Ce phénomène a dépassé tout entendement et ses ramifications n'ont pas de bornes. Jeunes femmes, enfants ou vieillards, peu importe, l'essentiel est de tirer profit de ce filon, sans fournir d'effort. Car le fait de tendre la main pour faire la manche ne fait plus rougir de notre jour comme au bon vieux temps, à la belle époque qui est révolue à jamais, où il était indigne de quémander une croûte de pain sans se sentir diminué par ce geste, ô combien humiliant. Pourtant, la pauvreté existait bien en ces temps là. Mais à cette époque, le mendiant se réjouissait d'un simple quignon de pain, d'une pièce de monnaie ou d'une assiette de nourriture qu'on lui tendait avec bon cœur. Or aujourd'hui, ces drôles de pseudo mendiants, au comportement étrange qui peuplent les rues de la capitale du Titteri, n'acceptent plus l'aumône en nature. Ils abandonnent souvent sur les bordures des trottoirs et les murettes des escaliers des immeubles les vivres que les passants et les riverains leur offrent. Ces énergumènes poussent le culot jusqu'à vous fixer le montant de la somme à quémander. Plus grave encore. Pour certains avec audace tendent à la main une ordonnance en inventant des maladies imaginaires graves dont leur femme, leur mère ou leurs enfants seraient atteints. Quand d'autres fausses mamans en déguisement essayent de sensibiliser les âmes charitables au cœur tendre en les pressant de mettre la main à la poche sans réfléchir un instant, jouant ainsi avec les sentiments de pitié des gens, qui voient ces bébés dans leurs bras en train de pleurnicher. Car ils sont là depuis les premières lueurs du jour complètement épuisés. Un ancien commerçant interrogé témoigne que ces pseudo-mendiantes après une fin de jour-née bien remplie, passent chez les commerçants du coin pour échanger les pièces de monnaie ramassées en billets de banque et elles ne se contentent pas de repartir chacune sans une bagatelle somme collectée allant de 3000 DA à 5000 DA. On raconte aussi que ces comédiennes en errance sont ramenées en groupe chaque matin en voiture, elles se déguisent en portant des guenilles et prennent place avec des bébés devant les édifices publics à forte fréquentation, tels que les mosquées, le marché, les restaurants, la poste, les agences bancaires, les terrasses de café… Faire la manche aujourd'hui serait-il devenu un créneau important et juteux chez une frange de la société sans scrupules, ni vergogne qui agit non pas par nécessité ou besoin absolu, mais avec délectation pour dorer simplement leur train de vie. Un commerçant du centre-ville, de Médéa qui en sait quelque chose, raconte qu'il connaît un type de ce genre qui s'est payé une belle voiture, rien qu'en jouant les misérables ! Des faux mendiants de ce gabarit, tonne-t-il, il en existe énormément dans tout le pays, ils profitent de la conjoncture, de l'impunité et du laxisme des pouvoirs publics! Autrefois, les pauvres très connus se pointaient uniquement devant le seuil des boulangeries, où ils prenaient place dès les premières heures de la matinée sans pour cela oser dire mot aux clients. Car les âmes charitables connaissaient parfaitement la situation de chacun de ces habitués. Ils leur remettaient des baguettes de pain, de quoi nourrir la famille. Souvent ces bienfaiteurs n'hésitaient pas de remplir des couffins de victuailles et les faire parvenir de temps à autre dans la discrétion la plus totale à ces familles démunies. Contrairement à ce qui se produit aujourd'hui, l'argent n'était pas un objectif ou une fin en soi. Ceux qui demandaient l'aumône, devaient prendre leur courage à deux mains et avaient de solides arguments. De nos jours, nous vivons dans une cacophonie absolue, comment séparer le bon grain de l'ivraie ? Comment aussi éviter de mettre dans le même sac tous ceux encore trop nombreux à être véritablement dans le besoin et les autres qui tentent de nous tromper en jouant des scénarios ? Difficile n'est-ce pas ! Le ver est dans le fruit. Aujourd'hui, il est regrettable, de vivre cette situation très confuse qui jette du discrédit sur les vrais gens rattrapés par les aléas de la vie et qui vivotent dans la précarité, car ne pouvant se mêler à cette parodie. Celle-ci est aussi caractérisée par l'arrivée ces derniers temps de contingents d'étrangers, tels que les Subsahariens et les Syriens qui font également la manche à longueur de journée, défigurant ainsi l'image de l'antique ville hospitalière et ac-cueillante d'antan. Les citoyens apostrophés maintes fois dans la journée ont mis dans un embarras au quotidien, ne sachant plus où donner de la tête. Ils se demandent comment accomplir une «sadaka» (aumône) sereinement sans avoir le sentiment d'être le dindon de la farce. Mais tout cela ne semble pas émouvoir, outre mesure, les pouvoirs publics qui restent inertes face à ces situations du moins scandaleuses et dégradantes aussi bien pour l'être humain que pour la société toute entière.