La société civile marocaine se mobilise pour le Rif dont la population manifeste depuis sept mois contre la pauvreté et la marginalisation. Des milliers de personnes dont des militants de partis politiques et d'associations de la société civile sont sortis dimanche dans la rue à Rabat, la capitale du Maroc, pour dénoncer la «hogra» (l'injustice), réclamer la libération des détenus du Hirak du Rif et crier leur ras-le-bol face à la marginalisation et la privation des populations de la région du Rif de leurs droits fondamentaux. Des milliers de personnes ont afflué vers Bab El Had peu avant midi, point de ralliement et de départ de la manifestation à Rabat. Le cortège s'étendait sur près d'un kilomètre, sur l'avenue Mohammed V, principale artère de la capitale, jusqu'à la place Bab El Had, à la lisière de la médina. Des slogans hostiles à l'Etat marocain ayant rythmé pendant des mois les manifestations d'Al Hoceïma, à Nadour et ailleurs au Maroc, ont été scandés dès le début de la manifestation. D'autres pancartes et banderoles sur lesquelles était écrit : «vive le peuple», «Liberté, dignité, justice sociale», «Libérez les prisonniers» et «Vive le Rif», ont été brandies par les manifestants. Nombre de ces derniers brandissaient le portrait de Nasser Zefzafi, leader emprisonné du Hirak, le mouvement de contestation populaire du Rif. Des familles des détenus, les parents du leader Zefzafi ont également participé à la manifestation. Ils ont pris un moment la tête de la manifestation, qui se voulait une marche «nationale» de «solidarité» avec le Rif et «contre la hogra et la marginalisation». Selon les représentants du parti Justice et bienfaisance, (Al adl wal ihsane, pas légal mais toléré par les autorités), l'une des organisations à l'origine du rassemblement, ils étaient «un million» à prendre part à cette «marche historique». Sur les réseaux sociaux, des journalistes marocains indépendants ont estimé la participation à «plusieurs dizaines de milliers» de personnes. Une source au ministère de l'Intérieur marocain a, pour sa part, fait état de 12 000 à 15 000 participants. Plusieurs organisations avaient appelé à ce rassemblement : Justice et bienfaisance, des partis de gauche et d'extrême gauche, défenseurs des droits de l'homme, des militants de la cause amazighe et activistes du 20 Février, fer de lance des événements de 2011. Al Hoceïma est l'épicentre du hirak (La mouvance), le mouvement populaire qui revendique depuis les droits fondamentaux du Rif. Une région livrée aux aléas du sous-développement, délaissée par le pouvoir, et dont la population a de tout temps dénoncé son exclusion des programmes de développement local. Ses principaux meneurs, dont leur leader Nasser Zefzafi, sont arrêtés depuis le 29 mai, d'où l'exacerbation de la colère des Rifains et le large élan de solidarité avec ce mouvement revendicatif. Selon les derniers chiffres officiels, 86 personnes ont à ce jour été présentées à la justice, dont une trentaine ont été placées en détention préventive. Elles sont accusées notamment d'«atteinte à la sécurité intérieure» du Maroc. Selon la presse marocaine, les familles des détenus viennent, par ailleurs, de créer un collectif de suivi dont l'objectif principal est «la libération de tous ces détenus». Devant la crainte d'une déflagration générale, Mohammed VI a dépêché hier une délégation gouvernementale à Al Hoceïma. La délégation, conduite par le ministre de l'Intérieur Abdelouafi Laftit, a tenu à la mi-journée avec des responsables de la région une réunion de travail consacrée à la «problématique de l'eau», à la construction locale d'un projet de barrage et d'une usine de dessalement. La réunion s'est déroulée également en présence de la secrétaire d'Etat Charafat Afilal, du gouverneur de la région Nord, Mohamed El Yaakoubi, et du président de cette même région, Ilyas El Omari. Il s'agit de la seconde visite de ce genre en moins d'un mois à Al Hoceïma. Pour répondre aux revendications exprimées dans la rue, l'Etat marocain a relancé ou accéléré tout un catalogue de projets d'infrastructures et de relance de l'économie locale. Cela suffira-t-il à calmer la population du Rif ?