La toute première rencontre littéraire de la librairie «Le 88» Didouche Mourad, ex-librairie Dar El Hikma qui a été rénovée, rouverte, rebaptisée et sise au siège de l'Union des écrivains algériens, a été étrennée par un hommage rendu à Anna Greki (1931-1966). Et ce, par Abderrahmane Djelfaoui, photographe, cinéaste et, justement, auteur de l'ouvrage intitulé Anna Greki : les monts d'amour, les mots de guerre, paru aux éditions Casbah (2016), Lamis Saïdi, poétesse et traductrice et le guitariste et chanteur musicien Bhar Bensalem. Abderrahmane Djelfaoui retracera le parcours d'une battante et combattante, d'une belle (Anna était d'une beauté divine qui ne laissait pas la gent masculine indifférente) et rebelle. Une Algérienne jusqu'aux bout des ongles. Fille des Aurès. De son vrai nom Anna Colette Grégoire, Anna Gréki passe son enfance à Menaâ, dans les Aurès, où son père est instituteur. Elle effectue ses études primaires à Collo, secondaires à Skikda (alors Philippeville), mais interrompt ses études supérieures de lettres à Paris pour participer activement au combat pour l'indépendance de l'Algérie. Institutrice à Annaba, puis à Alger, militante du Parti communiste algérien, elle est arrêtée et torturée en 1957, incarcérée à la prison à Serkadji (ex-Barberousse), à Alger, transférée en novembre 1958 au camp de Beni Messous puis expulsée d'Algérie. Son œuvre majeure est Algérie, capitale Alger , un recueil de poésie préfacé par un certain Mostefa Lacheraf. Parcours d'une battante Anna Greki est une personne qui occupe une place très importante dans la littérature… Sa vie est un conte de fée. Née le 14 mars 1931 de parents instituteurs, elle vécut dans un hameau, sur une montagne, à Menaâ, aux Aurès. Elle comprend le tamazight, le chaoui… Elle vécut aussi à Collo, une carte postale où elle découvrira les nomades du Sud algérien sur les plages… Elle fréquentera le lycée secondaire à Skikda et étudiera à la Sorbonne (Paris)… Et puis, un jour le regard de Sid Ahmed Inal croise celui d'Anna. C'est le coup de foudre. Etudiante, elle croisera le «fer» avec une certain Jean-Marie Le Pen. En Algérie, soutenant et assurant le transit vers le maquis des fidayine, elle entrera dans la clandestinité. Mais elle sera arrêtée, torturée et jetée dans une cellule avec une femme, Nassima Hablal, la secrétaire de Larbi Ben M'hidi et croise le grand poète Djamel Amrani… C'est dans un milieu carcéral, malgré ce sombre et glauque univers, malgré les meurtrissures, elle se met à écrire, de la poésie. C'est l'esquisse de ce qui deviendra Algérie, capitale Alger. Son écriture est saine, sincère, vraie, lumineuse.Un miracle. Donc, j'ai eu à reconstituer cette cellule où Anna a été incarcérée. J'ai rencontré des gens qui y ont vécu. La poétesse Lamis Saïdi, présentant Anna Greki, soulignera : «J'ai découvert un texte géant concurrençant n'importe quelle poésie universelle, de haute qualité. Où elle se réfère à Charles Baudelaire, Aimé Césaire…Dans le deuxième ouvrage, Temps fort, publié en 1966 à titre posthume, on sent un travail de recherche du style. Sa poésie mérite d'être traduite en arabe. Il faut rééditer Algérie, capitale Alger et Temps fort… ». Des extraits issus de Temps fort et Algérie, capitale Alger ont été déclamés par Lamis Saïdi et Abderahmane Djelfaoui. Et le musicien Bhar Bensalem a accompagné ce récital de poésie avec un intermède mélomane en reprenant Oued Chouli tout un symbole de la cause révolutionnaire, de Novembre 1954.