Après l'annonce faite, ce week-end, par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia d'organiser des élections partielles anticipées en Kabylie et dans d'autres wilayas en application de l'accord signé, en janvier 2004, entre le gouvernement et le mouvement citoyens des archs, les avis des citoyens de Tizi Ouzou divergent. Une chose est sûre : la rue n'est pas indifférente et suit avec attention et vigilance l'évolution de « la mise en œuvre de la plate-forme d'El Kseur ». Un libraire de trente ans, nouvellement installé dans la ville de Tizi Ouzou, estime : « La dissolution des assemblées élues est une décision positive. Nos élus ne sont pas légitimes, eux-mêmes le sentent et l'ont intégré dans leur pratique de gestion quotidienne, tant ils refusent de prendre des décisions lourdes et qui engagent le devenir de la collectivité. » Pour avoir été proche de la lutte pour la citoyenneté, il précise : « Ces gens ont été rejetés par la population, élus dans des conditions pas trop démocratiques et se retrouvent dans une piètre posture aujourd'hui, en notant que, depuis juin et octobre 2002, les collectivités ont lourdement pâti de la mauvaise gestion et du manque de développement et d'entrain des élus ». Pour notre libraire « la meilleure des choses à faire est de se donner des instances plus crédibles et des exécutifs plus rassurés et confortés par la population dans leurs missions de proximité ». Un avis partagé partiellement par un chômeur âgé de 28 ans. Cet animateur associatif nous dit : « Je ne vois pas l'utilité de ces élections anticipées, car cela ne changera rien à la vie des gens. » Selon lui, « la population souffre du chômage, les associations sont asphyxiées, car sans subvention. Lorsqu'ils sont élus, nos représentants n'appliquent que rarement leur programme électoral, quand ils ne sont pas bloqués par l'administration. » Un jeune fonctionnaire de 28 ans, quant à lui, décoche des flèches à l'égard du mouvement citoyen : « Les citoyens sont allés voter et ils ont été empêchés par les archs. Pourtant, voter est un droit essentiel en démocratie. Je suis contre la décision d'Ouyahia de dissoudre les assemblées élues, sauf là où les élections ne se sont pas du tout déroulées. » Mohand, étudiant de 26 ans à l'université de Tizi Ouzou, se lançant dans une analyse, dit « avoir des appréhensions sur cette question ». « Du point de vue du mouvement citoyen, poursuit-il, celui-ci met en avant son ‘'envergure nationale'', mais limite ses revendications à un niveau régional », alors que du point de vue des autorités, notre vis-à-vis souligne : « Le chef du gouvernement s'aligne sur les positions et la logique autonomistes en procédant de la sorte (élections partielles). » « C'est une démarche incohérente à un tel niveau de responsabilité », note-il. Ce même interlocuteur s'interroge : « Les futurs élus, qui seront issus des élections locales anticipées, auront-ils un mandat de cinq ans ou un demi-mandat seulement ? Le chef du gouvernement parle d'appliquer la loi, quelle est cette loi ? Si pour Tizi Ouzou et Béjaïa, il serait facile de procéder au renouvellement des assemblées, à Bouira et Sétif, cela risque d'être un peu plus compliqué et problématique. » « Ce sont des régions entières qui ont voté le plus normalement du monde. Comment pourrait-on chasser leurs représentants légitimes ? » Pour finir, cet étudiant en sciences juridiques et administratives ajoute : « Le mouvement citoyen a fait des concessions à propos des législatives ; pourtant, on aurait dû aller vers la dissolution de toutes les instances élues à tous les niveaux. »