Il était l'aède des mots. Le troubadour chenu du verbe. Le poète altier de la chanson française. Ce chanteur aux cimes des légendes universelles. Jean Ferrat, l'auteur mythique de La Montagne est décédé samedi, à l'hôpital d'Aubenas (Ardèche, sud de la France), à l'âge de 79 ans. Il souffrait d'un cancer. Prolixe, auteur d'une riche discographie de plus de 200 titres notamment les immortelles chansons Ma Môme, Nuit et brouillard, Potemkine, Aimer à perdre la raison ou C'est beau la vie, Jean Ferrat était un monument. Ainsi, s'en est-il allé rejoindre au « Panthéon », les Trénet, Brassens, Vian, Mouloudji, Gainsbourg...Ce cercle des poètes disparus ! Un chanteur humble, discret, loin des feux de la rampe, rebelle et épousant l'idéal communiste. Il célébrera son pays d'adoption et de cocagne, l'Ardèche et son fameux, « mat » bucolique de par son titre-phare La Montagne, rendra hommage à Louis Aragon à travers La femme est l'avenir de l'homme, déclarera et déclamera sa flamme à la gent féminine avec délicatesse et se montrera plutôt utile et pas du tout « futile et léger » comme dirait France Gall dans conception musicale en lui conférant une texture engagée aux valeurs cardinales universelles à l'écoute de ses semblables et de la détresse humaine. Et puis, ses coups de gueule et cœur rhapsodiques ceux d'un Jean Ferrat au caractère entier et trempé. A l'instar de textes tels que Nuit et Brouillard (1963), rappelant les horreurs de la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, une chanson non diffusée par les radios, puis Potemkine (1965), à la gloire des marins du cuirassé de la mer Noire dont la mutinerie fut le prélude de la révolution russe de 1905, qui fut interdite d'antenne. Compagnon de route du Parti communiste français (PCF), sans jamais en avoir été membre, il affirme haut et fort ne pas tout accepter du parti. Ainsi ses chansons Camarade qui dénonce l'invasion de Prague en 1968 par les troupes du Pacte de Varsovie, ou Bilan en réponse au « bilan globalement positif » dressé par le PCF sur les pays de l'Est. Né Jean Tenenbaum, le 26 décembre 1930 à Vaucresson (banlieue parisienne), Jean Ferrat avait perdu à l'âge de 11 ans son père, juif émigré de Russie en 1905 et mort en déportation à Auschwitz. Il fut sauvé grâce à des militants communistes, ce qu'il n'oubliera jamais. A la Libération, il quitte le lycée pour aider sa famille et devient aide-chimiste jusqu'en 1954, date à laquelle il passe ses premières auditions dans des cabarets parisiens. La montagne n'a pas accouché d'une souris mais d'un menestrel de la place des grands hommes ! A.F.P., K. S.