Sihem, Yacine, Raja et Mourad ont au moins un point commun : ils sont jeunes. Au vu de leur âge (ils ont entre 23 et 38 ans), ils n'ont évidemment pas connu les affres du colonialisme. Si le sigle FLN signifie encore beaucoup pour nos aînés qui ont vécu la guerre de Libération nationale, et qui gardent une certaine « nostalgie » du FLN historique, ce n'est pas vraiment le cas de la génération « Facebook ». Dans l'imaginaire des plus jeunes, le parti de Belkhadem n'est qu'un appareil politique « fossile ». C'est ce qui ressort en tout cas de ce petit « vox populi » qui, pour partiel qu'il soit, n'en reflète pas moins une image assez juste du FLN vu du bas. Florilège… Yacine, 23 ans, étudiant en sciences politiques : « Le FLN doit sortir des archives » « Pour moi, le FLN demeure un sigle très présent dans la mémoire collective, mais il lui faut du sang neuf. Il doit vite se mettre aux nouvelles technologies, et doit surtout soigner sa stratégie de communication. C'est très important pour la modernisation de ce parti. Le FLN a libéré le pays, OK, mais maintenant, il libère qui ? Le FLN, ça reste quand même le symbole du nationalisme. Mais, curieusement, le nationalisme revient surtout par le canal du foot. La qualification au Mondial a été vécue comme une deuxième indépendance et il est apparu que l'EN mobilise plus que le FLN. C'est spectaculaire ! Cela dit, le FLN conserve une valeur authentique. Et pour qu'il retrouve son lustre d'antan et qu'il recouvre la place qu'il avait dans le cœur des Algériens, il faut qu'il soit plus attractif pour capter l'attention des jeunes surtout et les intéresser de nouveau à la politique. Il faut qu'il revoit son idéologie, son image, son look, tout. Il doit renouveler ses têtes d'affiche et rafraîchir son discours. Personnellement, je ne pense pas qu'il faille ranger le FLN au musée. Au contraire, le FLN doit continuer sa mission. S'il a travaillé pour le passé, il doit maintenant travailler pour le futur. Le FLN doit sortir des archives. » Sihem, 24 ans, étudiante en médecine : « C'est l'archétype du parti caduc » « L'histoire se charge de nous rappeler le glorieux exploit du parti et de sa branche armée, l'ALN. L'Histoire, encore elle, dépeint en long et en large la stratégie du FLN pour rester au pouvoir. Aujourd'hui, la famille révolutionnaire se rend à l'évidence que la « lassitude » est l'antidote de la « peur » et que le peuple ne carbure plus au malheur. Pis encore, il est devenu exigeant en matière de qualité de vie et de droits, en témoigne la multitude de mouvements de grève dans les différents secteurs. En résumé, il ne reste plus grand-chose du FLN victorieux d'après-guerre dans l'imaginaire collectif. Restent les moyens de propagande pour marteler à la population les temps glorieux du parti et tenter de faire oublier les principaux traits du FLN actuel : corruption, népotisme, « xyloglossie » (langue de bois, ndlr), « logocratie » et frivolités en tous genres. Maintenant, pour ce qui est de la muséification ou non du FLN, il faudra d'abord arracher la reconnaissance de la pleine responsabilité du régime dans les crimes commis contre la population, en général, et la jeunesse, en particulier, tout au long de ses années de règne sans partage. En attendant, le FLN reste à mon sens, l'archétype du parti caduc, opportuniste et antiproductif qui se nourrit de « l'abcès » post-traumatique de l'Algérie. » Mourad, 38 ans, enseignant : « Le vieux parti doit présenter ses excuses au peuple algérien » « Le FLN, qui est censé aujourd'hui être le patrimoine commun du peuple algérien, a travesti ce glorieux sigle et en a fait un vulgaire comité de soutien à Bouteflika. Ces trois lettres sont pour beaucoup d'Algériens synonymes de gabegie, de corruption, d'anti-kabylisme primaire. Le sigle FLN, symbole du combat héroïque mené contre l'occupant français, est devenu une célèbre « griffe » associée à la rapine et au « béni-oui-ouisme ». Après avoir servi le peuple algérien et sa cause, le FLN se voit vider de sa substance révolutionnaire et devient un conglomérat d'apparatchiks. Une secte d'apprentis dictateurs qui anime le système politico-administratif qui nous tient lieu de pouvoir depuis 1962. Belkhadem, le barbefln, véhicule à lui seul l'image d'un FLN rétrograde et fossilisé. L'Algérie de la modernité et du progrès gagnerait à s'alléger du FLN. Jusqu'à présent, ni les émeutes de 88 ni même celles de 2001 n'y sont parvenues. Le FLN demande à la France de présenter ses excuses pour la période coloniale et d'indemniser le peuple algérien. Les chefs successifs de ce parti devront à leur tour présenter leurs excuses au peuple algérien pour tous les malheurs qu'ils lui ont fait subir de l'indépendance à nos jours ! » Raja, 30 ans, biologiste : « Pourvu qu'Algérie Télécom ne me coupe pas le Net ! » « Le FLN représente pour moi ces jeunes idéalistes qui ont décidé de prendre les choses en main et de dire stop au colonialisme, stop à l'Algérie française, qui voulaient avoir des droits en tant que citoyens algériens, et qui ont pris les armes avec, à la clé, une stratégie qui a apporté une belle indépendance en 1962. Je pense que c'est après que les choses se sont compliquées. Cela a donné l'Algérie que l'on connaît, avec son lot de malheurs. Après 1988, le FLN s'est fait tout petit face au multipartisme, tout en créant des partis clones faisant mine de constituer une opposition. Il faut dire que les gens du FLN ont réussi dans leur stratégie car ils ont fait du peuple algérien un peuple sans avis critique, qui parle de la cherté de la vie ou du foot sans se demander pourquoi certaines choses sont cachées par « el mhatma » (l'ENTV) et d'autres surmédiatisées. Bref, je ne crois plus à ce pouvoir mafieux, FLN ou autre. J'ajouterai une dernière chose : le jour où je sentirai un « wind of change » (vent du changement), ce jour-là, j'irai à la mairie pour me faire faire une carte d'électrice. Entre-temps, je préfère rester dans ma coquille en espérant qu'Algérie Télécom ne me coupe pas le Net... »