L'épopée spectaculaire de cette formation de stratégie révolutionnaire algérienne, avec l'équipe de football du FLN historique, a été un séisme politique pour le gouvernement français de l'époque, stupéfié dans le désarroi par le départ massif des artistes populaires de renom et des prestigieuses vedettes de la balle ronde des grandes équipes de la métropole d'antan, qui, à l'appel de la patrie en lutte, ont quitté la capitale française au nez et à la barbe des services de sécurité, déjouant ainsi leurs filatures et stratagèmes afin de rejoindre Tunis-ville, sanctuaire de la Guerre de Libération nationale pour en devenir ses ambassadeurs à travers le monde dès le mois de mars 1958. Jeune épouse adolescente du célèbre chanteur chaâbi H'cicene, âgée de 18 ans, E'lla Ghania a été la compagne de vie et de résistance de ce moudjahid de la cause nationale décédé le 29 septembre 1958 à l'âge de 29 ans et enterré à Tunis, dont la dépouille a été rapatriée et réinhumée dans la tombe de sa mère 54 ans plus tard, à Alger, au cimetière d'El Kettar, le 29 septembre 2012,un vœu sacré de la défunte enfin exaucé. Triptyque d'un surréalisme numérique du chiffre 29 en rotation cyclique dans la destinée humaine de Cheikh H'cicene : né en 1929 à La Casbah d'Alger, décédé à l'âge de 29 ans à Tunis, un 29 septembre 1958. Cette infatigable battante physiquement, toute menue, a vu son destin chavirer lorsque son époux, activement recherché par la police française, lui annonça un départ précipité un jour d'automne de l'année 1956 en l'adjurant de ne rien révéler à son père et à sa mère, dont il était le fils unique, à dessein de les rassurer dans le secret absolu que son absence ne serait que conjoncturelle et momentanée. Ceux-ci constituaient l'assise traditionnelle de la couvée familiale sous le même toit avec la jeune Ghania qui avait 3 enfants, Mustapha, Yacine, respectivement âgés de 2 ans, d'une année, et Fadéla, un nourrisson de 3 mois. C'est dans ces terribles conditions d'un atroce déchirement de séparation cruelle que cette courageuse jeune femme de devoir assura dignement et tenacement la lourde mission qui était la sienne en une fidélité de serment à son époux. Elle s'y investira pleinement avec une conviction de lutte pour accomplir tous les efforts et sacrifices indispensables à l'équilibre de la petite famille et à l'épanouissement de ses enfants encore bébés. De la longue absence de H'cicene jusqu'à l'annonce foudroyante et officielle de son décès au cours du mois d'août 1962 par ses compagnons de lutte, parmi lesquels le talentueux percussionniste Allilou, qui lui ramenèrent quelques effets personnels et son légendaire mandole, E'lla Ghania endura un parcours jalonné d'épreuves, dont la plus terrible était d'assister dans les affres de leur détresse des parents éplorés, inconsolables et consumés par la douleur lancinante de la perte de leur unique fils, continuellement évoqué et traduit avec l'adage pathétique populairement très usité en société algérienne selon l'expression «aïn ouehda» (œil unique) signe d'un amour filial intense et d'un ultime espoir de descendance générationnelle pour la famille. Lorsqu'elle a tenu à nous dérouler ce fragment de mémoire au cours des visites habituelles que nous lui rendions à son domicile, cette dame-courage, qui a su surmonter tant d'épreuves parsemées d'écueils et d'angoisse, suscita grandement notre admiration pour son énergie et ses capacités de résistance, de foi et d'abnégation exceptionnelles. Nous l'avons bien connue en notre Association et aimée d'abord pour son authentique personnalité d'algérianité incarnée dans la symbolique du haïk algérois de raffinement et d'élégance, dont elle n'a pu se départir jusqu'à sa mort. Ensuite pour sa gentillesse, sa rectitude, sa simplicité et son amour viscéral pour l'Algérie, qui, selon sa maxime favorite, demeurera à l'éternité d'une grandeur historique façonnée par les meilleurs de ses enfants qui ont consenti le sacrifice suprême par le don de soi en legs victorieux aux générations montantes d'une patrie libre et indépendante dans l'honneur et la dignité reconquis. L'imposante foule qui l'a accompagnée à sa dernière demeure, au cimetière Sidi Yahia, s'est voulu être l'émanation de la popularité et de la reconnaissance fortement témoignées à l'égard de l'épouse veuve de Cheikh H'cicene, en une marque d'immense considération et de respect solennels inclinés en direction de leur mémoire commune de solidarité et de combat. Malade, atteinte d'une déficience cardiaque depuis de longues années, elle était régulièrement traitée dans un hôpital spécialisé à Paris, où elle se rendait fréquemment chez sa fille, anciennement établie dans cette ville et qui assurait l'évolution de son suivi médical. Epuisée par tant de tourments endurés pendant la Guerre de Libération nationale et la tragédie de la mort de son époux, elle a rendu l'âme une semaine après son retour de Paris, victime d'un AVC fatalement irréversible, pour rejoindre son illustre compagnon de vie, H'cicene, et reposer pour l'éternité tous deux en cette douce terre d'Algérie qu'ils ont tant aimée. En cette circonstance particulièrement douloureuse, l'ensemble des membres de notre Association et ses nombreux sympathisants tiennent avec affection et soutien à s'associer dans une profonde compassion à la famille Larbi, et particulièrement ses enfants, Mustapha, Yacine et Fadéla, l'ange gardien, toute dévouée pour la quiétude de sa maman, qu'elle assista jusqu'à son dernier souffle. Grande dame de devoir, stoïque, courageuse et digne, telle fut la regrettée E'lla Ghania, dont nous garderons un souvenir impérissable des valeurs humaines d'une génération de femmes algériennes, dont la forte empreinte s'érigera indélébilement comme un repère pour la jeunesse future et la postérité. Qu'Allah le Tout-Puissant puisse accueillir dans la Miséricorde en Son Vaste Paradis la vaillante défunte, dont l'exemple de sacrifice et d'abnégation sera perpétué en une pieuse pensée par ceux qui, très nombreux, l'ont connue et aimée. «A Dieu, nous appartenons et à Lui nous retournons.»