Au lendemain de la conclusion de l'accord entre Gaz de France-Suez et Gazprom, pour l'intégration de la société française dans le projet Nord Stream, des questions méritent d'être posées sur l'avenir de Sonatrach sur le marché français. L'enjeu est de taille pour l'Algérie qui serait confrontée désormais à une rude concurrence. Certes, toutes les compagnies pétrolières veulent disposer de quantités additionnelles de gaz, « mais tout apport complémentaire sur le marché français pourrait exposer l'Algérie à un risque d'une sérieuse concurrence », estime Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach et ancien ministre des Ressources en eau. Faut-il rappeler dans la foulée que GDF-Suez (énergie) a signé, lundi dernier, un protocole d'accord qui ouvre la voie à une prise de participation de 9% dans le projet russe de gazoduc Nord Stream. A la faveur de cet accord, GDF-Suez pourra ainsi rejoindre le groupe Nord Stream AG, opérateur du projet, aux côtés de Gazprom, Wintershall Holding, E.ON Ruhrgas et le néerlandais Gasunie qui détient lui aussi 9% des parts. Ainsi, d'après M. Attar, cette intégration signifie que « la concurrence s'avérera sérieuse pour l'Algérie » qui fournit 90% de son gaz destiné à l'exportation à l'Union européenne. L'Algérie exporte annuellement entre 60 et 62 milliards de mètres cubes entre gaz et GNL (gaz naturel liquéfié) vers l'Europe, principalement. Les exportations vers la France sont estimées à 9 milliards de mètres cubes par an. Selon M. Attar, contacté hier, « même si le contrat conclu par GDF-Suez et Gazprom constitue une menace substantielle pour Sonatrach, l'Algérie demeure, néanmoins, un fournisseur de sécurité, car elle a toujours honoré ses engagements avec les pays européens ». GDF-Suez et Gazprom ont annoncé avoir entamé des négociations pour des livraisons additionnelles de gaz à la compagnie française pouvant aller jusqu'à 1,5 milliard de mètres cubes/an à partir de 2015. Ces quantités de gaz devraient être acheminées par le gazoduc Nord Stream, qui devrait entrer en service en septembre 2011, en reliant le port russe de Vyborg au port allemand de Greifswald en passant sous la mer Baltique. Pour ainsi dire, l'alliance entre Gaz de France-Suez et Gazprom est appelée à brouiller quelque peu les cartes de Sonatrach qui, pourtant, prévoit d'augmenter ses ventes de gaz vis-à-vis des pays du vieux continent. Selon les prévisions de la compagnie publique, noyée dans un scandale de corruption de couleur grisâtre, les exportations de l'Algérie vers l'UE en gaz atteindront 100 milliards de mètres cubes en 2015. Les réserves possibles sont estimées, quant à elles, à environ 1000 milliards de mètres cubes. A la question de savoir si l'alliance naissante entre GDF-Suez et Gazprom est de nature à contredire la thèse selon laquelle le rapprochement amorcé en 2006, entre le groupe russe Gazprom et Sonatrach, « est une menace pour la sécurité énergétique de l'Europe », M. Attar estime que « même s'il y a rapprochement entre les deux compagnies (algérienne et russe), Sonatrach et Gazprom demeurent en sérieuse compétition ». Cependant, la conférence sur le GNL 16 qui se tiendra à Oran, du 18 au 21 avril, « pourrait être une occasion pour les deux compagnies afin d'adopter la même attitude en matière d'approvisionnement ». M. Attar estime que « c'est au sein de ce forum qu'on pourrait trouver des affinités entre Sonatrach et Gazprom », car des « enjeux stratégiques » se posent pour les deux compagnies. Quoi qu'il en soit, l'alliance Gazprom-GDF Suez constitue un enjeu qui n'est pas des moindres pour l'Algérie.