Le communiqué rendu public par la CNAS indique que ces deux conventions avec un établissement français, sans nommer l'hôpital dont il s'agit, sont conclues dans le cadre de «sa vision stratégique visant à améliorer les conditions de prise en charge des malades tout en réduisant leurs transferts pour soins à l'étranger, et à concrétiser la volonté de l'Etat algérien de garantir des soins de qualité au profit des malades algériens au sein des établissements publics nationaux», lit-on dans le communiqué. Et de préciser que ces conventions s'«inscrivent dans l'objectif d'assurer aux malades algériens atteints de pathologies cardiovasculaires, une prise en charge médicale adaptée, tout en favorisant le transfert des technologies permettant de rehausser les performances des praticiens de la santé en Algérie», conclut le communiqué de la CNAS, sans donner plus d'informations sur le contenu de ces conventions. Selon des sources proches du dossier, le projet date depuis une année et les négociations ont finalement abouti avec la signature du contrat le 15 septembre dernier. Il est donc conclu que le chef de département de pathologie cardiaque de cet établissement français, le docteur Mathieu Debauchez, réputé et connu des cliniques privées algériennes, procédera à des missions chirurgicales au sein de l'EHS Dr Maouche (ex-CNMS). Il s'agit donc d'un conventionnement avec la CNAS. Le chirurgien est arrivé en Algérie, mais les interventions chirurgicales programmées sont actuellement effectuées par l'équipe en place du CNMS, car les conditions de travail, notamment le bloc opératoire, ne semblent pas convenir au nouveau arrivé, s'est-il plaint au ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, qui a autorisé cette mission chirurgicale, dont le ministère est partenaire dans cette convention. Laquelle convention est qualifiée de «scandaleuse» par certains chirurgiens cardiaques algériens. «Il y a cinq professeurs au CNMS, sont-ils à ce point incapables d'assurer cette activité devenue aujourd'hui banale, que ce soit dans les services hospitaliers publics où un nombre importants de patients est pris en charge», s'est indigné le Pr Bourzak, chef de service de la clinique de chirurgie cardiaque et vasculaire Abderahmani à Alger et président du Conseil national de l'éthique des sciences de la santé. Et d'ajouter : «Cette convention est une atteinte à la dignité des spécialistes algériens qui font face à une activité intense dans les hôpitaux et qui se sacrifient chaque jour sans percevoir les indemnités qui leur sont dues. Nous sommes dans un service où nous avons pu réaliser avec mon équipe des interventions chirurgicales de haute technicité. Pourquoi la CNAS n'a pas fait appel aux chirurgiens algériens ?» Un avis partagé par nombre de chirurgiens qui ont pris contact avec nous pour «dénoncer ce type d'agissement sans une concertation élargie aux professionnels spécialisés ne serait-ce que pour avis», ont-ils encore signalé. Et de rappeler que ce chirurgien a déjà «un passé en Algérie dans les cliniques privées et actuellement fait l'objet d'une plainte pour harcèlement moral déposée par un de ses collègues à l'institut mutualiste Montsouris». Interrogé sur les objectifs de cette mission chirurgicale concernant la chirurgie cardiaque pour adulte, le directeur des établissements de santé au ministère de la Santé, le Dr Elhadj, affirme qu'«il s'agit plutôt d'un transfert des technologies, d'autant qu'en Algérie il y a une insuffisance de spécialistes en matière de chirurgie cardiaque et réanimation infantile». La question de savoir pourquoi l'on a recours particulièrement à ce chirurgien restera donc posée. Le directeur général du CNMS, M. Bounouar, a, quant à lui, expliqué qu'il s'agit plutôt d'un apport supplémentaire au moindre coût pour une prise en charge performante des patients algériens au lieu de continuer à les transférer à l'étranger. Interrogé à ce propos, le président du conseil national de l'Ordre des médecins, le Dr Berkani Bekat Mohamed, estime qu'«il est étonnant de faire appel à des chirurgiens étrangers pour un exercice médical exercé en Algérie». Et de s'interroger : «Qu'en est-il de la formation des chirurgiens cardiaques algériens en quantité et en qualité ? Il est tout aussi important de s'interroger pourquoi on est aujourd'hui réduits à faire des contrats et des conventions dans les hôpitaux publics avec des individus au lieu de s'orienter vers des professeurs avant-gardistes pour former encore des spécialistes algériens à des gestes performants.»