj a-t-il des chances d'être entendu par l'Est ? Peu probable, dès lors que dans son propre camp, il ne semble plus vraiment faire l'unanimité. Des médias libyens ont rapporté hier, à ce propos, que deux membres du gouvernement d'union ont déjà proclamé leur soutien à l'offensive lancée dimanche sur les terminaux pétroliers par le général Haftar. Il s'agit de deux vice-Premiers ministres, Ali Al Qatrani et Fathi Al Majbari. Pour eux, l'opération menée par l'ANL «permettra à l'Etat de contrôler ses ressources et de les mettre au service de tous les Libyens». Le général Haftar peut accepter de s'asseoir à la même table que Fayez El Sarraj mais à la condition que ce soit lui qui dicte les règles. Et ses règles, tout le monde les connaît. Car là, il faut bien en convenir aujourd'hui, il a désormais un plus grand contrôle du terrain que ses adversaires. Cela en plus de contrôler les puits de pétrole du pays. Quoi qu'il en soit, il est bien difficile d'imaginer qu'il ait pris autant de risques pour au final se déjuger. Khalifa Haftar est clairement dans une stratégie consistant à imposer son leadership à toute la Libye. Et il semble savoir qu'il a des chances d'y parvenir. Fait accompli Au plan interne, en plus d'avoir sa propre armée (l'Armée nationale libyenne) et le soutien du gros des milices de l'est du pays, Haftar bénéficie de l'appui dans anciens kadhafistes «excommuniés» par le défunt CGN et qui s'emploient actuellement à rebâtir un service de renseignement. Il n'y a pas lieu de s'étonner aussi de voir certaines régions de l'Ouest le rejoindre. Au plan externe, il n'est un secret pour personne qu'un certain nombre de pays occidentaux et de la région le considèrent comme leur principale carte maîtresse. Cela, à commencer par l'Egypte qui, selon diverses sources crédibles, l'alimente régulièrement en armes. Pour le maréchal Al Sissi, le général Haftar est tout simplement le meilleur rempart contre le terrorisme, surtout que la région est infestée de groupes terroristes de tout acabit. C'est, du moins, la principale raison mise en avant. Maintenant, il faut voir si la communauté internationale qui a jusque-là défendu bec et ongles l'accord de Skhirat acceptera de s'accommoder de la politique du fait accompli pratiquée par le général Khalifa Haftar.