Montpellier (France) recevait les 45 es Entretiens de médecine physique et de réadaptation les 15, 16 et 17 mars dernier, dont la dernière journée était consacrée à des échanges transméditerranéens sur la poliomyélite en 2017, avec un regard porté sur la Tunisie, le Maroc et l'Algérie, objet de 3 séances. «Le syndrome post-poliomyélitique en Algérie» Une séance était présidée par le docteur Mohamed Rachedi, qui est longuement revenu sur la genèse de ce fléau en brossant un historique de la situation générale sur l'état de la polio dans le pays. D'emblée, il entonne : «Nous allons parler du syndrome post-polio dont on ne parle plus chez nous. C'est une entité clinique méconnue, voire inconnue, parce que non enseignée en post-graduation. On parle de polio ou de maladie infectieuse, mais pas de post-polio pour les maladies neurologiques.» Il revient précisément sur un point crucial de la problématique post-polio, à savoir l'intérêt que celle-ci aurait pu susciter. Il explique : «Ce syndrome post-polio a été mis en débat grâce à un de nos collègues, le docteur Z. Boukara, qui faisait une consultation et à la suite d'une lecture sur le syndrome post-polio sur une enquête menée à Sidi Bel Abbès.» A l'occasion de son intervention, le président de séance montre un graphique de 1963 à 1996 «date du dernier chiffre connu où nous avions 4013 cas déclarés», selon le docteur. «La courbe montre une ascension en 1963 avec un pic en 1966. En 1969, un décret rend la vaccination obligatoire avec une grande campagne d'information en 1970», explique l'intervenant, ce qui montre que cette année-là, on enregistre une chute avec malheureusement une reprise vers 1976, avec une rechute dans le début des années 1980. La polio : étudiée comme maladie infectieuse Docteur Rachedi fait référence au professeur Isabelle Laffont, du CHU de Montpellier, qui avait souligné les avancées dans la connaissance de la polio et a joué un rôle non négligeable pour comprendre cette maladie «où on a appris à faire le testing analytique qui nous a permis d'apprendre la topographie du patient, ce qui était un grand acquis pour nous», souligne-t-il, en expliquant que 70% des patients à l'époque étaient déclarés entre 1 et 3 ans. Le docteur met en avant «que le problème auquel on était confronté, c'était la hanche où on faisait des appareils en plâtre», pour pallier l'atrophie de la hanche. La découverte de l'appareillage «On a découvert l'appareillage et on a commencé à développer le grand et le petit appareillage de marche, les chaussures orthopédiques, etc. (…) Cela nous a permis par la suite de discuter entre chirurgiens et de parler pour une fois de chirurgie fonctionnelle. Les chirurgiens ont beaucoup développé les allongements», explique le docteur. Concrètement, que signifie les «allongements ?» Pour faire simple, un polio atteint de la jambe droite ou gauche va avoir une jambe plus courte que l'autre. Le but de la chirurgie réparatrice et orthopédique consiste à opérer un allongement du fémur ou du tibia de la jambe polio afin de redonner un équilibre de la marche au patient. En Algérie, c'est l'Office national d'appareillages et accessoires des personnes handicapées (Onaaph) qui est en charge de cette tâche. Et cela, sur l'ensemble du territoire national. Mais il faut dire qu'il reste peu d'avancées sur la problématique de l'appareillage en Algérie. En effet, à l'heure de la mondialisation des échanges, l'appareillage en Algérie souffre d'un manque cruel de modernisation. Nous sommes encore à «l'âge de pierre» avec du matériel vétuste qui date des années 1970, lourd et totalement incommodant. Aujourd'hui, l'appareillage moderne et ultra léger à base de titane et de fibre de carbone est absent du territoire national pour donner un souffle aux polios du pays. Les polios marchent encore avec l'appareillage ancestral qui ressemble plus à Robocop qu'à autre chose. A la question de savoir pourquoi les nouveaux appareillages modernes, qui devaient être introduits en Algérie, ne le sont pas, et pourquoi l'Algérie a renoncé à faire venir ce matériel, la réponse du docteur Rachedi est la suivante : «Ce n'est pas un problème de l'Onaaph qui est un prestataire et qui est payé par la Caisse de sécurité sociale. C'est un problème de caisse et de remboursement, tout simplement. L'Onaaph n'est payé que pour ce type d'appareillage. S'il va dans le titane et la fibre de carbone, il n'est pas remboursé et les gens ne veulent pas mettre de l'argent de leur poche. Ils veulent avoir un appareillage gratuit à 100%. Le problème est là. Si seulement il y avait des mutuelles ou des assurances supplémentaires et si les gens faisaient un effort de contribution, car dans tous les pays du monde, le remboursement n'est pas à 100%. Il y a un problème de monopole de l'Onaaph, car c'est la seule entreprise sur tout le territoire. Il y a certains techniciens en appareillage qui font du titane ou du carbone, mais vous payez.» Force est de constater que quand on n'a pas d'argent, c'est difficile, surtout quand les patients sont dans l'incapacité de débourser. D'autant que la paupérisation de ces polios sont légion dans le pays. Interrogé pour savoir si à l'avenir il va y avoir des progrès en ce sens s'agissant de la prise en charge de cet appareillage moderne, le docteur Rachedi conclut : «Dans tous les pays du monde, il y a un problème de lobbying. C'est quoi précisément ? Des associations qui font pression sur les autorités pour que celles-ci regardent ce problème. Maintenant, la technicité est très simple. Nous sommes le seul pays du Maghreb à former nos médecins rééducateurs. Pour le reste, c'est une question d'argent.» Les choses ont le mérite d'être clarifiées sur ce point. Toutefois, une nuance est à apporter sur la prise en charge des appareillages en titane et fibre de carbone. En France, par exemple, une personne atteinte de la polio est en affection longue durée (ALD). Son appareillage orthopédique est pris en charge entièrement par la sécurité sociale sans qu'une assurance de type mutuelle soit concernée. C'est du côté des autorités que les choses doivent bouger en faveur des polios qui ont le droit de marcher avec du matériel léger en renforçant ainsi leur autonomie.