Après la révision des taux de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), portés à 19% et à 9% en version réduite, effective depuis janvier 2017, le nouvel Exécutif montre une velléité de s'attaquer à l'impôt sur le revenu et la taxe sur le patrimoine. Ainsi, depuis le début de la crise, la fiscalité ordinaire fait objet d'un intérêt particulier chez le législateur et se pose en levier de gestion face à la baisse des ressources de la fiscalité pétrolière. Dans son plan d'action qui sera présenté aujourd'hui aux députés issus de la nouvelle législature, le gouvernement propose de nouvelles réformes fiscales, dont le but est de faire bondir de 11% annuellement les recettes de la fiscalité ordinaire. A terme, l'objectif serait de parvenir à une couverture des dépenses de fonctionnement par les revenus de la fiscalité ordinaire. Ainsi, il est prévu essentiellement de réviser les bases d'imposition de l'impôt sur le patrimoine et la révision des barèmes et des taux d'imposition de certains impôts « en vue de les adapter au niveau du revenu de chaque contribuable, dans une logique d'équité et de justice sociale ». En décodé, l'Exécutif s'attaquerait désormais aux revenus et au patrimoine par le moyen d'une réécriture comptable qui interviendrait probablement dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de finances. La question qui se pose est celle de savoir si le nouvel Exécutif va réussir où ses prédécesseurs ont échoué ? Il compte réintroduire une vieille disposition qui consiste à taxer les plus riches, une mesure mise en veille depuis plus d'une vingtaine d'années sous le coup des résistances et des pressions. Les précédents gouvernements y avaient renoncé également faute de moyens humains et logistiques. La volonté n'y était pas aussi. La dernière tentative en date remonte à 2012. Le législateur avait proposé de réintroduire l'impôt sur la fortune dans la loi de finances de 2013, mais les débats de cette loi budgétaire se sont soldés par un rejet catégorique de cet impôt par les députés. La loi de finances 2018 verra probablement la réintroduction de l'impôt sur le patrimoine par le moyen d'une loi qui reprendrait les notions existantes avec, comme nouveauté, la révision des bases d'imposition. L'activation de cet impôt pose néanmoins l'énigme de son efficacité sur le terrain, surtout lorsqu'on sait que l'informel pèse pour 45% du Produit national brut (PNB). Le chiffre fait référence à une enquête récente de l'Office national des statistiques (ONS). Un rapport arithmétique de deux valeurs ; celle du PNB national et la part de l'économie souterraine fait ressortir un équivalent vénal de plus 124 milliards de dollars. Ainsi, des difficultés liées à la traçabilité des fortunes et à leur évaluation peuvent justifier la complexité de cette révision fiscale sur laquelle penche le gouvernement. Ce dernier, à moins d'une révision claire et contraignante, ne dispose ni d'une échelle d'évaluation exacte de ce qui serait une grosse fortune, encore moins d'effectifs capables de faire appliquer la loi. La volonté de l'Exécutif de taxer les grosses fortunes mérite néanmoins louanges et adoration, bien que son application sur le terrain dépend de plusieurs variables et conditions, dont l'assainissement de la sphère commerciale, la modernisation de l'administration fiscale et l'interconnexion des institutions, etc. Dans son plan d'action, l'Exécutif promet de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, de l'accélération de la modernisation de l'administration fiscale par la généralisation de l'introduction de la gestion électronique de l'impôt. Le gouvernement dit également vouloir renforcer les règles régissant le recouvrement de l'impôt et l'amélioration du recouvrement fiscal notamment de la TVA ainsi que la révision d'un certain nombre d'exemptions fiscales. La feuille de route du gouvernement Tebboune fait allusion à une refonte progressive de la politique des subventions fiscales et des exonérations dont bénéficient plusieurs contribuables parmi les personnes morales. Il n'est pas exclu que la prochaine loi budgétaire verra l'introduction de nouvelles taxes et la révision à la hausse des taux d'autres impositions. Le gouvernement veut sécuriser les dépenses de fonctionnement par le moyen d'une optimisation des ressources de la fiscalité ordinaire. Mais un point est susceptible de choquer, en taxant davantage les bons contribuables parmi les consommateurs et les entreprises, le gouvernement risque un retour de flammes si les fortunes de la sphère invisible de l'économie venait à être à nouveau exemptes de cette nouvelle pression fiscale qui pointe à l'horizon. L'avenir dira jusqu'où ira le gouvernement dans son œuvre de révision fiscale. Le principe de justice devant l'impôt doit être une constante.