Jeudi dernier, le président de l'APC de Chatt et le chef de daïra de Ben M'hidi accompagnés d'un important contingent de la gendarmerie, une douzaine de Toyota, selon des témoins, ont procédé à la démolition d'une habitation à El Kous. Une agglomération difforme comme on en voit un peu partout dans le pays, située à mi-chemin entre Ben M'hidi et l'aéroport, et qui regroupe plusieurs dizaines d'habitations illicites qui ont poussé le long des allées de palmiers majestueux et autour de la maison de maître, des bâtiments d'exploitation et de la cave du colon Germain qui possédait la moitié des terres de la riche plaine agricole de Annaba. Cette première opération du genre, dans la wilaya, aurait pu être le début heureux de la mise en application de la politique de récupération des terres agricoles urbanisées, s'il ne s'agissait pas de la maison du fils de Lakhdar Belaïd, colonel à la retraite, mais surtout président de la commission des finances de l'APW qui vient de jeter un pavé dans la mare, en adressant récemment une lettre ouverte au président de la République pour dénoncer la gestion des affaires de la wilaya, la mise à l'écart et le mépris dans lequel sont tenus les élus de l'APW par l'administration. Le motif avancé par les pouvoirs publics pour procéder à l'écroulement d'une partie de la construction est qu'elle a été bâtie sans permis de construire. Ce que ne nient pas les propriétaires. « Mais pourquoi l'été dernier, nous a-t-on demandé de régulariser notre situation, et pourquoi les autorités sont-elles passées brusquement à l'acte sans mises en demeure préalables et surtout sans décision de justice ? », s'interrogent les propriétaires. Bien qu'il s'en défende fermement par la bouche du président de l'APW, présent sur les lieux à notre arrivée, il est difficile de croire que le wali n'a rien à voir avec un tel déploiement de la force publique et la présence des responsables locaux lesquels, ce n'est un secret pour personne, ne bronchent pas sans son autorisation. D'ailleurs, ne pas être au courant serait tout aussi grave. Belaïd Lakhdar est un élu de l'APW hors du commun, indomptable, indocile et parfois excessif. Peut-être pas toujours blanc, comme le préte dent ses opposants en faisant allusion à sa carrière d'officier supérieur et à ses biens, mais on lui reconnaît qu'il ne se laisse pas dicter sa conduite. C'est ce qui lui a valu quelques prises de bec publiques avec le premier responsable de la wilaya. A la dernière session de l'APW, Lakhdar Belaïd demande, en sa qualité de président de la commission des finances, la constitution d'une commission d'enquête comme l'autorise l'article 67 du code de la wilaya pour s'informer sur les procédures de financement des dépenses et des projets d'équipement de la wilaya. « Je vais faire en sorte que cette commission ne voie pas le jour », a répondu le wali piqué au vif en ajoutant à l'adresse des directeurs de l'exécutif qu'il interdit formellement de communiquer des informations aux élus. Un écart qui sera à l'origine de la lettre ouverte adressée au président de la République et, par voie de conséquence, de la démolition de la maison du fils Belaïd encore sous les verrous. Nul ne doute à El Tarf que les deux affaires sont liées. A défaut de s'en prendre au père solidement amarré au système, on s'est attaqué au fils de 23 ans plus vulnérable au regard de la loi. Intervenir aussi rapidement avec cet ostensible déploiement de force contre le commun des mortels est pour le moins suspect. Cela ne peut pas être non plus un concours de circonstances. La maison n'allait pas se sauver et on aurait pu attendre un peu pour éviter l'amalgame avec l'affaire du père. Ou alors on cherche à piéger le wali. Ce qui est l'hypothèque la moins probable. Cela s'apparente plutôt à ces maladresses qu'ont les tenants du pouvoir lorsqu'ils cèdent à leurs impulsions. Quoi qu'il en soit, on n'enlèvera pas de la tête des gens qu'il s'agit là, une fois de plus, de faire payer chèrement quelqu'un qui a élevé la voix pour dénoncer des abus. Ceux du voisinage sont outrés par la démesure des représailles. « Qu'ils se bouffent entre eux, c'est normal, mais on ne touche pas aux enfants et à la maison. » On n'a pas hésité à faire des rapprochements avec ce que fait Israël aux familles des résistants palestiniens et à leur maison. « Regardez à quoi servent les lois dans ce pays », lancent des jeunes en grappes qui observent de loin le manège des allées et venues. Le fait est grave. La hogra est montée d'un cran. Elle est allée trop loin. Le président de l'APW a promis de faire toute la lumière sur cette affaire. Il va constituer une commission d'enquête. Cela a fait sourire les gens. Allez savoir pourquoi.