La logique économique néolibérale mondialisée repose sur un modèle de développement productiviste qui profite seulement aux pays riches et dont n'émerge pas la question environnementale. La croissance économique illimitée des «affairistes de tous bords» des pays industrialisés à travers leurs firmes multinationales va à l'encontre des recommandations de nombreux analystes qui proposent le respect des limites écologiques de notre planète Terre. Or, les modes de production et de consommation des pays dit développés exigent de la planète Terre d'offrir plus que ce qu'elle peut donner, et ce, à travers la surexploitation des ressources naturelles (sol, eau, air, forêts). Ces dernières, indispensables à la vie de la population mondiale aussi bien des générations actuelles que futures, sont de plus en plus détruites non pas par les catastrophes naturelles mais par l'homme. Le réchauffement de la planète, la pollution de l'air et des eaux, la dégradation des sols et la déforestation constituent autant de facteurs provoqués par un capitalisme très prédateur vis-à-vis de l'environnement. Il ressort des différents sommets mondiaux portant sur le danger du réchauffement climatique et la protection de l'environnement en général, malgré quelques avancées timides, que l'urgence écologique ne constitue pas une priorité pour certaines grandes puissances comme la Chine et les Etats-Unis d'Amérique… qui cherchent beaucoup plus à maintenir leur suprématie économique sur le reste du monde. Ce capitalisme globalisé qui a une vision purement monétariste et matérialiste du bien-être social est à l'origine des inégalités sociales dans le monde, qui persisteront encore davantage à l'avenir. Les ressources naturelles disponibles ne suffisent pas à nourrir toute la population mondiale si chaque citoyen consomme autant qu'un Américain ou un Français. Cette surconsommation des pays riches, grands consommateurs de ressources comparativement aux pays pauvres, n'est rendue possible que par la dégradation de l'environnement. André Lebeau (2008),(1) physicien, qui fustige le néolibéralisme et la mondialisation, a bien souligné cet état de fait : «Si l'on fait un rapprochement entre les quantités consommées et l'estimation des réserves présentes dans l'environnement, on constate que l'épuisement des ressources naturelles est une perspective proche, un siècle tout au plus.» Ce qu'il faut souligner aussi, c'est que non seulement les pays pauvres ne bénéficient pas des mêmes conditions de vie des pays riches, mais aussi perdent leurs propres ressources au profit des firmes transnationales. C'est le cas des terres à fortes potentialités agricoles relevant de pays surtout africains qui ont été accaparées par certains pays riches du golfe (Arabie Saoudite, Qatar) et des pays développés comme les Etats-Unis, les pays européens et asiatiques (Japon, Chine). Cette dépossession ne garantit même pas la protection des paysans expropriés de leurs terres qui se trouvent dans l'obligation de vendre leur force de travail à bas prix aux capitalistes pour subvenir à leurs besoins. Dans bien des cas, le pillage des ressources naturelles (terre et eau) des pays du Sud par les multinationales se fait avec le consentement des gouvernements en place. L'exemple de Nestlé, multinationale suisse et leader mondial du marché de l'eau en bouteille (Perrier, Vittel…), est édifiant. Elle pompe l'eau, source de plus en plus rare, dans les pays du Sud jusqu'à épuisement des nappes phréatiques pendant que les populations locales souffrent du manque de ce précieux liquide. Si par le passé l'exploitation des facteurs rares, principalement la terre, se faisait pour assurer la sécurité alimentaire des pays du Nord, ces dernières décennies la demande devient de plus en plus forte avec l'avènement de l'utilisation des agrocarburants pour l'industrie automobile. De ce fait, l'accaparement des terres de la paysannerie des pays du Sud (la plus grande victime de la mondialisation) par les détenteurs de capitaux surtout européens est accentué. Estelle Deléage (2013)(2) a souligné à juste titre que «l'Europe est le moteur principal de l'accaparement des terres pour la production de biocarburants, parce qu'elle importe une grande partie des matières premières dont elle a besoin. (…) Le mandat UE-27, une nouvelle proposition de la Commission européenne, fixe l'objectif de consommation de biocarburants à 40 Mtep (millions de tonnes d'équivalent pétrole) pour 2020. C'est pour fournir les matières premières nécessaires à cette production que les peuples des pays du Sud sont déplacés en masse et privés de leurs terres.» La mainmise du capitalisme industriel sur les ressources naturelles des pays du Sud a surtout concerné la paysannerie, considérée comme une classe-objet (Bourdieu : 1977)(3) et qui a versé dans la pauvreté menant jusqu'au suicide. D'après Estelle Deléage, entre 1995 et 2006, près de 200 000 agriculteurs en Inde, victimes des politiques de modernisation et de libéralisation de l'agriculture, se sont donné la mort. Ce phénomène de suicide touche aussi la frange la plus vulnérable des travailleurs du monde industrialisé, c'est le cas de la France. Au moment où certains grands patrons voient leurs revenus s'accroître de façon vertigineuse, je dirais même scandaleuse, des milliers d'ouvriers sont licenciés et mettent fin à leur vie par désespoir. La mondialisation ne s'arrête pas à la surexploitation des ressources naturelles, à la destruction de la paysannerie et à la généralisation de la pauvreté dans les pays du Sud ; elle a investi aussi dans le marché de la prostitution. Selon la Fondation Scelles, «la prostitution est un phénomène qui dépasse les frontières. Des flux d'hommes et de femmes vont d'un pays à l'autre, qu'ils soient forcés de se prostituer ou qu'ils désirent acheter des services sexuels.» Dépossédées de leurs sources de subsistance ou victimes de la crise économique, beaucoup de familles, surtout des pays pauvres, ont recours à la prostitution de leur progéniture féminine pour subvenir à leurs besoins élémentaires. Des femmes africaines, asiatiques, latino-américaines et ex-européennes de l'Est alimentent le marché de la prostitution en vendant leur corps à des «affairistes» et des proxénètes sans scrupule ni morale. Nous savons que pour maximiser leurs profits, beaucoup de patrons ont transféré leurs entreprises vers les pays du Sud où la main-d'œuvre est à bas prix, même chose pour le tourisme sexuel avantageux aussi du point de vue du prix, c'est le cas de la Thaïlande, du Maroc… Ce n'est pas par hasard que ce sont les populations du Sud qui sont les plus touchées par le virus du sida (l'Afrique subsaharienne, l'Asie, l'Amérique latine…). Le capitalisme considère que sur cette Terre, tout ce qui rapporte de l'argent et du plaisir est marchandise, y compris l'industrie du sexe. Pour Richard Poulin (2004),(4) «la prostitution est inscrite dans la mondialisation néolibérale dont elle tire sa subsistance et sa raison d'être.» En 2008, l'Organisation panafricaine de lutte contre le sida (OPALS) a révélé l'extrême jeunesse des prostituées dont l'âge varie de 9 à 16 ans. La mondialisation peut se résumer à cette caricature : celle des êtres humains nantis qui profitent de la pauvreté et de la vulnérabilité économique d'autres êtres humains pour réaliser le maximum de profit sans aucune retenue. La mondialisation qui dévore tout sur son chemin se fait dans bien des cas avec la bénédiction des pouvoirs en place des pays du Sud où règnent les inégalités sociales, la corruption et l'absence de démocratie. Bibliographie : 1)- André Lebeau (2008) : L'enfermement planétaire, Ed. Gallimard 2)- Estelle Deléage (2013) : Ravages productivistes, résistances paysannes, Ed. Le bord de l'eau, Lormont 3)- Pierre Bourdieu (1977) : Une classe objet, in Actes de la recherche en sciences sociales, volumes 17-18. 4)- Richard Poulin (2004) : La mondialisation des industries du sexe, Ed. L'Interligne, Ottawa (Canada).