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Quand le Japonais Susumi Tanigushi épouse les valeurs algériennes
Algérie-Japon
Publié dans Liberté le 23 - 12 - 2008

Au Japon, beaucoup d'intellectuels se sont saisis de la question colonialiste, en particulier lors de la guerre d'Algérie. Parmi eux, ceux qui se réclament toujours des valeurs de Novembre et qui n'en sont pas à leur coup d'essai. Ils affichent encore un anticolonialisme total en ce sens qu'ils ont rejeté le système colonialiste dans ses fondements.
Dans ce présent article, je voudrais retracer l'itinéraire intellectuel d'un homme et des images qu'il a su développer à l'égard de l'Algérie. Il illustre par ailleurs la présence symbolique, mais non des moindres, de notre pays dans l'imaginaire nippon.
Cette contribution s'inscrit donc dans le cadre de l'amitié qui existe entre l'Algérie et ce pays ami, une amitié qui remonte à notre glorieuse guerre de Libération, fondée sur l'attachement aux valeurs de liberté, de justice et d'égalité. Il est de mon devoir, en tant qu'intellectuel, de montrer à l'occasion de l'anniversaire de l'Empereur Akihito et de la fête nationale du Japon, l'une des racines de cette amitié et de ce soutien pour l'Algérie, durant sa glorieuse révolution.
Depuis qu'il était étudiant, Susumi Tanigushi a fait parler de lui, notamment en répondant présent, au moment de l'installation au Japon du bureau d'Extrême-Orient de la délégation du FLN. Il est l'un de ceux qui connaissent les affres du colonialisme subis par le peuple algérien avec une âme des grands hommes. Il a donné l'exemple d'une vision de l'avenir algéro-nippon poursuivie avec une hauteur d'esprit et une énergie exceptionnelles. Retour sur ce personnage que les Algériens établis à Tokyo identifient volontiers comme l'un des leurs. À l'instar de ses anciens pairs, peu d'entre eux, hélas, sont encore en vie, Susumi Tanigushi, né en 1936 à Changchunen en Chine, exprime toujours le même sentiment, que celui exprimé en 1957, un sentiment fait de ferveur, de solidarité et d'abnégation pour les valeurs algériennes, refusant d'en oublier en toute occasion les idéaux de Novembre, ce qui l'a prédestiné, en tant qu'homme, intellectuel et militant des causes justes, à recevoir la médaille commémorative, à l'occasion du 50e anniversaire du déclenchement de la lutte armée par le gouvernement algérien en reconnaissance à tous ses actes de bonne volonté. À plus de cinquante ans de distance, S. Tanigushi continue d'incarner, avec son compatriote Utsunomiya, la figure de l'intellectuel engagé qui, placé dans la situation historique de l'Algérie, fait toujours appel à sa plume pour exercer sa liberté et rétablir les faits historiques. Comme le dit si bien un éclairé, reprenant l'expression de Pascal dans son fameux Pari : “À partir du moment où l'abstention elle-même est considérée comme un choix, puni ou loué comme tel (l'intellectuel), qu'il le veuille ou non, est embarqué.” C'est ce que nous tâcherons de mettre en lumière, à travers une brève rétrospective de l'itinéraire journalistique de S. Tanigushi. Si ses écrits en faveur de la révolution de Novembre sont rapidement devenus des classiques pour les Algériens, son engagement politique est, par contre, moins connu et a résisté moins bien à l'épreuve du temps, si l'on évacue la veille de certains diplomates. Mais ce n'est pas la valeur journalistique de son œuvre qui va ici retenir notre attention. Nous nous contenterons de les analyser sous un angle très particulier : celui de leur portée morale et historique. De cet itinéraire, il y a lieu de relever que Tanigushi ne s'est pas mis au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Sa seule justification est de parler et d'écrire, dans la mesure de ses moyens, notamment pour les Algériens qui n'ont pu le faire à l'époque à Tokyo.
Ceux parmi les Algériens qui l'ont rencontré, spécialement durant les années de lutte de Libération nationale le décrivent comme un intellectuel “dynamique, généreux, intelligent et affable”, guidé par ses seules valeurs culturelles, qui caractérisent, en somme, l'homme toute sa vie durant. Quand on lit ses essais politiques, ainsi que ses articles publiés dans le journal estudiantin et dans les annales de l'université, voire son mémoire de fin de licence, intitulé “L'aperçu historique de la guerre d'Algérie”, écrits tous en langue française, on n'hésite pas à le décrire comme un grand “stratège”. Un adjectif auquel nous ajoutons celui d'“humaniste”.
Lorsqu'il raconte sa vie, Tanigushi insiste sur le fait qu'il appartient à l'intelligentsia nipponne. Toute sa vie, il avait été proche des mouvements de libération. Il fut ainsi un militant émérite. Dès son jeune âge, il s'était retrouvé alors dans les réseaux du FLN à Tokyo. Outre ses antécédents intellectuels, Tanigushi a pour principale valeur humaine, la solidarité. Une valeur qu'il a puisée chez Albert Camus et des cris des damnés de la terre de Frantz Fanon. Ainsi, il avait choisi de vivre la souffrance des Algériens durant la lutte armée pour pouvoir vivre et témoigner. D'une part, Tanigushi y étudie la langue française pour mieux comprendre le sens commun français. D'autre part, il se voit plongé dans l'étude du système colonial français, par l'entremise d'Albert Camus et de Frantz Fanon. C'est ainsi qu'il est entré dans la noble corporation journalistique révolutionnaire. En raison de son enfance passée en Mandchourie et des expériences humaines qu'il a vécues, il est parmi ceux qui sont bien placés pour décrire l'exploitation coloniale. En effet, contrairement à Albert Camus, la révolte abstraite contre le système colonial, d'abord en Chine, ensuite en Algérie, a permis à Tanigushi, qui se définit comme un pied-noir japonais de Mandchourie, comme il aime le rappeler, de sauvegarder la flamme contestataire sans que celle-ci devienne meurtrière, et de témoigner en faveur de la vie. Il est vrai, faut-il le souligner, que son métier a amené plusieurs jeunes esprits nippons, nous citerons quelques-uns d'entre eux plus loin, à s'ouvrir à une réflexion sur la politique coloniale, puis à une prise de conscience menant à un engagement sans faille en faveur de la cause algérienne.
Quand il parle de lui-même, il se décrit comme “un simple journaliste-enseignant dans la vie, ni spécialiste ni chercheur des questions algériennes”. Un message qui se veut clair dans son énoncé comme dans la moralité qu'il comporte. C'est là d'ailleurs une conviction très forte chez Tanigushi qui a eu à défendre les valeurs nationales authentiques qui sont autant de repères pour approfondir les relations d'amitié avec le Japon. Son engagement politique et celui de sa femme Masako aux côtés de Abdelrahmane Kiouane et de Abdelmalek Benhabylès et ses responsabilités dans la rédaction du bulletin Algeria News, ont commencé, il y a exactement 51 ans, lorsqu'il a rencontré, à Tokyo, deux étudiants algériens (Choaïb Taleb et Moustapha Negadi, en l'occurrence), lors de la Conférence annuelle de Zengakuren (Union nationale des syndicats autonomes des étudiants japonais) au début du mois de juin 1957, qui sont venus au Japon plaider la cause algérienne. À 21 ans, alors qu'il était en troisième année à la faculté de la langue française de l'université de Tokyo des études internationales, le secrétariat de Zengakuren cherchait des étudiants qui pourraient servir gracieusement comme interprètes et accompagnateurs, notamment lors des visites d'information aux sièges des différents partis politiques et autres organisations nipponnes de l'époque. À ces yeux, raconte-t-il, l'Algérie signifiait l'Etranger d'Albert Camus. Il se rappelle encore maintenant comment il entonnait avec Choaïb Taleb et Moustapha Negadi Quassaman, pour la première fois au Japon devant les étudiants japonais. Comme beaucoup de ses collègues japonais, à l'instar de Nokuma Utsunomiya (député LDP, fondateur de la société Minofaguen), de Tokutaro Kitamura, député LDP, ancien ministre des Finances et président de la banque commerciale Shinwadont, de MM. Michihiko Suzuki, de Yukitatsu Kato, qui formaient le réseau local de la délégation du FLN à Tokyo, Susumo Taniguchi dira plus tard que son tournant professionnel et intellectuel a été la guerre de Libération de l'Algérie.
La suite de son parcours se lit d'une manière linéaire. Une rétroaction assez significative avec l'Algérie post-Indépendance s'est d'ailleurs produite au moment où l'Algérie vivait la souffrance. Ce n'est pas tout à fait un hasard si par la suite, en 1980, Tanigushi est venu à Alger pour couvrir l'évènement d'El-Asnam. Sa présence à Alger n'est pas seulement triste. Il y est aussi dans les moments de grandeur, comme au début de l'année 1971, pour décrire l'Algérie comme berceau des différents mouvements de libération nationale et en septembre 1973, pour couvrir le sommet des pays non alignés, dont Alger était la clé de voûte.
En décembre 2004, à l'occasion de la visite officielle au Japon du président de la République algérienne, il s'était présenté à lui, avec toute l'humilité qu'on lui reconnaît, pour lui expliquer comment la solidarité estudiantine avait été établie entre les étudiants japonais et algériens dès 1957. Pour terminer, je laisserai le soin du mot de la fin à un Algérien établi à Tokyo qui résume bien tant le background que l'aspect humain constant de Susumi Tanigushi : “Et puis, il y eut, à Tokyo, des jeunes Algériens qui ont fait ce serment, le serment de Novembre, prononcé en présence de jeunes Japonais au début des années 1957. Un serment qui ne s'est jamais renié. Tanigushi avait voulu prendre part au combat de ses frères et dirigé Algeria News. Toute sa vie, il a juré à Abdelrahmane, Abdelmalek, Choaïb et Moustapha de ne jamais trahir, de ne jamais faillir, de toujours répondre présent pour l'indépendance du peuple algérien. Ce jour-là, en ce lieu de haute civilisation, une amitié, guidée par l'invincible cri des opprimés venus du sol algérien, était née pour toujours.”
M. M.
(*) Docteur d'Etat en sciences de la communication, ancien professeur à la faculté des sciences politiques et de l'information d'Alger. Il a notamment publié Communication, Ethique et Village Planétaire (Dar El-Hikma, 2006), et Au bout des claviers… la société de l'information” (Dar El-Hikma 2008).


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