Dans la perspective du vote prévu le 16 janvier courant au Parlement européen sur le projet d'accord UE-Maroc visant à étendre les préférences tarifaires aux produits agricoles originaires du Sahara occidental occupé, une centaine d'eurodéputés de divers horizons politiques, ont déposé le 9 janvier 2019 une proposition de résolution par laquelle ils demandent au président du Parlement européen «de prendre les mesures nécessaires» à l'effet d'obtenir un avis de la Cour de justice de l'Union européenne sur ledit projet d'accord. «Le Parlement européen décide de demander l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur la compatibilité du projet d'accord UE-Maroc (amendement de l'accord agricole) avec les traités de l'Union et l'arrêt de la CJUE du 21 décembre 2016», peut-on lire dans cette proposition de résolution. Ce projet de résolution, qui rappelle, qu'en vertu de l'article 21 du traité sur l'Union, l'UE et ses Etats membres sont tenus de respecter les principes de la Charte des Nations unies, dont le respect du principe d'autodétermination des peuples, estime «qu'il existe une incertitude juridique quant à la compatibilité de l'accord proposé avec les traités et en particulier avec l'arrêt de la CJUE du 21 décembre 2016» et note, notamment, qu'il «n'est pas possible d'établir avec certitude que les mesures prises par la Commission répondent à l'obligation faite par la Cour concernant le consentement du peuple du Sahara occidental». Cette proposition de résolution fera l'objet d'un vote à Strasbourg le 16 janvier courant, préalablement au vote prévu le même jour sur la résolution de la Commission du commerce international du Parlement européen (Rapport Schaake ou ex-Lalonde), qui donne son consentement à la conclusion de l'accord UE-Maroc. Si cette proposition est adoptée, signale l'APS qui rapporte l'information, elle impliquera automatiquement la suspension de toute la procédure au niveau du Parlement européen, le temps que la CJUE se prononce sur le sujet et donne son avis. La même source rappelle par ailleurs que le service juridique du Parlement européen a également émis, dans son avis du 13 septembre 2018, «des doutes sur la conformité de la proposition d'amendement de l'accord d'association UE-Maroc aux exigences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2016», notamment en ce qui concerne l'impératif du consentement du peuple sahraoui, comme l'exige la Cour. D'ailleurs, la nouvelle rapporteuse de la Commission du commerce international (INTA) elle-même, Marietje Schaake, vient de déposer un amendement, portant sur son propre rapport, et dans lequel elle «demande à la Commission d'explorer les moyens par lesquels les préférences commerciales peuvent être effectivement accordées à l'avenir à la totalité du peuple vivant au Sahara occidental». Cet amendement, estime une source proche du dossier, «détruit à lui seul ce projet d'accord, en reconnaissant que ce dernier ne couvre que la partie du Sahara occidental occupée par le Maroc et ne bénéfice donc pas à tout le peuple sahraoui, contrairement à ce que prétend la Commission européenne, ce qui équivaut à une reconnaissance explicite du caractère bancal d'un accord très mal engagé». En effet, il convient de noter aussi que nombre d'eurodéputés affiliés à différents groupes politiques, dont le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D), deuxième force politique de l'hémicycle européen, ont émis des doutes et n'ont cessé de plaider, tout au long de l'année écoulée, pour recueillir l'avis de la CJUE, avant d'entériner l'accord au niveau du Parlement. Les socialistes du Parlement européen sont d'ailleurs plus que divisés sur la question, notamment à la suite de l'avis du service juridique du Parlement européen et à l'approche du vote de la semaine prochaine. L'un de ses membres les plus influents, l'italien Pier Antonio Panzeri, président de la sous-commission des droits de l'homme (DROI) et ex-président de la délégation Maghreb (DMAG), vient d'ailleurs de cosigner un amendement déposé par le groupe des Verts/ALE, à travers lequel l'approbation du Parlement européen au projet d'accord avec le Maroc est conditionnée notamment par la mise en place d'un mécanisme de traçabilité fiable permettant d'identifier clairement les produits originaires du Sahara occidental, et ce, en total respect de la législation de l'UE en matière de douanes et de protection des consommateurs.