Selon les experts, cette décision devrait servir à l'avenir de référence pour la coopération entre les Etats et la CPI. Et elle mettra en lumière son incapacité à fonctionner sans le soutien de ses Etats membres et l'appui du Conseil de sécurité de l'ONU. Car la Cour, fondée en 2002, ne dispose pas de force de police propre pour arrêter les suspects qu'elle recherche. «La chambre conclut que (…) l'Afrique du Sud n'a pas respecté la requête de la Cour d'arrêter et de remettre Omar El Béchir», a déclaré le juge Cuno Tarfusser, «empêchant ainsi la Cour d'exercer ses fonctions (…) en lien avec les procédures criminelles instituées contre le président soudanais». Les juges ont toutefois refusé de renvoyer l'affaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU, qui avait saisi en 2005 la CPI au sujet de la situation au Darfour, ni devant l'Assemblée des Etats parties au Statut de Rome, traité fondateur de la Cour basée à La Haye. La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, peut maintenant décider ou non de faire appel de cette décision. Jamais inquiété jusqu'à présent, Omar El Béchir est visé par deux mandats d'arrêt internationaux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au Darfour, province de l'ouest du Soudan en proie depuis 2003 à une guerre civile qui a fait 330 000 morts, selon l'ONU. Une âpre bataille judiciaire sévit entre Pretoria et la CPI depuis qu'à la mi-juin 2015, les autorités sud-africaines ont laissé Omar El Béchir rentrer chez lui après sa participation à un sommet de l'Union africaine à Johannesbourg. En permettant à son avion de décoller d'une base militaire, le gouvernement, qui avait l'occasion de l'arrêter, «a choisi de ne pas le faire», avait affirmé l'accusation en avril devant la CPI. Or, selon les avocats de Pretoria, «il n'est et n'était pas du devoir de l'Afrique du Sud, aux termes du droit international, d'arrêter le chef en exercice d'un Etat non membre (de la Cour) comme M. El Béchir». Pacificateur Evoquant son «rôle de pacificateur sur le continent», le gouvernement sud-africain assure s'être retrouvé partagé entre le respect des règles de la CPI et celui de sa propre législation qui garantit l'immunité présidentielle. «La CPI est le seul moyen de vaincre l'impunité en Afrique», avait réagi en avril lors d'une audience inédite le juge sud-africain retraité Johann Krigler, représentant la Commission internationale des juristes. Selon les experts, cette décision «est fondamentale pour l'exécution future» des demandes de la CPI, avait déclaré Carsten Stahn, professeur de droit international en criminologie à l'Université de Leiden. La CPI envoie ainsi «l'important message que les Etats ne peuvent pas négocier (leurs) obligations en droit avec la Cour», avait dit Carsten Stahn, professeur de droit international en criminologie à l'Université de Leiden. Le président sud-africain Jacob Zuma a réitéré la semaine dernière les intentions de Pretoria de se retirer de la CPI, bien qu'en février la justice sud-africaine avait ordonné au gouvernement de revenir sur cette décision. Même si ses déplacements sont réduits, le président soudanais continue de voyager dans certains pays sans être inquiété. Khartoum a d'ailleurs annoncé lundi qu'il se rendrait à Moscou pour la première fois en août en réponse à l'invitation de son homologue russe, Vladimir Poutine. Moscou a annoncé en novembre son intention de retirer sa signature du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI que la Russie n'avait toutefois jamais ratifié. Un âpre conflit sévit entre Pretoria et la CPI depuis qu'à la mi-juin 2015, les autorités sud-africaines ont laissé Omar El Béchir rentrer chez lui après sa participation à un sommet de l'Union africaine à Johannesbourg.