La décision des détenus sahraouis intervient peu après la visite effectuée dimanche par le vice-procureur général et le directeur régional de l'administration pénitentiaire qui se sont engagés à «satisfaire les revendications légitimes» et ont réitéré leur souci d'«éviter ce qui s'est passé vendredi dernier lorsque leurs familles avaient fait l'objet d'humiliation et d'intimidation outre leur privation du droit de visite en raison la mise à nu de la politique de l'Etat marocain et de ses violations patentes des droits de l'homme à l'intérieur même du tribunal». «Nous, détenus politiques sahraouis de Gdeim Izik, avons décidé de suspendre la grève de la faim d'avertissement que nous envisagions d'entamer les lundi et mardi, 15 et 16 mai courant, en protestation contre les violations juridiques et les complots flagrants pour permettre au vice-procureur général et au directeur régional des prisons de répondre à nos revendications légitimes et légales», ont affirmé les détenus dans un communiqué. Ils ont dénoncé également le «procès mascarade», rejetant plusieurs vices de forme, notamment la convocation de la délégation marocaine conduite par l'ancien ministre de l'Intérieur, Tayeb Echarqaoui, l'absence de décision liée à la nomination d'un avocat de l'Etat marocain et les tentatives désespérées d'avancer des motifs non juridiques aux greffiers. Les détenus sahraouis se sont élevés aussi contre «la partialité claire du président du tribunal et ses déclarations publiques faisant état de ses convictions politiques à l'égard de notre cause nationale et son soutien inconditionnel aux témoins du parquet (…) ce qui constitue une infraction grave quant à la tenue d'un procès équitable». Comme ils ont réitéré leur «condamnation ferme de la partialité du président du tribunal et l'absence de l'indépendance de la juridiction», insistant sur l'importance de garantir un «procès propre et intègre». Procès ou «pantomime» ? Par ailleurs l'eurodéputée espagnole Paloma Lopez a dénoncé hier les manœuvres marocaines visant à allonger le procès des prisonniers politiques sahraouis du groupe dit de Gdeim Izik pour décourager les observateurs internationaux d'assister à ce procès et pouvoir ainsi rendre des sentences indûment sévères et inéquitables. La députée européenne, qui s'est rendue la semaine passée à Salé (Maroc) pour suivre le déroulement du procès, a affirmé que ce procès court le risque de durer beaucoup plus de temps que prévu, dénonçant «les manœuvres des autorités marocaines visant à allonger le procès d'une manière abusive pour éviter la présence d'observateurs internationaux qui pourraient dénoncer l'espèce de pantomime qu'est devenu le procès». Selon Paloma Lopez, «les audiences tenues jusque-là corroborent ce que nous avions déjà dénoncé le mois dernier.» Elle a relevé que la procédure «est pleine d'irrégularités» et que «le tribunal fait tout son possible pour que les condamnations illégales prononcées lors du procès tenu devant un tribunal militaire en février 2013 soient maintenues». L'eurodéputée craint que les sentences à l'encontre des prisonniers soient déjà prêtes étant donné le manque de preuves réelles les incriminant. «Ils continuent d'entraver l'entrée des observateurs au procès», a-t-elle observé, indiquant que le tribunal fait tout son possible pour que ceux qui sont d'origine sahraouie et même les familles des accusés ne puissent pas entrer. A toutes les irrégularités déjà dénoncées, à savoir la falsification de preuves, le non-respect du protocole d'Istanbul et des résolutions du Comité de l'ONU contre la torture, l'extraterritorialité du procès qui devrait se tenir dans le territoire occupé du Sahara occidental conformément aux Conventions de Genève auxquelles le Maroc a adhéré, et l'absence totale de prise en compte de la présomption d'innocence des prisonniers, s'ajoute le fait que «les tortionnaires sont admis comme témoins, alors qu'ils devraient être sur le banc des accusés». En février 2013, vingt-quatre militants et défenseurs des droits de l'homme sahraouis ont été condamnés par un tribunal militaire marocain à de lourdes peines en raison de leur participation au camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en 2010. Les condamnations ont été prononcées sur la base d'aveux obtenus sous la torture, à l'issue d'un procès inique marqué notamment par le refus d'entendre des témoins cités par la défense. Le 27 juillet 2016, la Cour de cassation marocaine a annulé, sous la pression d'organisations internationales de défense des droits de l'homme et de juristes militants, la condamnation injuste prononcée par un tribunal militaire à l'encontre de ces militants sahraouis. Le procès a repris le 26 décembre 2016. Procès reporté jusque-là à quatre reprises.