La preuve, la Cour pénale internationale (CPI) a appelé hier les autorités sud-africaines à arrêter le président soudanais et à le lui livrer sans attendre. Omar El Béchir participe aux travaux du 25e sommet de l'Union africaine (UA) qui se tient actuellement à Johannesburg. La demande de la CPI intervient après qu'un tribunal, saisi par une ONG locale, ait ordonné à Pretoria de ne laisser le président soudanais quitter l'Afrique du Sud qu'une fois qu'il se sera prononcé sur la requête de la CPI. Deux mandats sont, rappelle-t-on, lancés par la CPI contre le président soudanais. Les deux sont en relation avec le conflit du Darfour où plus de 300 000 personnes sont mortes depuis 2003. Le chef de l'Etat soudanais va-t-il donc se faire passer les menottes ? Peu probable, estiment certains observateurs. La raison essentielle tient au fait que le gouvernement sud-africain a accordé l'immunité à tous les dirigeants et délégués africains présents au sommet de l'UA. A ce propos, l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux Pays-Bas avait donné un aperçu, vendredi, de ce que sera la décision de Pretoria. Il a rétorqué à la CPI qui demandait déjà par écrit la tête de Omar El Béchir que son pays se trouvait face à des «obligations concurrentes» et que la loi «manquait de clarté». Une manière bien diplomatique de dire que Pretoria n'arrêtera pas Omar El Béchir. Double immunité De son côté, le gouvernement soudanais ne semblait pas, hier, particulièrement inquiet de l'appel de la CPI. «M. El Béchir rentrera à Khartoum une fois terminée la principale session (du sommet, ndlr)», a précisé le ministre des Affaires étrangères, Kamal Ismaïl. «Jusqu'ici, tout se déroule normalement et Son Excellence le président ne court aucun risque», a-t-il insisté lors d'une conférence de presse. Histoire de narguer la CPI, Omar El Béchir a posé au premier rang pour la photo de groupe des chefs d'Etat réunis pour cette occasion ; il était d'ailleurs non loin du président sud-africain. Bref, il est certain que le chef de l'Etat soudanais ait reçu des assurances de la part de Jacob Zuma, le président sud-africain, qu'il ne lui arriverait rien bien avant même de rallier Johannesburg. Le contraire aurait été très surprenant, surtout de la part d'un chef d'Etat qui se sait attendu au tournant par la CPI. Il reste quand même intéressant de voir comment Jacob Zuma s'y prendra pour convaincre la justice sud africaine — qui est connue pour être l'une des plus indépendante du continent — de fermer l'œil sur le cas El Béchir. Se laissera-t-elle faire ? Pour justement mettre la pression autant sur les épaules du gouvernement sud-africain que sur sa justice, le président de l'Assemblée des Etats parties à la CPI, Sidiki Kaba, a exprimé «sa profonde inquiétude quant aux conséquences négatives pour la Cour dans le cas de non-exécution des mandats», selon le communiqué de la Cour. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est probablement pas l'UA qui ira à la rescousse de la CPI qui s'est spécialisée ces dernières années dans la chasse aux présidents africains. Une situation dénoncée avec véhémence autant par l'UA que par de nombreux pays du continent qui la considèrent comme une «instance néocolonialiste dirigée par des puissances occidentales qui n'en sont même pas membres et offrant une justice à deux vitesses». En Afrique et lors des rendez-vous l'UA, Omar El Béchir peut donc dormir sur ses deux oreilles.