Le président chypriote grec, Nicos Anastasiades, s'est déclaré hier «confiant» avant de s'envoler vers la Suisse. «Nous allons à Genève dans un esprit positif», a annoncé le dirigeant chypriote turc, Mustafa Akinci, qui a toutefois tempéré les espoirs en disant s'attendre à une «semaine difficile». L'ONU n'a pas ménagé ses efforts pour remettre sur les rails le processus de négociations ouvert il y a 19 mois, en mai 2015, qui semblait s'effondrer le 22 novembre. Réunis alors en Suisse, MM. Anastasiades et Akinci s'étaient séparés sur un désaccord persistant. S'ils ont accepté de reprendre les discussions, les deux camps affichent toujours de profondes divergences sur les enjeux cruciaux de l'un des plus vieux conflits du monde : arrangements territoriaux et de sécurité, restitution des propriétés spoliées. «Nous ne sommes pas arrivés au stade où Genève constitue le point final (des pourparlers). Nous devons être prudents», a averti M. Akinci avant de quitter Chypre. L'île de Chypre, qui compte environ un million d'habitants, est divisée depuis 1974, lorsque l'armée turque a envahi sa partie nord en réaction à un coup d'Etat de Chypriotes grecs qui visait à rattacher le pays à la Grèce et suscitait une vive inquiétude de la minorité chypriote turque. Aujourd'hui, la République de Chypre, membre de l'Union européenne (UE) depuis 2004, n'exerce son autorité que sur la partie sud, où vivent les Chypriotes grecs. Les Chypriotes turcs habitent dans le nord, où une République turque de Chypre du Nord (RTCN) a été autoproclamée, mais n'est reconnue que par Ankara. Une future solution de paix prévoit la création d'un Etat fédéral composé de deux entités, l'une chypriote grecque et l'autre chypriote turque. Une partie des territoires contrôlés par la RTCN serait rétrocédée aux Chypriotes grecs. Les Chypriotes turcs, qui comptaient pour 18% de la population de l'île avant la partition, contrôlent actuellement plus de 36% du territoire. Divergences Au cours des dernières négociations, Nicos Anastasiades aurait proposé que la future entité chypriote turque obtienne 28,2% du territoire, mais Mustafa Akinci en réclame 29,2%. Le nombre de déplacés chypriotes grecs autorisés à revenir dans le Nord fait aussi l'objet de divergences. Ce sujet très sensible revêt une importance cruciale car tout accord de paix sera soumis à un référendum de chaque côté de l'île. En 2004, un précédent plan de paix établi sous l'égide de l'ONU a été rejeté par les Chypriotes grecs. Les deux dirigeants se sont engagés à présenter le 11 janvier des cartes sur le partage territorial des deux entités. C'est la condition pour qu'un sommet soit convoqué le 12 janvier réunissant les puissances actuellement garantes de la sécurité de l'île : la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale. D'autres divergences de taille demeurent. Les Chypriotes grecs réclament ainsi le départ des milliers de soldats turcs stationnés au Nord, tandis que les dirigeants chypriotes turcs souhaitent le maintien d'une présence militaire turque même réduite. Les intentions de la Turquie restent difficiles à décrypter même si le problème chypriote handicape sa candidature à l'UE. Les deux dirigeants chypriotes ont en outre été critiqués, y compris par certains de leur camp, pour avoir fait trop de concessions.