Le 13 décembre 2003, l'ancien maître de Bagdad était cueilli au fond d'un trou. Une chute vertigineuse pour celui qui avait été le maître absolu de l'Irak quand ses ordres faisaient loi. Pour accentuer cette fin de parcours guignolesque, le dictateur irakien fut cueilli au fond d'un trou, -en pleine campagne irakienne, dans son fief de Tikrit-, comme un vulgaire malfaiteur surpris dans sa planque. La chute du régime créé par Saddam était en fait inscrite dans le parcours même de son fondateur, fait de traîtrise et de déloyauté. Et c'est sur une trahison, encore une, -selon les sources militaires américaines à l'époque des faits-, de proches parents que l'ex-dictateur s'est fait prendre comme un rat dans son trou, sans opposer de résistance à ceux venus l'arrêter. Seul et isolé au summum de sa puissance et de sa gloire, Saddam Hussein terminait ainsi son parcours encore plus seul et plus isolé, se faisant cueillir, quelle ruine, dans un trou à rat. Grandeur et décadence, tel aura été le chemin sinueux de celui qui, un jour, a voulu être Haroun Al-Rachid, cet immense bâtisseur qui a construit la glorieuse ville de Bagdad. En fait, au moment de son arrestation, Saddam Hussein était un homme déserté de ses affidés, plus soucieux de sauver leur propre peau. Saddam Hussein était en fait seul face à son oeuvre qui a renvoyé son pays, l'Irak, dans les limbes du sous-développement, faisant naître par ailleurs une haine viscérale du citoyen irakien envers celui qui les a maintenus durant plus de trois décennies sous son joug. C'était un homme hagard, hirsute et paumé, désorienté, comme sous l'effet d'une drogue, que les peshmergas, milices kurdes, avaient cueilli, sur dénonciation d'un proche parent à lui. Les rancunes sont tenaces et celle du peuple irakien, marqué dans sa chair par des décennies de dictature, a donné sa mesure par l'organisation de réjouissances célébrant la mort (atroce) des deux fils de Saddam Hussein, -Oudéi et Qoussaï- tués en août 2003 dans un accrochage avec les marines américains. Saddam Hussein a fait beaucoup de mal à son pays et à son peuple qui, à l'occasion de la chute de son tourmenteur, a montré quelles cimes pouvait atteindre une haine entretenue durant des décennies. En vérité, personne en Irak n'a pleuré l'arrestation peu glorieuse de l'ancien maître du pays ni regretté la chute d'un régime qui a mis l'Irak en coupe réglée. En fait, il aura suffi d'une année pour que soit balayée toute trace de l'ancien dictateur -et de son régime baasiste-, oublié même de ses anciens partisans et fidèles. La guerre qui est menée contre l'occupation américaine, depuis l'invasion du 20 mars 2003, ne se fait pas au nom des anciens maîtres du pays, arrêtés ou disparus, mais au nom de la résistance islamique que d'anciens baasistes sont nombreux à avoir intégrée et au nom de laquelle sont menées les actions de la guérilla urbaine. Toutefois, la chute de Saddam Hussein a laissé en l'état la question, toujours pas résolue, de la présence en Irak d'armes de destruction massive (ADM) dont l'existence, selon les Etats-Unis, avaient justifié l'envahissement et l'attaque des marines contre ce pays. Il est patent, -comme les experts de l'ONU, à leur tête Hans Blix, n'ont cessé de l'affirmer-, de dire aujourd'hui que l'absence en Irak de stock d'ADM de quelque nature qu'elles soient (biologique, chimique ou nucléaire), comme le soutenait à tort Washington, est un fait acquis. Quoique politiquement fini, Saddam Hussein a su, durant ces mois de prisons, récupérer de sa superbe et retrouver quelque peu sa morgue, comme il le montra le 1er juillet dernier devant le tribunal de Bagdad qui avait à statuer sur son cas et à lui signifier les charges, au nombre de sept, pesant sur lui, parmi lesquelles celle de crimes contre l'humanité, lors de la première audience que lui consacra le tribunal spécial créé à ses justes mesures pour le juger. Saddam Hussein, était alors apparu apaisé, sûr de lui et faisant montre d'une superbe qui l'avait déserté quelques mois plus tôt lors de son arrestation. Il réussit même à inverser les rôles en mettant sur la défensive le juge chargé de l'interroger. Saddam Hussein est passible de la peine de mort au fait des charges retenues contre lui. Mais, comme l'affirme un observateur, l'ancien président irakien est maintenant un homme du passé face à l'oeuvre destructive de son pays, un homme esseulé, dont l'unique ambition semble être aujourd'hui celle de sauver sa tête de l'échafaud.