Y a-t-il un changement radical dans la stratégie du mouvement islamiste palestinien Hamas ? Ce mouvement radical opposé depuis le début à tout accord avec Israël, qu'il n'a jamais reconnu, a toujours refusé de participer aux institutions palestiniennes officielles. Le mouvement s'est opposé aux accords d'Oslo, qui ont conduit à une reconnaissance mutuelle entre l'organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël, car il refusait l'idée de la création d'un Etat palestinien sur les terres palestiniennes occupées par l'armée israélienne lors de la guerre des Six-Jours en 1967, en l'occurrence la bande de Ghaza, la Cisjordanie et la partie est de la ville d'El Qods. Pour le mouvement Hamas, l'Etat palestinien devra englober toutes les terres de la Palestine historique, ce qui induisait l'anéantissement de l'Etat d'Israël. Plus de dix ans après l'institution de l'Autorité palestinienne dans les territoires, tant de rebondissements dans le conflit israélo-palestinien, de changements au niveau mondial, où l'Amérique principal allié de l'Etat hébreu est devenue l'unique force, les événements du 11 septembre et la guerre mondiale contre le terrorisme, menée, depuis, par ces mêmes Etats-Unis, ont semblablement fait tourner le vent au sein du parti radical palestinien. Le Hamas a annoncé samedi, officiellement, qu'il allait participer pour la première fois aux élections législatives dans les territoires palestiniens, lors du scrutin prévu pour le 17 juillet. « Le Hamas a décidé de participer à l'élection cet été du Conseil législatif palestinien » (CLP), a affirmé un des chefs du mouvement, Mohammad Ghazal, à Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Il a souligné que cette décision avait été prise « par la direction du Hamas intérieur et extérieur ». « Vu notre volonté de renforcer l'unité palestinienne à ce moment critique ainsi que les institutions palestiniennes et de promouvoir une réforme nationale globale, le Hamas a pris la décision de participer à l'élection du Conseil législatif palestinien l'été prochain », souligne un communiqué officiel du Hamas. Ce mouvement qui constitue la principale force d'opposition palestinienne avait boycotté les premières élections au CLP en 1996. Il avait également refusé de présenter des candidats à la présidentielle de 1996, qui avait vu la victoire de feu Yasser Arafat ainsi qu'à celle du 9 janvier dernier remporté par Mahmoud Abbas. Le président palestinien s'est félicité samedi de la décision, jugeant qu'elle constituait « un pas positif qui contribue à la participation de l'ensemble des Palestiniens à la vie politique ». Le vice-Premier ministre palestinien Nabil Chaâth a estimé que l'initiative du Hamas était « encourageante », soulignant qu'elle allait « donner la possibilité à ce mouvement de s'intégrer dans le jeu démocratique ». C'est donc officiel, nous verrons des représentants du Hamas dans le nouveau Conseil législatif palestinien. « Nous avons faim » Cet événement majeur dans la vie politique intérieure est une sonnette d'alarme pour le mouvement Fatah, du président Mahmoud Abbas, actuellement affaibli par les profondes divergences entre ses jeunes militants et la vieille garde qui a la mainmise sur toutes les institutions dirigeantes. Les élections municipales partielles de décembre 2004 et janvier dernier ont prouvé la force du mouvement Hamas au niveau des masses populaires. Dans beaucoup de localités de la bande de Ghaza sa victoire a été écrasante. Le malaise économique que vit la sociétè palestinienne est un autre facteur en faveur de la réussite du Hamas. Ce malaise a été engendré samedi à Ghaza où des centaines de chômeurs ont violemment manifesté. Ils ont occupé le siège du clp, saccagé des chaises avant d'être chassés par des policiers anti-émeutes. « Abou Mazen, (le nom de guerre de Mahmoud Abbas, ndlr), nous avons faim », a scandé la foule, qui réclamait du travail et des avantages sociaux. Certains protestataires ont lancé des pierres sur des policiers, dont quatre légèrement blessés, ont été emmenés à l'hôpital. Il est donc clair que le Fatah, le gouvernement ainsi que le président palestinien doivent travailler dur s'ils veulent éviter un raz-de-marée vert aux prochaines législatives.