Le capital de départ de ces sociétés est généralement d'origine familiale, mais avec ou sans le soutien financier de leur famille, de nombreuses algériennes ont réussi à monter des affaires qui tournent si bien qu'elles ont changé positivement le cours de leur vie. Les bénéfices engrangés leur ont, selon les cas, permis d'augmenter les capacités économiques et commerciales de leurs entreprises, ou, tout simplement, d'améliorer leur standing de vie, en acquérant des actifs immobiliers, les voitures de leur choix et autres emblèmes de réussite sociale (bijoux, vêtements) qu'elles avaient longtemps convoités. Certaines femmes, bafouées par leur époux, leur famille et la société en général, ont pu ainsi trouver dans l'entrepreneuriat l'occasion de prendre leur revanche sur une vie qui ne leur avait pas fait de cadeaux, en montant, notamment, de prospères affaires qui consacrent leur autonomie financière et leur confèrent davantage de liberté de mouvement dans une société traditionnellement réservée aux hommes. Pour légitimer leur intrusion dans les milieux des affaires réservés aux hommes, elles feront valoir les conduites exemplaires de certaines commerçantes historiques qui figurent dans la mémoire collective musulmane, comme des exemples indiscutables de vertu et de piété. Elles feront également largement usage du principe de la séparation des biens consacrée par le Coran et la Charia pour légitimer le droit des femmes à être des propriétaires attitrées de biens matériels, parmi lesquels les capitaux et autres actifs sociaux investis dans leur société. Autant d'arguments qui font merveilleusement recette dans une société profondément sensible et à l'écoute des argumentaires religieux comme la nôtre. Admirées pour leur réussite, bon nombre de jeunes algériennes n'hésitent pas à suivre le chemin tracé par leurs aînées en tentant, elles aussi, leur chance dans ce type de business, en commençant, pour celles qui ont peu de moyens et de relations, par le «commerce de la valise», financièrement peu risqué et ne requérant pas de gros capitaux. Il constituera pour bon nombre d'entre elles le point de départ d'une «success story» qui changera positivement le cours de leur vie en les propulsant, à terme, au rang de respectables cheftaines d'entreprise à la tête de start-up ou de petites entreprises officiellement déclarées au registre du commerce. On a pu le constater à l'occasion de nos déplacements en Turquie, en France et dans certains pays arabes, les Algériennes en «voyage d'affaires» constituent une part non négligeable des passagers empruntant les lignes aériennes en question. Même si, précisent nos sociologues, certaines ne jouent que le rôle de simples «mules», assurant seulement le transport pour le compte de revendeurs ou de gros importateurs informels, il est bien évident que toutes ces infatigables commerçantes y trouvent leur compte en engrangeant des revenus non négligeables, qui les aideront, selon le cas, à améliorer l'ordinaire de leur famille et, parfois même, à lancer des affaires ayant «pignon sur rue» (boutiques, entreprises déclarées, agences etc.). Et quand bien même le modèle patriarcal qui prévaut encore en Algérie continue aujourd'hui encore à leur nuire, l'entrepreneuriat sous ses diverses formes continuera à exercer sur les Algériennes pleines d'ambition une certaine fascination. Pour toutes ces femmes auxquelles les archaïsmes socioculturels ont fermé les portes du travail et de l'émancipation, l'entrepreneuriat constitue en effet leur seul espoir de promotion sociale. Etant persuadées qu'en matière de business, le succès est au bout de l'effort, les algériennes seront de plus en plus nombreuses à tenter l'aventure.