Les élections législatives aujourd'hui en Irak sont qualifiées de cruciales. N'était-ce pas déjà le cas des précédentes, les premières depuis la chute du régime de Saddam Hussein quelques mois après l'invasion américaine de mars 2003 ? Ou encore cruciales par rapport à quoi ? En vérité, toute la question est là, dans un pays ravagé par la violence, comme l'attestent les attentats perpétrés vendredi à l'instant même où commençait le scrutin. Ou encore ces lignes de friction pour ne pas parler de fracture, bien réelles malheureusement pour l'Irak. C'est le pays de toutes les guerres, absolument toutes avec au bout les affrontements interethniques, et même au sein d'une même communauté que le plan de retrait des troupes étrangères a réussi à rendre moins visible et moins violente. Des villes et des ensembles géographiques ont connu des déplacements de populations fuyant l'épuration ethnique. La carte démographique de l'Irak a connu ses plus profonds bouleversements démographiques. Les communautés s'observent, restant chacune sur ses gardes. C'est cela l'Irak, et dans de telles conditions, il est difficile de croire qu'un simple scrutin va mettre fin à une telle situation. Ou encore qu'il en sera la panacée. Bien au contraire, celle-ci pourrait rester en l'état, sinon s'aggraver, le mal étant encore plus profond et multiple, rendant même difficile la coexistence entre les différentes communautés. Comme l'atteste la bataille autour de la ville de Kirkouk que toutes les communautés revendiquent. Ou encore l'exclusion décidée en janvier dernier de listes entières de candidats sunnites sous le prétexte que beaucoup de ceux qui y figurent sont d'anciens baâthistes. Il a fallu une intervention américaine au plus haut niveau pour que ces listes soient maintenues, avec une explication toute simple selon laquelle il fallait une carte du parti pour assurer sa carrière professionnelle. Juste ce qu'il fait pour crédibiliser les élections d'aujourd'hui, car celles de 2005, que l'on se plaisait à présenter comme le premier scrutin multipartite depuis cinquante ans, avaient été boycottées par les sunnites qui s'estimaient marginalisés par les chiites, c'est-à-dire par ceux- là mêmes qu'ils avaient exclus quand eux exerçaient un pouvoir hégémonique. C'est pourquoi, beaucoup reconnaissent que le scrutin de 2005 était « un vote identitaire ». Faut-il croire que celui d'aujourd'hui ne le sera pas, ou le sera moins ? Des alliances se sont nouées. Ce qui se dit à ce sujet laisse parfois franchement perplexe, non pas que l'Irak soit incapable à en produire, mais que les conditions ne semblent pas encore propices, et de ce point de vue l'exclusion a causé un grand tort qu'il sera difficile de surmonter. Et ce débat vaste et complexe inclut le partage des richesses, que même la géographie a réussi à compliquer puisqu'elle en prive la communauté sunnite présente principalement dans le centre de l'Irak. Ce sont de telles conditions qui rapprochent l'Irak du démembrement. Les élections d'aujourd'hui l'en éloigneront-elles ?