Il ne reçoit qu'à de rares occasions et les chefs d'Etat étrangers ont pratiquement cessé de lui rendre visite depuis plusieurs mois. L'annulation de la visite d'Angela Merkel et le report sine die d'une hypothétique visite du président français, Emmanuel Macron, matérialisent cette absence du Président sur la scène diplomatique internationale. Si ces ratés de l'activité présidentielle sont désormais connus de tous et sont entrés dans les mœurs du pouvoir algérien, d'autres activités non accomplies par le chef de l'Etat sont moins apparentes. C'est le cas de ces dizaines de diplomates étrangers qui attendent, pour certains depuis des années, de présenter leurs lettres de créance au chef de l'Etat pour pouvoir exercer normalement dans le pays. «Cela fait plus d'une année que je suis en poste à Alger et je n'ai toujours pas rencontré le Président», indique l'ambassadeur d'un grand pays européen. Notre diplomate, qui a évidemment requis l'anonymat pour ne pas créer de crise entre son pays et le nôtre, rappelle qu'il a présenté des «copies des lettres de créance» au chef de la diplomatie algérienne. Mais cela ne suffit pas. «Je travaille normalement pour la gestion des affaires courantes. Mais je ne peux pas rencontrer le chef d'Etat», indique notre interlocuteur. «Si le problème ne se pose pas forcément dans la gestion des affaires courantes, l'ambassadeur ne peut pas rencontrer le président de la République», précise un ancien diplomate algérien. «Mais puisque le chef de l'Etat ne reçoit personne, le problème ne se pose pas», ironise notre interlocuteur. Comme le diplomate évoqué plus haut, ils sont une quarantaine d'ambassadeurs dans le même cas. «Il y a au moins 42 ambassadeurs qui n'ont pas rencontré le chef de l'Etat», précise un ancien ministre, qui ajoute que «certains ambassadeurs sont venus, puis sont repartis sans rencontrer le président de la République». Parmi les ambassadeurs qui n'ont pas pu remettre leurs lettres de créance il y a ceux qui représentent de grandes puissances. C'est le cas de la France, des Etats-Unis, de la Russie, la Pologne, l'Espagne, la Belgique et d'autres encore. La question est encore plus compliquée pour les ambassadeurs qui ont leur résidence à Alger mais qui sont accrédités dans d'autres pays. Certains représentent le Niger, le Tchad, le Burkina Faso ou le Mali. Or, s'ils n'ont pas présenté leurs lettres de créance au président algérien, ils ne peuvent donc pas non plus rencontrer les chefs d'Etat des autres pays dans lesquels ils sont accrédités. Si l'absence de présentation des lettres de créance (qui comportent notamment une demande officielle du président du pays d'origine de l'ambassadeur au chef de l'Etat du pays d'accueil) n'empêche pas l'ambassadeur de travailler, même s'il ne peut pas rencontrer le chef d'Etat du pays qui le reçoit, cela est contraire aux usages diplomatiques. Conformément à la Convention de Vienne qui détermine les relations diplomatiques entre les Etats, tous les chefs d'Etat, présidents, monarques ou autres inscrivent la réception des lettres de créance dans leur agenda. Ainsi, la Reine d'Angleterre «reçoit chaque semaine le Premier ministre et des ambassadeurs», révèle un ancien ambassadeur qui raconte d'ailleurs, pour l'anecdote, qu'Elizabeth II, aujourd'hui âgée de 92 ans, se fait accompagner par son chien à chacune des cérémonies qui ne durent d'ailleurs que quelques minutes. En revanche, du temps où il avait toutes ses facultés physiques, Abdelaziz Bouteflika avait consacré 3 heures d'audience à un ambassadeur d'un pays voisin.